Comme un air de déjà vu, lu et entendu. Le club de Marssac XV a jeté l’éponge officiellement, et ne participera pas au championnat de Régionale 3 Occitanie saison 2024-2025. La faute à une vague de départs et un effectif devenu trop juste. Ils étaient pourtant trente joueurs en juin, prêts à s’engager pour une nouvelle saison, mais ils n’étaient plus que 15 mi-août. Une situation déjà vécue en 2018, en 2020, que déplorait déjà fortement Didier Canivenc, l’homme à tout faire du club tarnais depuis plus d’une décennie, qui passe le témoin, non sans alerter sur des comportements déjà mentionnés à plusieurs reprises dans nos colonnes. Un constat que de nombreux dirigeants et de joueurs, risque fort de partager…. (par Jonah Lomu)
Didier Canivenc, l’an dernier, Marssac repartait sur un nouveau projet, la mayonnaise semblait bien prendre, et pourtant…
« On sort de deux saisons galère, avec quelques lourdes défaites à la clé. Batailler en Régionale 3, au lieu de l’ancienne 4ème série, ce n’est pas pareil. Là, on a joué contre des équipes qui évoluaient en 2ème série, plus équipées, plus structurées, qui nous mettent 40 ou 50 points. Nos mecs ne réalisent pas qu’il y a plusieurs niveaux d’écart. Ils constatent juste le score, qu’il n’y a pas de résultat, qu’on gagne seulement un ou deux matchs par saison, contre la seule équipe de notre niveau, et donc, qu’ils vont passer une saison galère, que l’hiver sera long, et le printemps arrivant, ils resteront à la maison.
C’est un constat que vous faisiez déjà au début de la saison 2022-23. Il n’y a pas eu d’amélioration donc ?
Comment ce serait possible ? Cette compression de niveaux élimine des clubs progressivement, et comme les mecs aujourd’hui veulent tout, et tout de suite, ils sont vraiment impatients, il n’y a plus le temps de construire. Quand, en plus, des clubs aux alentours rôdent et viennent les solliciter, ils tendent l’oreille forcément, ce qui peut se comprendre, surtout au vu nos conditions.
Didier Cannivenc (Marssac) : « La refonte des niveaux tue les petits clubs ! »
Vos conditions ?
Oui, nos infrastructures ne sont pas pas top, il n’y a pas de tribunes, donc pas trop de public. les vestiaires sont en chantier permanent, sans chauffage l’hiver, parfois sans eau chaude, tout mis bout à bout, on peut comprendre que des joueurs partent et qu’on ne soit pas attractif pour en faire venir. Et puis en plus, on fait payer les licences.
« L’amour du maillot a disparu… »
En regardant par ailleurs, l’argent en Régionale 3 n’est pas toujours un obstacle majeur…
Chez nous, si visiblement. L’amour du maillot a disparu dans le rugby amateur. Il suffit de promettre un peu d’argent. J’ai entraîné ce club pendant 10 ans, sans prendre un centime. On a contacté des gars pour me remplacer, vous en avez un, plutôt compétent, assez jeune, qui demandait directement 400 ou 500€ par mois, en garantissant qu’il amenait des joueurs avec lui. Mais partir avec un budget de 6 000€ par an pour un entraîneur, on ne peut pas. Et on ne veut pas non plus. Franck Joseph et Alain Gallégo, qui sont deux nouveaux co-présidents très investis, se sont démenés. Ils ont trouvé deux bons coachs, deux bonnes personnes aussi, prêtes à s’impliquer, mais peut-être en manque de réseau pour faire venir du monde.
Et vous ?
Moi ? Je commence à prendre de l’âge, je passe la main désormais. Et puis, je connais de moins en moins les joueurs. Ils sont différents en plus, ils manquent de passion ou d’intérêt, ils viennent s’ils ont le temps, ne préviennent pas s’ils sont absents. On peut faire une feuille de match à 21 noms le vendredi soir, et se retrouver à 15 ou 16 le dimanche matin. Je me souviens avoir joué avec une fracture du pouce, un genou dans la boîte à gants, ça fait vieux con, mais c’est vrai.
Maintenant, un coup c’est le déplacement qui est trop loin, un coup c’est le mauvais temps, un anniversaire, un bobo qui s’est réveillé le samedi soir, avant de sortir. La parole donnée ne vaut plus grand chose de nos jours, c’est ainsi. C’est sociétal, ce n’est pas propre au rugby. Ce manque de motivation décourage le noyau dur des 15 ou 16 motivés et sérieux, et voilà la spirale infernale.
De là à ce que 15 joueurs partent d’un coup…
Il suffit qu’un leader s’en aille, un deuxième, pour que les autres se regardent, se posent des questions, et puis c’est hémorragie. Ca arrive souvent. Autour de nous, Cambon est en sommeil, Cagnac aussi, Puygouzon pareil, Labastide St Georges reprend après une année de sommeil, très bien, mais pour combien de temps, Brens et Montans se sont regroupés pour former l’Union Rive Gauche. A y regarder de plus près, nous qui sommes plus près d’Albi que de Gaillac, à part Saint-Juéry, il ne reste plus beaucoup de monde.
Il y a de l’abattement dans vos propos…
Pas forcément, mais regardez : on a remonté le club après quelques années remous, et puis on prend le Covid. On se retrousse les manches, on recrute des mecs, mais ils ne restent qu’une saison. On fait quelques bons coups au niveau recrutement encore, mais il n’y a pas de vivier. On s’accroche encore, et puis on nous pond la réforme des niveaux, avec la création d’une Régionale 3, où l’on joue contre des équipes qui s’étaient qualifiées en 2ème série deux mois plus tôt.
C’est difficile de monter un projet sur la durée dans ces conditions. On a joué une finale de 3ème série il y a dix ans, c’est bien, mais c’est bien loin, et on n’a pas capitalisé dessus.
On a compris que vous passiez la main, mais quel est l’avenir de Marssac alors ?
Il y a des pistes pour repartir dès l’an prochain, car il faut repartir immédiatement, sinon, c’est mort ! Les présidents vous en parleront mieux et je l’espère, avec lus d’éléments concrets dans quelques mois. D’ici là, on monte une équipe loisirs pour maintenir l’activité rugby chez nous, et que ça serve de tremplin pour la saison prochaine. C’est mon vœu le plus cher. »
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