Le nouveau président de l’US Cognac, Jean-Charles Vicard, a publié un message d’alarme sur la page Facebook du club, et y « appelle à un élan de solidarité pour sauver l’USC ». En effet, avec une dette estimée à 500 000 € fin juin 2023, le club charentais serait en grand danger et risquerait de déposer le bilan avant la fin de saison. C’est pourquoi une pétition pour alerter les pouvoirs publics, ainsi qu’une cagnotte ont été mises en ligne. Après Bergerac, Blagnac, La Seyne ou Hyères Carqueiranne, ce nouveau cas inquiète sur l’état financier du rugby amateur…
Après une saison 2022/23 très difficile en Nationale (0 victoires), Cognac est redescendu en Nationale 2, séparé de Saint-Jean d’Angély, et avec à sa tête un nouveau président : Jean-Charles Vicard. L’ancien talonneur formé à l’USC, puis passé par Brive, La Rochelle et Bourgoin, et chef d’entreprise local.
Mais en dehors de l’aspect sportif, le club connait surtout de grosses difficultés financières depuis la saison dernière. En effet, dans une lettre ouverte à ses partenaires, Jean-Charles Vicard révèle que la dette s’élevait à 300 000 € fin mars 2023, puis 500 000€ fin juin. Malgré ses efforts, ce montant manque toujours actuellement à l’USC pour terminer la saison, ce qui rend un dépôt de bilan de plus en plus probable.
Pour l’éviter, le nouveau président en a d’abord appelé aux élus locaux, aux entreprises locales et aux partenaires, dans cette lettre ouverte diffusée par Charente Libre. Il s’est ensuite tourné vers les supporters, via une vidéo mise en ligne sur Facebook. Il y a rappelé la situation critique du club, et a relayé la cagnotte mise en place. Enfin, une pétition a été créée pour envoyer « un message fort aux décideurs locaux sur l’importance vitale du maintien du club dans notre communauté. » À ce jour, la pétition a rassemblé 1162 signatures, et la cagnotte a récolté 13 520 €.
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La lettre ouverte aux élus et aux partenaires
(Source : Charente Libre)
Préambule
Ce club en cessation de paiements était alors contraint de déposer le bilan immédiatement. Une dette de 300k€ était constatée dans une situation intermédiaire au 30 mars 2023, qui n’a cessé de grossir, pour atteindre quasi 500k€ au 30 juin 2023. Lorsque je reprends officieusement ce club au 1er avril 2023, il n’y a plus d’argent dans les caisses pour finir la saison commencée, celle-ci se terminant officiellement fin juin 2023.
Il reste cependant 3 mois de salaire à payer, à plus de 30 joueurs que je n’allais pas garder à l’issue de la saison, pour la plupart. Si je n’agissais pas de la sorte, le club s’arrêtait et se retrouvait de facto, rétrogradé en Régional 3, plus bas niveau du rugby, soit 7 niveaux en dessous de celui pour lequel nous jouons aujourd’hui. Il aurait fallu plus de 10 ans pour espérer remonter à ce niveau. Avec évidemment perte des subventions publiques, et surtout, un arrêt brutal de la formation des jeunes.
J’ai donc pris un challenge quasi impossible sans l’aide d’une grosse mobilisation collective, j’y ai cru, alors je me suis jeté dans la bataille…
J’ai recruté en urgence une équipe et un staff (environ 45 salariés), tout en gérant un passif plus que compliqué. Les cadavres sortaient des placards au fur et à mesure que nous avancions.
