Dans l’univers quelque peu machiste de l’ovalie, être une femme-arbitre nécessite forcément d’avoir un solide tempérament. Assia Taj-Errida n’en manque pas, depuis son arrivée en France, à Valence d’Agen, en provenance du Maroc, et ses premiers pas dans le rugby. Elle a ainsi fait montre d’une personnalité et d’une motivation sans faille pour assouvir sa passion progressive pour l’arbitrage. Au point d’intégrer un groupe de développement via le Comité Midi-Pyrénées, destiné à améliorer toutes les compétences d’un directeur de jeu. La piquante et charmante demoiselle ne cesse donc de progresser, mais ne tient pas à se projeter trop loin dans le futur. A 24 ans, elle mène de front vie professionnelle, vie de couple et arbitrage, avec réussite. Portrait et petites anecdotes…
Assia, à quand remontent vos premiers souvenirs rugbystiques ?
Mes premiers souvenirs du rugby remontent au CM2, à Valence d’Agen. J’étais en France depuis 6 mois, puisque j’arrivais du Maroc, et j’ai participé à un tournoi entre CM2 et 6ème, sur le thème du rugby, un sport que je découvrais totalement. Je n’ai pas arrêté de plaquer, et à la fin du tournoi, une coach est venue voir pour me proposer d’intégrer une équipe féminine qui était en cours de création. Et j’ai dit oui. Sauf qu’à la rentrée, toutes les filles s’étaient désistées, et il ne restait plus que moi. Et voilà, comment j’ai joué avec l’équipe UNSS masculine pendant un an. Je me suis prise au jeu j’ai signé à Valence d’Agen, de benjamin à Minimes. J’ai été contacté par le pôle espoir de Toulouse Jolimont.
Et votre premier souvenir en tant qu’arbitre ?
Lors d’un tournoi Groupama. les équipes qui ne jouaient pas, pouvaient proposer des arbitres, et je me suis portée volontaire.
Le début de l’aventure donc ?
En fait, je suis rentrée en sport études de 15 à 18 ans, comme joueuse et arbitre. J’ai été la première joueuse à cumuler le cursus d’arbitre. On me l’avait proposé et j’ai accepté. Je menais de front mes études, avec un BAC littéraire, et au moment de continuer en université, il a fallu faire des choix, puisque je travaillais aussi à côté pour payer mes études.
Comment avez-vous choisi ?
Le choix s’est imposé de lui-même en fait. Je prenais plus de plaisir à arbitrer qu’à jouer. Exister en tant que femme dans le rugby n’est pas chose aisée, alors femme arbitre je ne vous dis pas. Mais cette symbolique me plaisait assez je l’avoue, je l’ai pris comme un défi, pour casser les codes, et puis cela correspondait à ma personnalité.
Quel souvenir gardez-vous comme arbitre de champ, de votre premier match séniors ?
C’était le jour de mes 18 ans, un match entre Eaunes et Aussonne en réserves de 2ème série. C’était un plaisir, mais teinté d’un petite appréhension, ce qui me semble logique à cet âge là pour diriger 30 hommes. Au delà du rugby, il y a le côté humain à gérer, donc il fallait être crédible.
Quelle place occupe l’arbitrage dans votre vie de tous les jours ?
En fait, ça fait huit ans que j’arbitre. Je me suis blessée l’été dernier, et j’ai été écartée des terrains jusqu’à ce début d’année. Je me suis donc rendue compte à quel point j’ai grandie avec l’arbitrage, et que cette fonction m’a aussi permis de me construire en tant que femme. Donc je peux dire que l’arbitrage occupe une place très importante dans ma vie, oui.
A ce jour, vous pouvez arbitrer au centre jusqu’en fédérale 3 officiellement, jusqu’où envisagez-vous d’arbitrer justement ?
Je ne m’interdis rien, mais je suis réaliste. C’est beaucoup d’investissement, avant, pendant et après chaque match, chaque semaine. C’est comme un second métier en fait, sauf que j’en ai déjà un. En attendant, je franchis les étapes une à une, et j’en suis ravie. Je fais partie d’un groupe développement, d’une vingtaine d’arbitres, à potentiel, où on nous perfectionne au placement, à la communication, avec un programme physique spécifique, des interventions d’un coach mental, tout cela par des personnes expérimentées et de haut niveau, pour nous amener à notre plus haut niveau possible. depuis quatre ans, on ma accordé cette confiance, et j’essaye de m’en montrer digne. J’ai été suivie par Christine Anizet pendant deux ans, qui m’a beaucoup apportée, puis par Philippe Lecomte, qui m’apporte encore plus de par mon cheminement et mon évolution.
