Ce mardi 14 janvier, le Cercle Amicale Lannemezanais (Nationale 2) annonçait dans un communiqué sur ses réseaux sociaux le départ de ses entraineurs de l’équipe première, Sébastien Pettigiani (coach des avants) et Samuel Brethous (coach des arrières). Ce dernier, au club depuis deux ans et demi, est revenu sur les raisons de cet arrêt. Entretien… (Par Loulou / Photo GR Vin et Alain Sabathier)
En grande difficulté dans la poule 2 de Nationale 2, Lannemezan (10ème ex-aequo, 27 points) a connu, le week-end dernier sur son terrain, sa huitième défaite en 13 journées contre Saint-Jean-de-Luz (17-24). À la suite de ce nouveau revers, et avant un crucial déplacement à Graulhet ce dimanche, les deux entraîneurs ont annoncé aux joueurs et dirigeants du club la fin de leur aventure avec eux.
Samuel Brethous évoque ici les raisons qui l’ont poussé à ce qui pourrait ressembler à un abandon de navire. Loin de là. Le coach des trois-quarts de l’équipe fanion, responsable sportif du centre d’entrainement, retrace aussi ses deux saisons et demie au club.
Samuel Brethous, tout d’abord, quel sentiment prédomine chez vous, quelques jours après cette démission ? De la tristesse, de la colère, de la déception ?
Il n’y a ni colère ni tristesse, je dirais plutôt de la mélancolie. Ça va surtout me faire bizarre de ne plus aller aux entrainements et de ne plus avoir à faire l’heure de route pour rentrer à la maison. C’est quelque chose qui s’était ancré en moi depuis maintenant 2 ans et demi.
Qu’est-ce qui vous a conduit à prendre cette décision d’arrêter ?
C’est une accumulation de plusieurs choses. J’ai pu sentir un net décalage entre mon investissement, mon ambition pour l’équipe et les moyens mis en œuvre pour réussir. En l’occurrence la présence de tous aux entraînements, la ponctualité et tout le manque de conscience qu’exige le niveau de la Nationale 2.
Une forme d’usure progressive ?
La saison en cours est particulièrement difficile. Nous avons eu une hécatombe de blessés de longue durée et l’effectif a été réduit de plus d’un tiers. On a passé notre temps à bricoler tout en ayant conscience que le club n’avait pas les moyens de pallier ces absences en enrôlant des jokers. À cela s’ajoute une importante indiscipline sur le terrain. On a beaucoup été pénalisé en prenant de nombreux cartons et donc des suspensions. Toutes ces absences cumulées ont limité la concurrence au sein de l’effectif avec des joueurs qui, peut-être, se sentaient sûrs de jouer.
Et moins d’implication ?
Le fait de ne pas pouvoir pousser cette concurrence à fond baissait peu à peu l’investissement de chacun oui. Alors, on a essayé de faire jouer un maximum de jeunes du club pour maintenir un niveau compétitif, mais ça restait très difficile. On devait souvent s’appuyer sur le même groupe sans pouvoir faire tourner. Je comprends qu’ils puissent être fatigués car la Nationale 2 est un niveau qui demande beaucoup de travail. La connexion était toujours bonne, mais la raison principale, c’est bien cette différence d’investissement.
« Je me suis dit : la carte à jouer, c’est peut-être de s’éliminer soi-même pour que le groupe grandisse davantage »
Pourquoi ne pas avoir attendu la fin de saison pour partir ?
Pour créer un électrochoc. Je suis quelqu’un qui adore la stratégie, qui adore l’aspect tactique, et là, il y avait trop de paramètres que je ne pouvais plus maîtriser. Alors, en me retirant, je me suis dit que le plus grand service que je pouvais laisser à ce groupe, c’est de lui permettre de se resserrer pour qu’il puisse bien prendre conscience de la situation dans laquelle il est. Ils n’ont pas forcément besoin de quelqu’un pour leur montrer la voie, ils ont besoin d’éclore eux-mêmes.
