Réveillée en 1970 après une mise en sommeil, l’Union Sportive du Pays de Sault, devenue Union Sportive Plateau de Sault, a connu une histoire mouvementée, tiraillée sportivement et géographiquement entre l’ex Languedoc et l’ex Midi-Pyrénées. Comme son territoire, le club audois aura vécu des montées, des descentes, des hauts et des bas, notamment sur son terrain champêtre d’Espezel perché à 1 000 mètres d’altitude. Un club vice champion régional de 4ème série (on se souvient de cette finale perdue sur la pelouse d’Ernest Wallon en 2017) finaliste malheureux à nouveau en mai dernier contre Collioure (voir article), suivie d’une demi-finale du championnat de France perdue de très peu. Le sort s’est acharné sur ce groupe de copains, endeuillé par la perte d’un des siens, « Chabert », en mars dernier. Les victoires qui suivaient lui étaient toutes dédiées bien sûr et le groupe semblait plus que jamais soudé. Mais trois mois seulement après cette belle saison 2022, l’USPC a officialisé qu’il ne serait pas au départ de la poule 4 de Régionale 3 d’Occitanie, comme prévu en juin…
En cause, un problème d’effectif, avec des joueurs atteints par la limite d’âge. Et puis la difficulté à les remplacer dans un désert démographique grandissant et un bassin économique bien trop faible. Cédric Géraud, co-entraîneur à l’origine du renouveau de l’équipe séniors depuis 5 ans déjà, avait annoncé son départ, mais l n’imaginait pas une telle issue : « On passait des moments extraordinaires, notamment la saison dernière, où l’on a failli aller au bout dans les deux compétitions. Mais finir une saison fin juin, c’est problématique, il faut rebondir de suite, et ce n’est jamais simple. » La réunion du 5 août dernier avait pour but justement d’évoquer l’avenir. Très vite, celui-ci s’est assombri face au manque de joueurs. Un problème rencontré aussi par le champion de France de 3ème série, la Pena XV voir article de ce lundi, qui a déclaré également forfait.
Jacques Authier, président de l’USPS, était conscient des enjeux et des difficultés pour rebâtir un groupe pour cette nouvelle saison. Cette mise en sommeil est forcément une grande déception pour ce passionné de rugby qui a répondu à toutes nos questions.
Président, comment en est-on arrivé à ce que l’USPS déclare forfait ?
Jacques Authier : « On rêve toujours de vivre une grande saison, ça a été notre cas, jusqu’en juin, mais c’est dur de la terminer fin juin vous savez. Dur, car il faut relancer la machine immédiatement, garder les joueurs en place, en recruter, idem pour le bureau. Il n’y a pas le temps de se reposer sur ses lauriers, alors que vous aspirez à souffler un peu. C’est dommage, il ne manquait pas grand chose pour repartir, on avait une bonne dizaine de jeunes qui voulaient continuer, des anciens qui auraient pu aussi. Et puis, on perd du monde en cours de route quand on fait un beau parcours.
C’est-à-dire ?
Plus on se rapproche du printemps et plus on essaye d’aligner la meilleure équipe possible chaque dimanche, avec les meilleurs joueurs, alors il y a des remplaçants, souvent les mêmes, des jeunes du coin, des gars avec moins d’expérience, des joueurs de club comme on dit. A force de ne pas jouer, ils sont déçus, laissent tomber, vont ailleurs ou arrêtent tout simplement. Perdre ces joueurs là pour nous, est très impactant.
Et l’on parle pourtant ici de 4ème série, donc de Régionale 3…
Absolument, mais le problème, c’est que même le plus bas niveau est déjà très relevé. Tout du moins, en Occitanie. J’ai connu un rugby pas si lointain où l’on pouvait, à tout âge, découvrir le rugby, en séniors, en 3ème ou 4ème série, c’était l’école de rugby pour les adultes. On pouvait y apprendre le rugby sans craindre de tomber le dimanche sur des anciens de fédérale 1, 2 ou 3, des mecs dans la force de l’âge, pas des vétérans, des solides, prêts physiquement. Certaines équipes se sont sacrément équipées, à vouloir gagner tous les matchs et des titres. Il faut dire qu’en Pays Catalan, en Languedoc et Midi Pyrénées, réunis désormais dans l’Occitanie, on en collectionne des titres. Mais j’ai quand même l’impression que pour bon nombre de clubs, on construit une équipe pour gagner un championnat avant de vouloir prendre du plaisir. Au plus bas niveau, l’esprit compétiteur s’est décuplé il me semble.