Nous avons progressivement constaté que le club était malade depuis plus de 5 ans, financièrement et sportivement. Les jeunes sont partis dans les clubs voisins, les partenaires ou mécènes se sont découragés ou ont fini frustrés, bref un sacerdoce ! Il est toujours plus facile de détruire que de reconstruire…
Etat des infrastructures
J’ai découvert les infrastructures de ce club en pitoyable état, un centre d’entraînement (ancienne piscine couverte) et un Parc des Sports vétustes voire insalubres, une bien mauvaise image pour une ville comme Cognac. Nous avons décidé, avec une poignée de bénévoles, de décrasser et de repeindre, stade et centre d’entraînement, aux couleurs du club, afin d’en refaire des lieux conviviaux. Bien mal m’en a pris, car j’ai failli y laisser la vie (intoxication grave au monoxyde de carbone qui m’a valu 2 jours à Pellegrin en caisson hyperbare), et je me suis également attiré les foudres de la DREAL, qui en est même venu à me menacer de prison et d’amende surréalistes, pour avoir rafraîchi ce stade.
Malgré tout ces déboires, nous avons réussi à démarrer, à créer un engouement sans précèdent, nous sommes passés de 200 invités partenaires réceptifs VIP, à 400 lors du dernier match de Limoges. La fréquentation de 200 personnes en tribune l’année passée est montée à quasi 1800, cette année. J’ai réussi à fédérer certains de mes amis restaurateurs, bien connus sur la place, ils m’ont fait confiance, nous avons ensemble concocté du réceptif haut de gamme, tour de force qui nous a amené une superbe image. Une centaine de bénévoles ont rejoint le projet, et œuvrent pour chaque match, de façon extraordinaire.
Malgré tout ça, je galère tous les week-ends, avec des infrastructures de la commune ou du Grand Cognac qui ne répondent aucunement à notre besoin ! Je suis, par exemple, obligé de louer un groupe électrogène à mes frais pour le bien-être des convives pour assurer clim ou chauffage, car il n’y avait rien. Clim, peinture, nacelles, engins, casiers vestiaires, groupe électrogène, création de coffrets électriques, cuisine éphémère, sono, tout cela a été négocié avec mes partenaires artisans en mécénat d’échange, afin de pallier les manques, soit autant de finances en moins dans les caisses du club.
Je ne parle pas de l’alimentation en eau, que je dois aller chercher chez le voisin (la Croix-Rouge) au moyen d’un tuyau d’arrosage, afin d’alimenter le Tivoli réceptif ! Tout aussi problématique, l’insuffisance de la puissance électrique au niveau de la bodega, provoquant des coupures de courant régulières, est monnaie courante.
Depuis le 5 novembre 2023, date de la tempête, nous n’avons plus de terrasse couverte au niveau du Tivoli réceptif, pourquoi ? L’expert ne serait pas encore passé ou n’aurait pas validé… Nous ne pouvons plus accueillir nos partenaires décemment lorsqu’il pleut, et nous ne pouvons pas en accepter plus de 400 ! Encore un manque à gagner pour le club. Les abords du Tivoli réceptif, lors des épisodes de pluie, sont constamment détruits par des ornières, car rien n’est adapté pour les livreurs ou autres intervenants, et comble de tout, depuis tout ce temps, les accès sont fermés du côté stade Jean Martinaud !
Ça fait donc plus de 3 mois que les arbres sont restés en travers des routes empêchant l’accès facile au stade et au stationnement. Une seule entrée au stade ! il aura fallu encore un mécénat d’échange avec un partenaire pour agrandir une voie de roulage devant la grande tribune, afin de pouvoir accéder au fond du stade, sans s’embourber et détruire la pelouse…
Sportivement
Je vous épargne le quotidien des gosses de l’école de rugby, qui s’entraînent sur des terrains désastreux non entretenus et donc dangereux, comme Jarnouzeau, ou sans vestiaire digne pour se doucher, que ce soit à la Chaudronne ou à Jean Martinaud. Certaines catégories ont même été obligées de se retirer dans des gymnases, car tous les terrains étaient interdits. Quelle image véhiculons-nous pour nos jeunes et leurs parents !
Les pros ont été obligés de quitter l’ancienne piscine couverte, elle avait été reconvertie en centre d’entraînement en 2017. C’était le lieu de vie quotidien du groupe, mais nous avons dû l’abandonner, car la pluie traverse le toit, et s’infiltre dans le coffret électrique général, ce qui aurait pu provoquer des accidents graves, lors de chaque réenclenchement du différentiel !
