Depuis plusieurs semaines, l’équipe Suisse du Servette de Genève sucite bien des commentaires par chez nous, les Français. En effet, dotée d’un stade de 30 000 places, et de moyens assez considérables fournis par la ville, la formation Helvète va participer à sa première finale du championnat de… France. Ce sera en 3ème série, et contre Labarthe-sur-Lèze. Avant ce choc des cultures, nous avons décidé d’en savoir plus sur ce club et avons contacté un de ses dirigeants, Marc Bouchet, directeur général. Ce Palois de naissance, parti du Béarn à 20 ans pour finir ses études à Paris, a finalement posé ses valises en Suisse. Et sa passion pour le ballon ovale. Avec une détermination pas si… neutre que cela. (par Jonah Lomu)
Marc Bouchet, quelle est la situation du rugby en Suisse ?
Il y a une fédération depuis 1972 mais il n’évolue pas beaucoup. Il y a toujours les mêmes clubs, 4 à Genêve par exemple, avec le même niveau, équivalent à une bonne équipe honneur.
Comment expliquer ce manque d’évolution ?
Les écoles de rugby s’arrêtent à l’âge de 12 ans. Au dessus, c’est géré au niveau cantonal, mais le problème est le même, car il n’y a pas d’équipe contre qui jouer. Les jeunes s’orientent ensuite vers le ski notamment. L’équipe nationale ne peut donc pas progresser, à moins d’avoir des renforts « étrangers » parfois.
Dans ce contexte justement, pourquoi avoir pris le pari du rugby en Suisse avec votre club du Servette de Genêve ?
Il y a quelques très bons jeunes ici, les meilleurs partent jouer en France. L’idée était de regrouper tous ces jeunes, de créer une école de rugby pour tous les âges, et d’avoir un vrai centre de formation. Et surtout de pouvoir les faire jouer contre des équipes différentes. On ne voyait qu’une seule solution, jouer contre des équipes françaises. Encore fallait-il être accepté. Tout comme notre équipe séniors, qui est la vitrine du club.
Quelles ont été vos démarches ?
On a pris contact avec la Fédération Française tout d’abord, puis le Comité du Lyonnais, des Alpes…Il a fallu argumenter tout un tas d’organismes pour pouvoir jouer. Et puis on nous a donné le feu vert l’an passé. Tout en nous expliquant qu’à l’instar de toute autre équipe qui se lance, il fallait commencer par le plus bas niveau. On s’y est plié bien sûr, en jouant dans le comité du Lyonnais. On aurait préféré attaquer en promotion honneur, ce qui doit correspondre à notre niveau je pense, mais c’est ainsi…
Quel bilan tirez-vous à la fin de cette saison ?
On a une équipe en U14 et U16, chacune a réalisé un bon parcours. En U18, cela a été plus compliqué, on a manqué d’effectif, donc on a dû déclaré forfait. Ces jeunes pouvaient jouer en séniors ailleurs. Mais comme l’an prochain, il n’y aura plus de surclassement possible, on devrait pouvoir remonter cette équipe. On travaille par ailleurs sur une entente possible avec des clubs français pour nos jeunes.
Et donc votre équipe séniors qui va disputer la finale du championnat de France de 3ème série. Comprenez-vous que depuis la France, votre intégration puisse être perçue négativement ?
Tout à fait. On voit bien que notre image n’est pas bonne quand on se déplace. On nous juge avant de nous connaître surtout. On entend tous les clichés à notre sujet « club de riches », « étranger », que l’on fausse le championnat, etc…
Sans tomber dans le cliché facile, votre budget, rendu public, qui approche les 500 000€ a de quoi faire parler non ?
Entre 400 000 et 500 000€ oui. Mais je précise qu’il s’agit ici de subventions destinées à aider la formation, pour rendre nos jeunes meilleurs et qu’ils progressent dans les meilleures conditions possibles. Tout ceci, afin d’en faire profiter le rugby suisse en général et l’équipe nationale à terme. A ce jour, je peux vous garantir que nous avons le même fonctionnement qu’un club de 3ème série pour nos séniors.
C’est-à-dire ?