S’en aller pour sauver son groupe, c’est une décision peu évidente à prendre on imagine ?
Je suis désormais leur premier supporter et j’espère sincèrement qu’ils vont réussir à se maintenir. Je n’ai aucune rancœur avec personne au moment de faire ce choix. Je me suis dit : la carte à jouer, c’est peut-être de s’éliminer soi-même pour que le groupe grandisse davantage. S’il y a maintien au bout, ça voudra bien dire que cette décision était la plus sage.
C’est une décision commune avec Sébastien Pettigiani, ou est-elle prise chacun de votre côté ?
Le constat était commun avec Sébastien. Maintenant, la décision, je l’ai prise seul. Ça faisait un petit moment que ça trottait dans ma tête et ce n’est pas le résultat du week-end dernier face à Saint-Jean-de-Luz qui a pesé dans la balance. Ce match a juste confirmé, du moins la première mi-temps, que l’équipe était complètement amorphe.
« J’ai passé 2 saisons très fortes en émotions »
Comment les joueurs ont réagi à votre annonce ?
Je vais vous dire la vérité : je ne sais pas. J’ai fait mon annonce dans le vestiaire à l’issue de la rencontre et il y a eu un silence de cathédrale. Il n’y avait pas de colère, ils me connaissent depuis maintenant près de trois ans et ils savaient que c’était une décision ferme et définitive.
Que retenez-vous de ces deux saisons et demie en tant qu’entraîneur de la ligne arrière du CAL ?
De la passion. C’est un peu comme une histoire d’amour finalement. On a vécu des moments magiques tous ensemble. La première année est très belle, on va chercher une qualification. Et la deuxième, dans la poule de l’Est, on a dû faire de très longs déplacements. On a accumulé beaucoup de fatigue et les mecs sont restés valeureux malgré tout. Je pense aussi qu’on a payé ces deux dernières saisons physiquement.
Lannemezan a retenu des leçons de ces expériences ?
On n’a pas les moyens logistiques et financiers pour avoir des joueurs sous contrat, à 100% tournés vers le rugby et avec une récupération adéquate. On n’est pas une équipe professionnelle, on lutte avec nos moyens dans une division qui compte justement des clubs pros. On a su garder nos valeurs de cohésion dans les moments difficiles. Ça a été tellement fort et fusionnel que ça aurait pu se déchirer à la fin. J’ai passé 2 saisons et demie très fortes en émotions. La plus belle restera pour moi celle de l’an dernier où l’on a bataillé pour le maintien jusqu’au bout.
Comment voyez-vous la suite ?
Je n’en ai aucune idée à ce jour. Même si on savait avec Séb que c’était notre dernière saison ici, on restait à 100% dans le projet avec Lannemezan et on ne pensait pas du tout à l’avenir. Évidemment, j’ai encore envie d’entraîner, de vivre d’autres émotions. Il faudra voir les opportunités qui se présentent. Dans l’idéal, j’aimerais pouvoir continuer en duo avec Sébastien, car il y a une vraie connexion qui s’est faite. Au-delà du binôme que l’on forme, on est devenu des amis très proches et je souhaiterais, tant que cela est possible, prolonger cette aventure ensemble. On aurait aimé mieux finir avec le CAL, mais c’est comme ça, on ne choisit pas.
Souhaitez-vous dire un dernier mot sur votre passage à Lannemezan ?
Ce que je souhaite, c’est la réussite du club, j’espère qu’il va obtenir sa labellisation. Je tiens à remercier tous les dirigeants qui m’ont fait confiance durant ces trois saisons, car il y a eu trois présidents successifs et je remercie également tous les supporters. Enfin, ce que je retiendrai de mon passage à Lannemezan, c’est qu’il y a un véritable vivier dans ce secteur. J’espère voir tous ces jeunes éclore et jouer au plus haut niveau possible.