Résultante : Nous squattons donc aujourd’hui le gymnase Jean Monnet, en le partageant avec 2 autres assos, et avons migré au complexe de Châteaubernard pour pouvoir nous entraîner sur les synthétiques pendant les époques pluvieuses !
Autres problèmes
Je suis également confronté à une bagarre rude avec la FFR, car elle punit la nouvelle gouvernance pour mauvaise gestion de mes prédécesseurs, c’est un bras de fer quotidien pour récupérer tout ou partie des points retirés au classement.
Vous comprendrez aisément que je ne suis pas aidé et que la coupe est pleine ! Je me bats pour pas descendre alors que mon projet était de me battre pour me qualifier dans les 6, et en avant dernière position, puni injustement, difficile de convaincre de nouveaux partenaires depuis début janvier 2024, date du retrait des points. C’est donc un projet qui va mourir rapidement, car je ne mettrai plus la main à la poche, personnellement.
Il manquera 500 k€ pour boucler jusqu’à fin juin. Sans compter qu’il aurait fallu redémarrer le 1er juillet à 0 en continuant à apurer le passif d’un montant de 300k€. Alors oui ce sera une désillusion, mais j’aurai tout donné… Je déplore seulement que personne dans le département, n’ait pris la dimension du projet à sa juste importance, et tout ce qu’il aurait pu fédérer.
Projet rénovation infrastructures
Le projet de rénovation du Parc des Sports aura été une utopie, car à l’époque (il faut remonter en 2016 ! ), personne n’a pris réellement conscience du changement climatique, provoquant aujourd’hui des problématiques d’interdictions de terrains l’hiver, lors des gros d’eau, et l’été, lors des épisodes caniculaires, évènements qui vont s’intensifier dans les années à venir, et qu’il faudra pallier en créant plus de terrains synthétiques.
Utopique aussi d’envisager des travaux dans un stade qui est classé avec le Parc François 1er, et qui ne permet pas d’avoir de Tivoli, de panneaux publicitaires, de mains courantes, ou de tribunes aux couleurs du club… Également, aucun éclairage digne de ce nom n’est envisageable, car la réglementation en lieu classé impose de ne pas monter au-dessus de la cime des arbres, soit 22 m max, alors qu’un éclairage officiel impose 37 m.
Avec tous ces paramètres, c’est sans aucun doute un nouveau stade, et s’il le faut, avec financement privé/public pour que le coût soit inférieur, en pensant à en faire un lieu multi-usages, sport, et évènements/spectacles. J’avais donc entamé une démarche avec une entreprise spécialisée dans la réalisation de stade modulable, mais j’ai stoppé net quand je vois aussi peu de mobilisation des acteurs locaux. (entreprises et collectivités)
Le sport est devenu triste à Cognac, je suis intimement persuadé que la formation des jeunes par le sport, est primordiale pour leur éducation, je sais de quoi je parle, j’ai entraîné avec autorité et rigueur les jeunes moins de 14, qui ont aujourd’hui 18 ans, ils servent aujourd’hui bénévolement au réceptif partenaires d’avant match. Ils sont éduqués, reconnaissants, mais dans ce monde actuel, ils sont trop peu.
J’étais également en négociation avancée pour nouer des relations avec l’armée (Cognac et Saintes), afin de pouvoir proposer des contrats militaires à des jeunes pour les attirer au club (attractivité du territoire) et également, d’essayer les jeunes militaires qui jouent au rugby, pour les catégories -18 et -23 ans
J’ai également avancé sérieusement avec le club de la Rochelle, et notamment Vincent Merling le Président (pour lequel j’ai joué pendant 3 ans entre 1999 et 2001), afin de mettre en place une convention pour des échanges jeunes, ce qui n’avait jamais été réalisé auparavant.
