« Le rugby est un support à la rencontre, au partage. Nous avons l’esprit de compétition, mais c’est surtout un lieu de rencontres. Le club dépasse le cadre du rugby ». Voici les propos de Benoît Castanedo. L’infirmier libéral a rangé ses crampons au placard, mais pour rester au contact des copains, il est devenu président à 26 ans, avec un projet en tête. Sept ans plus tard, avec un bureau rajeuni, il ne ménage pas sa peine pour que son club du Foyer Laïque du Haut Vernet, au cœur de la vie sociale d’un quartier de Perpignan, soit en haut de l’affiche, sur le terrain comme en dehors. Au point d’être désigné comme un club pionnier, montré en exemple. Le club du 21ème siècle ? (par Jonah Lomu)
Le Rugby comme support pour transmettre et inculquer aux jeunes des quartiers, les valeurs de solidarité, de respect, de tolérance et de combativité. Telle est la mission du projet « Génération Rugby », initié en 2014, qui s’est concrétisé en novembre 2019. 80 jeunes des quartiers Nord de Perpignan vont ainsi bénéficier de trois heures de soutien scolaire, trois heures de rugby par semaine et un suivi individualisé d’orientation scolaire sur les trois prochaines années. Avec à la clef, la création d’un emploi à temps plein d’éducateur sportif diplômé. Une formidable initiative soutenue par les instances politiques et sportives, puisque la Fédération Française de Rugby l’a désigné comme un projet pilote. Bernard Laporte en personne avait pu constater et apprécier ce travail de l’ombre, début mars dernier, pour mettre les jeunes des quartiers dans la lumière. Un soutien manifesté aussi par le Comité Départemental du Pays Catalan, présent lors de l’inauguration du nouveau club house du FLHV.
« 80 licenciés en 2014, 340 aujourd’hui… »
Pour bien comprendre « Génération Rugby », il faut remonter dans le temps. En 1958, le club de rugby voyait le jour au sein même de l’école primaire Léon Blum, en plein coeur du Haut Vernet… et du mouvement de l’éducation laïque et populaire. D’autres sports et associations y ont vu le jour, mais seul le rugby a traversé les âges. Sans jamais s’arrêter, grâce à l’engagement de dirigeants passionnés, qui se sont passés le témoin jusqu’à ce jour. Benoît Castanedo en est un digne héritier, un exemple parmi d’autres : « Nous essayons de trouver des solutions oui, de nous adapter perpétuellement. En 2014, le constat était sans appel, on allait droit dans le mur. Alors, on s’est posés et on a réfléchi à bâtir ce projet. On s’est donné les moyens d’embaucher un éducateur sportif diplômé début 2015. On a frappé aux portes des écoles, et il est intervenu dans quatre d’entre elles pour les initier au rugby. Nous avons proposé de participer aux cycles sports sur du CP au CM2. L’an dernier, nous avons décidé d’aller plus loin en créant le projet « Génération Rugby », c’est-à-dire, lier le rugby avec la réussite scolaire. Nous avons donc mis en place du soutien scolaire pour vingt enfants dans une classe au coeur d’un quartier difficile. Ils ont trois heures de soutien scolaire et une heure et demie de rugby à l’école. Ils sont aussi licenciés dans notre club dans les sections U10 et U12. C’est une réussite, et aujourd’hui nous en sommes fiers. Nous avions 80 licenciés. Aujourd’hui, nous en avons 340, et l’on donne des cours dans huit écoles désormais. »
Un développement et une réussite qui ont fait écho jusque dans les couloirs de Marcoussis donc. Bernard Laporte lui-même a pointé du doigt le FLHV comme un club exemplaire, aux initiatives innovantes. Une fierté pour le jeune président qui souligne également d’autres aspects : « Notre réussite repose sur des anciens joueurs devenus jeunes dirigeants, investis pleinement dans la vie du club aussi, un club lui-même impliqué dans le rugby éducatif, le sport adapté, le rugby féminin, etc… On tend la main aux mineurs isolés, nous avons 18 nationalités différentes. Notre club est citoyen avant tout. Ces jeunes en difficulté, en décrochage scolaire pour certains, on les récupère pour leur proposer un contrat de confiance. On leur propose des cours, ils jouent au rugby, on leur ouvre notre réseau de partenaires, d’entreprises, qui vont leur proposer des stages, et à terme, les employer. C’est un contrat écrit et moral. »
