Le RC Sète est souvent pointé du doigt pour son jeu « musclé ». En 2017 contre St Lys, en 2019 contre Bressols, ou encore lors de son parcours qui l’a mené au titre occitan 2022. Le club vert et blanc cher au président Jean-Luc Fabre, s’est imposé ce dimanche sur son stade Bayrou, contre le RC Cévenol 24 à 0. Tout du moins, tel était le score à la 58ème minute de jeu, puisque cette rencontre n’est pas allée à son terme. Arnaud Gonzalez, l’arbitre du jour a en effet sifflé la fin du match plus tôt que prévu, à la demande des visiteurs, suite à deux bagarres survenues coup sur coup aux 52ème et 58ème minutes, sanctionnées de deux cartons pour chaque camp : I. Michel et Ragno, côté sétois, Deulin et Malfroot côté alésien. Pas suffisant pour calmer les ardeurs, ni ramener la confiance pour les Gardois, qui préféraient regagner les Cévennes de manière anticipée. Une fin de match qui méritait des explications détaillées auprès des principaux concernés : Laurent Malfroot (co-président et joueur du RC Cévenol) et Mouss Amakrane (ouvreur et néo co-entraîneur des Sétois)…
Laurent Malfroot, avant de parler du match d’hier, parlez-nous de l’aller ? Il y avait un contentieux ?
Sans parler de contentieux, disons qu’il y a une certaine rivalité entre Alès et Sète. A force de se croiser en Honneur, puis en Fédérale 3 maintenant, les occasions n’ont pas manqué de jouer des matchs que l’on peut qualifier de tendus.
Comme au match aller donc ?
Oui. Ca ne s’était pas très bien passé. Pour tout dire, un de nos jeunes joueurs, un peu dépassé par l’évènement visiblement, avait mis un coup à un joueur de Sète, un vieux briscard, N. Michel, sur un regroupement, et avait pris un rouge. Normal, fin de l’histoire. Mais en seconde mi-temps, un autre jeune joueur de chez nous a pris un coup de poing au sol, j’étais rentré en cours de jeu, et quand j’ai vu ça, je suis allé le défendre et j’ai fait justice. J’ai pris un rouge aussi. Le match s’est terminé normalement. On aurait pu passer à autre chose, mais hier, il y avait un contrat sur ma tête visiblement. Des gens sur place me l’ont dit.
Un contrat sur votre tête ? Que s’est-il passé ?
Le match de la B s’est très bien passé, dans un bon état d’esprit. Mais pour celui de la Une, tout a été différent. Nous n’avons plus rien à jouer, et avons tellement de blessés, qu’on est obligés de doubler. Sète est supérieur à nous, devait assurer sa qualif, et menait rapidement 24-0 (score à la pause). Ils n’avaient pas besoin de mettre des bouffes pendant 40 minutes, notamment sur nos joueurs les plus jeunes.
Et vous êtes rentrés en jeu à la mi-temps ?
Oui, toujours à cause de notre problème d’effectif. Je me suis fait chambré, on m’a dit que j’avais de la chance car le joueur avec qui je m’étais accroché à l’aller, ne jouait pas. Et puis, et sur une de mes premières actions, je me fais plaquer, je suis au sol, bloqué, je ne peux pas me relever. J’avais trois joueurs de Sète sur moi, j’ai pris des coups au visage, des doigts dans la bouche, on m’a sauté sur les chevilles, et on m’a même tordu les c….. ! Je ne suis pas du genre à pleurnicher, je connais le rugby, le combat, je me suis relevé, tant bien que mal…
Laurent Malfroot : « Nous n’étions pas en sécurité »
Qu’a fait l’arbitre à ce moment-là ?
Il nous a convoqués. Il a mis un rouge à un des joueurs de Sète, mais il m’en a mis un à moi aussi, alors que j’étais bloqué au sol et que je n’ai mis aucun coup. Là, je n’ai vraiment pas compris pourquoi moi aussi j’étais exclu. J’ai discuté avec notre capitaine. On a parlé entre nous, avec les joueurs, pour savoir s’ils voulaient continuer ou pas. J’ai vu leurs regards, notamment les plus jeunes, j’ai lu la peur dans leurs yeux. Les joueurs de la réserve de Sète étaient prêts à rentrer sur le terrain. J’ai senti que nous n’étions pas en sécurité, alors j’ai décidé de ne pas reprendre.
Quelle a été la réaction de Sète ?
Leur équipe a semblé surprise de notre décision. J’ai entendu le capitaine de Sète dire devant l’arbitre : « C’est normal qu’on vous arrose, vous avez fait pareil à l’aller ! ». Incroyable d’entendre ça, on cautionne tout alors ? On a une équipe rugueuse, oui, mais on connait les limites. Je peux vous dire que je me suis largement fait insulter de tous les noms. Mais c’était mieux ainsi je pense.
Mieux, mais regrettable d’en arriver à ce genre de décision tout de même ?
J’ai 43 ans, je joue au rugby depuis que j’ai 15 ans, je pense connaître le rugby, j’ai joué dans le Var, en Provence, les bagarres générales y sont légion et presque banalisées. C’est triste à dire, mais c’est la réalité. Quand il y avait un contentieux, la première mêlée se relevait, et on passait à autre chose. Ce que l’on a vécu hier, ça n’avait rien à voir avec du rugby. C’était de la violence pure, gratuite, avec des mauvais gestes à chaque action ou presque. Et vu que l’arbitrage était pour le moins complaisant, il n’y avait pas d’autre issue possible.