Il vient d’ailleurs présenter la Coupe d’Europe le 8 mars à Cognac lors d’un repas partenaire, sûrement un des derniers. J’aurais tout essayé. Une question : quel sera le niveau du sport local dès demain ? À en croire le budget attribué et voté pour le sport en général, il continuera de chuter drastiquement, alors que Cognac était la ville la plus sportive de France dans les années 1990 !
Le tissu local
Je me rends compte que les acteurs locaux ne sont pas plus motivés que cela pour tirer le sport cognaçais, car n’ont aucun intérêt pro, ce qui est assez inquiétant pour pérenniser ou attirer des jeunes, ou même avoir la satisfaction de les former, afin de voir évoluer un jour, les talents de demain, au plus haut niveau, et d’en être fier. La Rochelle attire beaucoup plus que Cognac, c’est certain, mais Paris ne s’est pas fait en 1 jour.
Quand je parle de tirer le sport, c’est de le pérenniser sereinement, avec de la formation. En consultant les aides attribuées par d’autres communes ou communautés de communes, d’autres départements, nous sommes très loin de tout cela. À ce jour, seul, je n’ai pas le potentiel financier pour continuer d’alimenter la pompe, rembourser la dette, et développer en même temps, donc d’y croire, tout simplement…
Beaucoup d’entreprises locales ne font pas l’effort, alors que le tissu cognaçais les a construits.
Tous ces constats m’amènent à une interrogation ? Où sont nos décideurs d’Antan des générations 80, les grands noms du Cognac, les Kilian et Gilles Hennessy, René et Patrick Firino Martell, Francis Hardy ? Ceux qui étaient capables de prendre la main sur un projet, qui étaient issus du sérail, qui aimaient leur ville, leur territoire ? Le monde aurait-il autant changé pour oublier d’où nous venons, et pourquoi nous existons ?
Conclusion
À la suite de l’annonce de ma décision, je me sentirai obligé de démissionner des différents mandats que j’exerce, Medef, CCI, asso diverses, car j’estime ne plus avoir à donner de mon temps pour défendre les intérêts locaux, avec aussi peu d’aide. Je constate que les gens sont de plus en plus là pour prendre et consommer, mais savent de moins en moins donner…
On a tous des priorités à mettre ailleurs, je le comprends, et je vais en faire de même, me recentrer. Je déplore juste que nous ayons des enfants ou petits-enfants qui se doivent d’avoir des occupations sportives, afin de se connecter et de s’éduquer dans un cadre, et que le risque est grand de ne plus avoir grand-chose demain, car le sport comme je l’entends, cette école de vie ou on se fait les copains, est tout simplement en train de disparaître de notre paysage. Le niveau de jeu dans tous les sports est important et motivant, on ne peut donc se satisfaire d’un niveau régional, lorsqu’on a ce territoire soi-disant ambitieux.
Bref, vous êtes en copie de ce mail car nous œuvrons, ou avons œuvré ensemble pour ce territoire, c’est donc un réel signal d’alarme que je tire.
Je vous remercie de m’avoir lu, je n’avais aucune satisfaction d’ego à relever ce challenge, juste assurer une transmission de tout ce que j’ai vécu pendant ma jeunesse, grâce à ce club, et à ceux qui y ont œuvré, avec en point d’orgue, la richesse que ce sport m’a apportée ensuite, lors mon parcours professionnel.
Je rassemblerai mes 250 partenaires ou mécènes qui m’ont fait confiance, et je ferai un communiqué dans la presse afin d’expliquer les raisons de l’arrêt de ce projet. Bien à vous, Jean-Charles Vicard
Cognac rejoint une longue liste de clubs amateurs
Fédérale 1 : l’US Bergerac rétrogradée en Fédérale 2 à cause de ses difficultés financières
Nationale : crise financière à Blagnac, le dépôt de bilan inévitable ?
Nationale 2 : endettée de 300 000€, la Seyne (aussi) en grand danger ?