Et ça marche. A titre d’exemple, les juniors ont tous réussi leur diplôme cette année. CAP, BEP, BTS, les voici prêts à rentrer dans la vie active. Ce qui est déjà le cas pour plusieurs d’entre eux, avec un emploi qui les attend aujourd’hui. « C’est une grande satisfaction pour nous en effet » poursuit Benoît, « nous sommes en entente avec Millas pour les juniors, qui se relève aussi en relançant une équipe seniors (voir article). Il n’y a aucune guéguerre entre nous, au contraire, plus il y a de clubs, plus les possibilités de jouer au rugby sont nombreuses. Pour les meilleurs, on les enverra dans les clubs de fédérale et plus si possible. Pour les autres, ils resteront avec nous. Le rugby est un tremplin, pas une finalité. Des bastions du rugby sont tombés avec des fonctionnements qui ne marchaient plus. Des jeunes sont arrivés et arrivent encore, avec de nouvelles idées, et ça marche, à nous de persévérer. Malgré le contexte actuel et toutes les difficultés du rugby amateur, on voit qu’il peut y avoir des solutions, à condition de se bouger ! »
Des anciens de l’USAP, mais aussi des jeunes, en renfort…
C’est sans doute ce discours et ces actes qui attirent les joueurs des alentours. Ceux-là même qui veulent finir leur carrière pour donner un coup de main, renvoyer l’ascenseur. Le FLHV devient alors une destination évidente, pour ce club qui la tend à tout le monde, sans distinction, de quelque nature que ce soit. Une précision utile au vu des récentes élections municipales, démontrant que ces différences présumées, étaient loin d’être une vue de l’esprit pour certains. Dans un contexte tendu, les messages de solidarité et de fraternité prennent encore plus d’épaisseur. Les résultats positifs de cette « génération rugby » vont résonner aux quatre coins de la France. Du moins, dans les clubs en difficulté, qui trouveront ici, un bon motif d’espérer de meilleurs lendemains.
Dès à présent, des joueurs reviennent dans le club de leurs débuts, pour étoffer un groupe régénéré, qui aura toujours forcément besoin d’expérience. Les frères Tonita y sont venus pour terminer leur carrière par exemple. « J’étais au stade quand j’étais plus jeune, on badait Ovidiu » sourit Benoît, « Le voir porter nos couleurs est indescriptible pour nous tous, fans de l’USAP ». Le président a encore réussi un gros coup avec la venue de Yohann Vivalda, qui, à cause de blessures répétées, ne jouait plus beaucoup en Pro D2 avec l’USAP. Le deuxième ligne de 31 ans seulement, avait la volonté d’arrêter le rugby pro et de s’investir dans un projet professionnel. Il va concilier les deux en jouant pour le FLHV. « On va l’accompagner oui, il retrouve des potes de jeunesse chez nous, il habite à deux minutes du terrain, fini les longs déplacements du weekend. Et il vient pour le plaisir à 100%, comme tout le monde. Il n’a jamais été question d’argent de toute façon. » L’argent des partenaires, les subventions, servent en effet à assurer les emplois, à garantir la pérennité d’un projet qui attire aussi des jeunes joueurs. A l’image de Younes Afquir, espoir de l’USAP, qui va s’investir également avec le Haut Vernet. Autant dire que la seconde ligne catalane aura fière allure dans la poule 1 du championnat Honneur d’Occitanie (qui comporte Bédarieux, Avenir Bleu Blanc, Sète, Mauguio, Plages d’Orb, St Gilles, Sigean-Port la Nouvelle et Vinassan)
Le président à la barbe bien taillée se montre forcément ravi de la tournure des événements, mais reste humble et mesuré : « Nous avons les mêmes problèmes que tous les clubs, chacun essaye de trouver des idées pour y remédier. Nous avons faut un choix fort il y a six ans, il paye aujourd’hui et c’est tant mieux. Nous sommes ravis de voir nos jeunes, dont certains sont là depuis leurs 6 ans, monter en séniors. Nous sommes conscients que la réforme du championnat nous aide bien aussi, car c’est autrement plus intéressant de jouer des équipes de toute l’Occitanie que des équipes de notre secteur uniquement. C’est un alignement des planètes, on en profite, mais on continue à travailler pour pérenniser ce projet. » Nul doute qu’un certain Jean Castex, maire de Prades devenu premier ministre, et grand amoureux de rugby, appréciera ces bonnes nouvelles catalanes depuis Matignon.