Les joueurs ne sont pas payés, tout le monde est bénévole. Ils reçoivent un défraiement pour leurs indemnités kilométriques, réelles, et ils ne viennent pas de Toulouse, qu’on se le dise (rires). Les dirigeants font vivre l’équipe Une par des sponsors locaux que nous allons chercher nous-mêmes. Maintenant oui c’est vrai, nous sommes des privilégiés de pouvoir utiliser les installations du stade de Genêve Un stade de 30 000 places, qu’on ne remplit pas je vous rassure de suite. Quand nous avons 500 personnes, c’est déjà bien. On est conscient de nos avantages, on voit bien la différence avec les équipes que l’on rencontre, et qui jouent sur des terrains de campagne, que l’on a tous connus. La ville nous aide et c’est tant mieux pour nous.
Ce qui attise un peu plus le ressenti négatif dont on parlait précédemment. Comment faîtes-vous pour vous rendre plus « sympathique » ?
On est conscient encore une fois que notre image est mauvaise pour tout un ensemble de raisons. Alors on demande déjà à nos joueurs d’être irréprochables sur le terrain déjà. Nous n’avons reçu aucun carton rouge par exemple.. Quand on reçoit nos adversaires, on fait le maximum pour bien les accueillir. Avec un avant match et un après match dont ils profitent bien. Je crois savoir que chacun est content de venir jouer chez nous. La réalité ne correspond pas à l’image qu’on veut bien nous coller, croyez-moi.
Et vous, vous êtes bien reçus quand vous vous déplacez chez vos adversaires ?
Ca dépend (rires). En général, chez nos voisins oui. Lors de notre demi-finale contre Coeur de Lomagne, leurs supporters nous ont reçu avec des petits suisses qu’ils ont envoyés sur notre bus. Rien de méchant en somme. C’était plus l’environnement de l’équipe qui était énervé, car entre les joueurs, ça se passait très bien.
On imagine que vos ambitions sont élevées?
On veut déjà relever le niveau actuel en Suisse. On aimerait bien monter en fédérale 3, dans les 5 ou 6 ans qui viennent. Jouer dans un stade comme le nôtre nous permettrait ensuite, pourquoi pas, de viser plus haut. Mais nous sommes bien conscients des moyens qu’il faudra avoir à ce moment-là. Et qu’il faudra parler argent avec les joueurs pour y arriver. Ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Nos joueurs sont très contents de jouer chez nous, ils viennent d’eux mêmes souvent, car ils travaillent en Suisse ou à la frontière.
Un mot sur la finale, et cette équipe de Labarthe-sur-Lèze que vous allez rencontrer ce dimanche ?
Je pense que vous les connaissez mieux que moi (rires). On découvre les équipes au fur et à mesure, et on a bien vu en demi-finale que c’était un match serré. On s’attend à la même chose contre Labarthe. S’ils sont en finale, ce n’est sûrement pas un hasard. Arrivé en finale est un vrai petit marathon, qui génère de la casse parfois. On alignera la meilleure équipe possible. On est heureux de se frotter à une équipe de la région midi-Pyrénées en tout cas, berceau du rugby français. On est heureux d’être en finale, on le serait encore plus si on décrochait le titre. Mais j’imagine bien que le discours est le même pour nos adversaires de dimanche.
Le Servette ne fait que renaître ou revenir à ses premières amours, même si elles sont lointaines 1890. Quant aux jeunes c’est aussi un retour vers le passé. La région genevoise a été régulièrement en entente avec les clubs limitrophes, parfois avec des succès sportifs. Crabos et cadets avaient déjà montré le chemin de finales championnat de France. (1992, 1993, 2006 )
Aujourd’hui l’entente des clubs genevois se fait avec le Servette Ce sont les clubs qui donnent le mandat au Servette d’emmener leurs jeunes sur le championnat français, comme autrefois l’association genevoise de rugby regroupait les forces pour monter des équipes et les faire jouer au plus prêt de leur capacité. En France cela s’appelle une ENTENTE et pour cela il faut que toutes les parties ne deviennent pas sourdes. Bien à tous.
Il serait sympa de préciser qu’au sein de cette équipe evolu un vrai joueur issue de la filière muretaine…
Top !