« Il m’est arrivée de trouver des numéros sur le pare-brise de ma voiture à la sortie d’un match… »
Sur un terrain, avez-vous déjà été victime de sexisme, de remarques déplacées ?
De la part des joueurs, jamais. En tribunes en revanche, j’entends parfois quelques remarques, mais on ne peut pas le maîtriser. Ceci étant dit, c’est assez rare, donc c’est plutôt positif. Il m’est juste arrivée de mettre un carton rouge à un joueur, qui, en sortant du terrain, m’a montré ses fesses. Il se reconnaîtra, je me suis demandé s’il l’aurait fait si j’avais été un homme. Mais bon, à part cet épisode, je n’ai pas à me plaindre.
A l’inverse, pouvez-vous nous avouer si certains ont tenté de vous séduire, de vous proposer un rendez-vous, sur ou en dehors du terrain ?
(rires) Oui, je dois l’avouer. Il m’est arrivée de trouver des numéros sur le pare-brise de ma voiture à la sortie d’un match, ou bien d’être contactée sur facebook. C’est toujours flatteur. Mais mon amoureux, qui est arbitre aussi, connaît bien la situation, et il le vit parfaitement bien.
On vous voit toujours maquillée sur un terrain, c’est important pour vous ?
Oui, tout à fait, je tiens à rester féminine, même si je suis en tenue d’arbitre. Ce n’est pas incompatible, on peut être arbitre et féminine je pense. Et puis, cela fait partie de moi, je le suis dans la vie. Donc je ne force pas le trait, mais je me maquille un minimum oui.
Quel est votre meilleur souvenir d’arbitre jusqu’à aujourd’hui ?
Il y en a plusieurs. Lors de la dernière finale garçons Seven U18, à Mende, on était plusieurs arbitres de chaque Comité, et il fallait faire ses preuves au centre, à la touche et en but. J’étais la seule fille bien sûr. Et pour les matchs du dimanche, le coordinateur m’a appris que je faisais le centre pour la finale, j’étais très heureuse. Il y a d’autres bons moments, notamment quand je demande aux premières lignes de faire une bonne mêlée. On me répond de temps en temps : « ok, mais c’est bien parce que c’est vous », certains rajoutent : « mais on ira boire une bière ensemble hein ? ». C’est dit respectueusement, et c’est franchement sympa.
Donc les piliers peuvent être des cœurs tendres, des romantiques ?
(rires) je ne sais pas si c’est du romantisme, mais ils sont très sympas oui.
Et arbitrer des filles, c’est différent ?
Pas vraiment, non. La relation est peut être différente au niveau du discours, mais il faut prouver sa compétence, autant avec les garçons qu’avec les filles.
Vous avez l’impression qu’il faut en faire plus pour être reconnue et acceptée comme arbitre ?
Sans doute oui, comme dans la vie de tous les jours en fait. Les moeurs évoluent, mais lentement. Christine Anizet a ouvert la voie, mais c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de femmes arbitres. les actions menées pour promouvoir le rugby féminin sont positives, on peut voir de plus en plus d’équipes et de joueuses. Maintenant, l’arbitrage, c’est quelque chose de particulier, donc je ne suis pas surprise de voir aussi peu de femmes arbitres à vrai dire. Qu’on le veuille ou non, on n’a pas les mêmes prédispositions physiques, donc il faut être en parfaite forme physique pour suivre au plus près les actions, sinon on n’est pas crédibles. On nous demande les mêmes résultats, et à juste titre, mais je pense que cela peut en freiner plus d’une, puisque cela freine aussi les garçons. Mais j’espère que nous serons de plus en plus nombreuses, c’est pourquoi je suis à mon tour formatrice auprès d’arbitres débutants, histoire de transmettre.
Pour terminer, racontez-nous une anecdote marquante depuis que vous arbitrez ?
Une fois, j’ai perdu mon sifflet. J’étais gênée, mais tous les joueurs se sont mis à le chercher avec moi, c’était plutôt drôle.
Dimanche dernier, exemple de la psychologie féminine lors du match Saint-Gaudens-Caussade…