Vous semblez ironique en évoquant l’arbitrage…
Je constate juste que Sète bénéficie de quelques largesses à ce niveau. Que ce soit sur le terrain ou en dehors. Leurs joueurs suspendus pour accumulation de cartons jaunes ou cartons rouges, sont étonnamment graciés en Commission de discipline. A l’aller, j’ai pris quatre matchs de suspension, N. Michel, qui avait pris un rouge, a été blanchi. Pour dire les choses plus clairement, chacun sait qu’avec Alexandre Ruiz comme coach, il fait la pluie et le beau temps sur un terrain, il dicte sa loi.
C’est une accusation grave…
Je dis juste les faits. Et je ne pense pas être le seul à le penser. Sauf que je le dis plus clairement aujourd’hui. D’autres l’ont fait avant moi, avec leurs mots, il me semble (voir article). Sans effet a priori. Donc je le redis en espérant éveiller les consciences. Normalement, on doit prendre du plaisir à jouer au rugby, là, c’est la frustration qui domine. On a l’impression que le corps arbitral n’est pas impartial quand on joue contre Sète. Il peut y avoir des erreurs, les arbitres sont humains, mais je le répète, on n’est pas arbitrés de la même façon, on a l’impression qu’il y a des amitiés fortes entre les arbitres et Alexandre Ruiz.
En lisant votre interview, certains diront qu’Alès n’est pas une équipe tendre avec ses adversaires…
Vous avez raison, c’était le cas dans le passé, où l’on disait que venir jouer à Alès, c’était chaud. Sûrement oui, c’était le rugby à l’ancienne, comme dans de nombreux clubs. C’était le rugby de l’époque, d’une époque révolue. Il est possible que l’on paye notre passé d’équipe rugueuse.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui ?
On a une équipe rajeunie, en reconstruction, qui veut jouer au rugby, se faire plaisir, et nous dirigeants, essayons d’être dans l’esprit. Payer une certaine image, une réputation passée, n’a donc plus de sens. On accueille tous nos adversaires avec un repas d’avant match, comme pour les arbitres. Sur ce point-là, il me semble que Sète se distingue là aussi, en étant la seule équipe de la poule à ne pas le faire. J’imagine qu’on va nous taxer de pleurnicheurs, mais je veux juste être transparent avec une situation qui est dérangeante. Le rugby amateur, c’est se faire plaisir à jouer le dimanche, et aller travailler le lundi. C’est déjà assez compliqué avec les problèmes d’effectif, de blessés, pour en rajouter avec ce genre d’histoires. Mais il me semble nécessaire de le faire savoir.
Mouss Amakrane (Sète) : « Alès a oublié son courage à la maison »
Mouss Amakrane (ouvreur et co-entraîneur de Sète) : Quel est votre réaction à cette fin de match prématurée hier contre le RC Cévenol ?
« Au match aller, ils nous ont fait attendre sur le terrain un long moment avant de rentrer à leur tour. Alès a voulu nous recevoir à l’ancienne, ce qui nous allait très bien. Il y a eu des rouges et des mauvais gestes, tout ce que l’on peut voir sur un terrain quand on ne pense pas au jeu. Ce qui ne nous a pas empêché de l’emporter chez eux, leur serrer la main, avant d’aller à la réception d’après match. Pour le retour, on a voulu leur rendre la monnaie de la pièce comme on dit. Car c’est bien de recevoir comme ils l’ont fait à l’aller, mais ensuite, il faut avoir le courage de se déplacer pour le retour. »
Vous pouvez être plus précis ?
Le match s’est très bien passé, on menait 24-0. Car contrairement à ce qu’il se dit, on sait jouer au rugby à Sète. On sait faire la guerre si nécessaire aussi, mais tout en restant dans la règle. Oui, il y a eu une petite « chiffonnade », mais rien d’exceptionnel. L’arbitre a sorti deux rouges, puis deux autres quelques minutes plus tard. Leur président-joueur, qui s’était signalé à l’aller en prenant un rouge, et qui venait de rentrer après la pause, est allé voir l’arbitre. Il a visiblement été surpris d’en prendre un autre. Ils ont parlé entre eux. Peut-être qu’Alès a oublié son courage à la maison, et ils ont décidé d’arrêter le match.
Ce qui n’a pas l’air de vous plaire…
Je me suis entretenu avec leur capitaine à la fin du match, en lui expliquant que ce n’était pas correct de quitter le terrain de la sorte oui. Il m’a juste répondu qu’il était désolé, en évoquant le match aller.
Laurent Malfroot, le président-joueur d’Alès n’a pas manqué d’égratigner Sète, en parlant de mauvais gestes répétés, et d’une certaine mansuétude arbitrale…
On a été rude oui, comme il faut l’être sur un terrain de rugby je pense. Mais on a joué au rugby aussi, la preuve, nous avons marqué trois essais en trente minutes, et empoché le bonus offensif. Pour le reste, je lui laisse la responsabilité de ses propos.