Comme pour votre équipe qui a tout fait pour remporter un titre…
Oui, oui, je ne critique pas, je constate juste. Il y a un côté positif, le niveau augmente, on voit de meilleurs matchs, avec plus de qualité technique, plus d’engagement aussi. Mais le côté négatif, je le redis, est que l’on laisse des jeunes, des débutants sur le côté. Ils n’ont pas envie de se frotter à des joueurs qui ont 10 ou 15 ans de plus, une expérience en fédérale 1 alors que eux, découvrent le rugby depuis un an ou deux. Ce sont des licenciés en moins chaque année. On le paye aussi indirectement à l’heure du bilan en fin de saison, vous avez fait des déçus, c’est dur de les rattraper ensuite.
La création d’une nouvelle pyramide de niveaux, et vous concernant, d’une régionale 3, aurait pu vous relancer peut-être ?
Pas forcément. Le rugby d’en bas a un niveau très élevé, je le répète, et il y a des différences de plus en plus grandes entre les équipes aussi. On a vu un 102 à 0 dans notre championnat cette saison. Vous imaginez, quand vous avez un peu de fierté, prendre 100 points, tu rentres chez toi, tu te poses deux ou trois questions. Je suis certain que des joueurs ne s’en remettent pas, à se dire mais qu’est-ce je fais là ? A s’aligner dans un championnat, c’est pour bien y figurer, pas pour perdre tous les matchs, et encore moins prendre 50 chaque dimanche, sinon, vous repoussez le problème d’un an.
Vous êtes pessimiste et fataliste quand on vous écoute…
J’ai 61 ans, dont 43 ans de rugby derrière moi, comme joueur, entraîneur-joueur, entraîneur, dirigeant, président, et l’évolution de ces dernières années m’interpelle oui. Les « anciens » s’en vont, et ne sont pas forcément remplacés par des jeunes. Des jeunes qui, se rapprochent des grandes villes ou des villes moyennes, pour leurs études, leur travail, et ils y restent. Le rugby des villages se meurt. Alors certes, il y a des ententes, des regroupements, des rassemblements, appelez-ça comme vous voulez, mais en attendant, vous perdez des équipes et des clubs chaque année. Ne serait-ce que pour l’Ariège, ces dernières années on a perdu des équipes comme Rieucros, Castillon, le Mas d’Azil, Villeneuve du Paréage qui est en entente avec St Jean du Falga, donc un club en moins, etc… Vous évoquez chaque année des forfaits, des mises en sommeil, il y en a encore pas mal cette année. On se dirige vers des clubs de ville grandes ou moyennes, des clubs de périphérie, au détriment des villages, qui pour certains, sont des bastions historiques du rugby. J’ai quelques raisons de ne pas être très optimiste oui. Il me semble qu’on n’envoie pas le bon message.
Quel message faudrait-il envoyer dans ce cas ?
Je fais un état des lieux, comme certains de mes collègues, pour un club quelque peu isolé, comme le nôtre, qui composent avec les problèmes démographiques, économiques. Aujourd’hui, on manque de temps, de bras, sur le terrain et en dehors. Les saisons sont longues, trop sûrement. On reprend les entraînements en août, on débute le championnat mi-septembre, et dans notre cas, on le finit fin juin. C’est trop long, pour les joueurs comme pour les dirigeants. Surtout quand on est peu nombreux à s’en occuper. Il faut réserver un car, une salle, un restaurant, remplir la pharmacie, penser à acheter de l’élasto, penser aux repas à domicile, aux maillots, et tout ça chaque semaine pendant 11 mois. C’est usant, et c’est couteux aussi. On a dépensé plus de 8 000€ de bus la saison dernière, même si la FFR prend une partie à sa charge, il faut trouver les fonds pour le reste, et on ne peut pas toujours solliciter des partenaires qui sont eux aussi à bout de souffle.
A-t-on une chance de revoir la Plateau de Sault pour la saison 2023-2024 ?
Des joueurs ont émis l’idée de relancer la machine pour reprendre l’année prochaine, mais il faut avoir conscience qu’il faut s’y mettre tout de suite. Ceux qui ont signé ailleurs, s’ils sont bien dans leur nouveau club, je ne sais pas s’ils reviendront. De toute façon, si le Plateau de Sault ne présente pas d’équipe en septembre 2023, ce sera la fin du rugby chez nous. Quant aux féminines, le constat est le même. Je vais espérer de meilleurs lendemains, mais ce qui domine aujourd’hui, c’est la déception et aussi de la tristesse.