Reportage : Lézat, un bouclier et des histoires inoubliables
C’est l’histoire d’une finale, d’un titre, d’une saison faite de hauts et de bas, d’une vie de groupe pas toujours linéaire, mais sincère, des instants qui resteront gravées pour toujours, comme le nom de leur club sur le planchot. Pas le Brennus, mais c’est tout comme : le bouclier de champion de Régionale 2, des réserves… (par David Campese, photos Christophe Fabriès pour RugbyAmateur)
Jouer en réserve demande bien des aptitudes, mentales et physiques. Mentales, car il faut s’accrocher pour reprendre en fin août, traverser l’hiver, lors d’entraînements à effectif plus ou moins complet. Physiques, car à défaut d’avoir une hygiène de vie parfaite, il faut quand même s’y filer le dimanche à 13h30, quand l’estomac est perturbé par un repas anticipé, une soirée prolongée, et un petit déj limité. Physique aussi quand il faut doubler en Une, et rester sur la brèche durant deux matchs complets.
Mais quand le printemps arrive, tout change. C’est l’heure des phases finales pour les plus constants. Déjà une récompense de jouer sur des pâquerettes, alors imaginez bien quand l’équipe réserve parvient à se hisser jusqu’en finale de son championnat. L’histoire s’écrit alors en lettres majuscules, l’équipe B prend la lumière, un peu plus. Le samedi, c’est jour des réserves.
Et samedi dernier donc, c’était la finale du championnat des réserves de la régionale 2 d’Occitanie. Murviel-Thézan contre Lézat-sur-Lèze, Héraultais contre Ariégeois. Deux villages qui avaient rendez-vous à Aussillon, dans le Tarn, à plus ou moins une heure et demie de route chacun. Les drapeaux, les peintures, les klaxons étaient de sortie, l’ambiance des phases finales, inimitable, aussi.
Avant match
A Lézat, on se souviendra longtemps de cette épopée 2023. Lézat-sur-Lèze, pour rappel à celles et ceux qui ne connaitraient pas bien, c’est un village de 2 500 habitants environ, situé dans le nord-ouest de l’Ariège, pour quelques kilomètres, à la frontière sud de la Haute-Garonne. Un village fier de son club de rugby et de son église Saint Jean-Baptiste, où se trouve un carillon manuel de 16 cloches.
John le sait bien, il est carillonneur. Tel un Dany Boon dans Bienvenue chez les Ch’tis, le 2ème ligne s’emploie à réveiller le village, ou à les avertir, depuis le début des phases finales, que c’est jour de match. A force de franchir les obstacles et les tours, cette récente tradition est devenue superstition. Le rugby de clocher dans toute sa splendeur.
Ce samedi le rendez-vous était donc fixé à 8h30 pour faire la photo à la fraîche, avec une chemise blanche de rigueur. Avant de monter au sommet du clocher donc, se rapprocher de la lumière divine, et pour John, de jouer une partition. Le Père Jean Marcel était là, et donnait sa bénédiction, le groupe pouvait partir en direction du Tarn, soutenu par les dieux… du rugby.
A jour exceptionnel, dispositif exceptionnel. Pas de sandwich pâté, jambon ou fromage, au pied du bus, mais les pieds sous la table, dans un vrai restaurant, à Soual, que le chauffeur du bus a eu du mal à trouver, puisqu’il a changé trois fois d’itinéraire pour en trouver l’entrée. Qu’importe, les joueurs ont pu apprécier un vrai menu, avec entrée, plat, dessert et même, un café, bien chaud.
L’arrivée au terrain d’Aussillon sera plus directe et sans erreur. C’est l’heure de se changer, de se concentrer, de se parler et d’aller s’échauffer. La température est déjà élevée, les premières accélérations font transpirer certains plus que d’autres, jusqu’à vomir pour deux d’entre eux. La chaleur, le restaurant, le stress ? Ou les trois en même temps ? Allez savoir. Il y a du monde en tribunes, et autour des mains courantes. Les supporters sont là, les équipiers de l’équipe Une aussi, tout ce beau monde crie et chante quand les équipes rentrent et ressortent des vestiaires. Il est 15h, la grande finale va commencer.
Le match
Les intentions sont là, l’engagement aussi. Entre jeu au près et grandes envolées, on ne s’ennuie pas. Sur une touche rapidement jouée et bien négociée par le demi de mêlée de Lézat, Etchébarne, aux 50 environ (on parle du terrain, pas de son âge !) le petit côté et le deux contre-un final se termine par le premier essai du jour. Le deuxième ne se fait pas attendre, il sera l’oeuvre des avants cette fois, avec une ballon porté dévastateur. Murviel-Thézan réagit avant la pause sur une pénalité jouée à la main à cinq mètres de la ligne lézatoise. Bonne idée, essai, 15-8 à la pause, tout reste possible, et à faire.
Deuxième période – A peine le temps de reprendre place en tribunes que Béret, intercepte une passe allongée héraultaise quelque peu téléphonée. L’ailier lézatois avait déjà intercepté le message en première période mais sans conclure. Là, personne ne le rattrapera. Chapeau Béret qui transforme (22-8, 42ème).
Les Héraultais accusent le coup, mais ont du mental, et des jambes. Ils marquent un bel essai six minutes plus tard, avant de passer une pénalité qui les ramènent à 22-18. Les vingt dernières minutes sont tendues, les chaussettes sont baissées, les ballons tombent, à l’inverse de la tension, les mêlées et les coups de pied se succèdent. Lézat compte quelques « papas » dans son équipe, dont David Boy, à l’ouverture, qui claque un drop à trois minutes du terme. 25-18, plus rien ne sera marqué, Lézat, 10 ans plus tard, est titré.
« Mais où est le bouclier ? »
Longues sont les étreintes aprus le coup de sifflet final, mouillés sont quelques regards, tristes sont les Héraultais, joyeux sont les Ariégeois, qui vont aller chercher le fameux bout de bois, amené par des représentants de la Ligue Occitanie. Tant bien que mal…
En effet, pour la petite histoire, dans la grande, au moment de la réception d’avant match, l’un d’eux a dit : « Il faut penser à installer le bouclier en tribunes car…Mais où est le bouclier au fait ? » Réponse : « C’est pas toi qui l’a pris ? » « Ben non, je croyais que c’était toi… ». Alerte générale ! Coup de fil à la Ligue Occitanie pour demander à quelqu’un d’apporter en toute hâte le planchot. Sauf qu’il est introuvable.
Là, une remarque se fait entendre : « Il ne serait pas resté chez le champion de l’an dernier par hasard ?. » Silence. Echanges de regards. Et oui, le bout de bois trônait encore chez les Rives d’Orb. Un dirigeant de la Ligue s’est donc dévoué pour faire un aller retour de plus de deux et demie de route pour que le bouclier soit bien présent, et à l’heure, au moment de sa remise aux vainqueurs.
L’après match
Les champions du jour n’y auront vu que du feu. Et en plus ils ont la bonne surprise de recevoir des places pour le match Japon-Samoa le jeudi 28 septembre prochain : « On va tous poser notre vendredi, juste au cas où » nous confiait « Bixent » Etchebarne, le néo retraité des terrains depuis 15 minutes. Le champagne pouvait couler à flot dans les vestiaires. Quelques heures plus tard, il y aura le tour du village en tracteur bien sûr, et une maxi boom au foyer rural de Lézat, qui selon nos informations, s’est prolongée 48 heures durant. La faute à ce nouveau lundi férié et à David Boy qui en bon ouvreur, à ouvert les portes de son domicile pour prolonger les festivités.
Il fallait bien ça pour fêter le premier titre ariégeois de la récente histoire occitane. Un baptême du feu réussi donc, et encore plus pour Greg. Le polyvalent 2ème ou troisième ligne lézatois souhaitait se faire baptiser depuis longtemps. John le carillonneur en avait informé le curé du village, la veille, qui lui a répondu de venir le lendemain, pour la messe du dimanche matin à 10h. Au lendemain de la finale, à 35 ans, avec John comme témoin, et Claire, dirigeante et compagne de David Boy, Greg a donc mis sa plus belle chemise blanche, la direction de l’église, et a été baptisé, enfin.
Ce samedi 6 mai 2023 restera gravé dans les mémoires lézatoises. Car un titre, un bouclier, quel que soit le niveau, c’est pour la vie. A la rentrée prochaine, les plus jeunes iront peut être jouer avec la Une, pour de nouvelles aventures, les plus anciens eux, braves quadras, vont continuer une saison de plus, ou ranger les crampons. « Bixent » Etchebarne est de ceux-là. Le Basco-ariégeois, après quatre finales perdues, a remporté la cinquième. Il peut donc pousser un « Urt » de soulagement (son village d’enfance), lui qui avait été champion de notre interview décalée en 2014, est devenu champion occitan en 2023.
Lézat est champion, Murviel-Thézan, un beau vice champion : c’était un samedi presque comme les autres, un samedi de champions, vainqueurs ou vaincus, tous le sont. Les petites histoires de cette finale, deviendront des grandes au fur et à mesure que le temps passera. Ces histoires qui ont fait, font et feront la gloire et la légende du rugby amateur. Et que l’on aime tant vous raconter…