Louis-Adrien Dubuc, c’est l’histoire d’un passionné de rugby depuis son plus jeune âge. De l’école de rugby à Cahors, en passant par l’entente Rugby Quercy Lot en cadets-juniors, Luzech, et un retour à Cahors (fédérale 2), le petit troisième ligne (1.73m) suit une trajectoire ascendante grâce à une activité digne d’une Jean-Pierre Rives. A 23 ans, il joue titulaire avec les Ciel et Blanc, avec qui il vit de belles phases finales. En 2017, il décide de sortir du « Lot », pour rejoindre Caussade. Le club voisin tarn-et-garonnais évolue alors en Honneur, et affiche ses ambitions. Louis-Adrien participe activement à la remontée de l’USC en fédérale 3. Mais au printemps 2019, avant d’attaquer les phases finales, il ressent de vives douleurs aux mains et aux pieds. C’était il y a pratiquement un an, jour pour jour…
Pour mieux les comprendre, le joueur va faire des analyses sanguines, qui vont montrer un dysfonctionnement important. Des recherches plus poussées à l’Oncopole de Toulouse poseront enfin un diagnostic plus précis, qui répond au nom barbare de syndrome myéloprolifératif de type myélofibrose. Une maladie rare, caractérisée par un envahissement de la moelle osseuse par du tissu fibreux, empêchant la formation normale des éléments sanguins par la moelle osseuse. En d’autres termes, cette pathologie a pour conséquence de provoquer un risque hémorragique très fort, qui rend la pratique des sports de contact trop dangereuse bien sûr.
« Tant qu’on ne fait pas face à la maladie, on se dit que ce doit être dur. Mais quand on apprend qu’on est atteint, on ne réfléchit pas, on se bat, on fait face. » nous avoue l’intéressé. Le tempérament du jeune homme est incontestablement un atout pour lutter face à ce nouvel adversaire, il confirme : « Ma mère m’a toujours dit que je n’ai jamais rien lâché, que ce soit sur un terrain ou en dehors, de même que je n’ai jamais arrêté de travailler ».
Pourtant, le traitement à suivre est contraignant, et fatigant : « L’objectif de ce traitement est de ralentir le développement de la maladie, ralentir la moelle osseuse qui fait trop de fibres. Ce qui se traduit par des injections, que je me fais moi-même. Au début, je me piquais le lundi, et j’avais les symptômes d’une grippe, j’étais fatigué pendant les jours qui suivaient. Et puis, au bout de six mois, je me piquais le dimanche, et le lundi matin, je me sentais bien. Le corps s’habitue en fait. La maladie ne m’empêche pas de vivre. »
Le rugby, école de la vie…
Le quotidien de Louis-Adrien n’est pas impacté, il travaille donc normalement, comme coordinateur de centres de tri de déchets du Syded dans le Lot. Un travail dans lequel il met à profit son parcours ovale : « On dit toujours que le rugby, c’est l’école de la vie, mais c’est vrai, je dis merci au rugby. Car dans ma vie de tous les jours, je dois manager des hommes, et je n’ai jamais reçu de formation pour ça. Mais quand vous vivez dans un groupe de rugby, vous apprenez le travail en équipe, la complémentarité, l’esprit de camaraderie, la rigueur, se concentrer pour tout donner sur un terrain, savoir profiter après un match, savoir donner pour recevoir en fait… Oui, toutes ces valeurs propres au rugby, je les applique pour mon travail, pour les autres et pour moi aussi bien sûr. »
Côté rugby, l’annonce de la maladie a mis fin à la carrière du troisième ligne. Un cap difficile à vivre : « C’est brutal oui, il faut l’accepter mais c’est difficile. Je suis revenu voir les copains deux fois le dimanche, mais ça me faisait plus de mal qu’autre chose. Donc j’ai coupé, je n’arrivais même pas à regarder un match à la télé. Un an plus tard, je pense pouvoir dire que j’ai fait le deuil du rugby. Mes copains de Caussade pensent à moi tout le temps, ils m’invitent aux matchs, aux repas, et même pour le voyage de fin d’année (rires). c’est vraiment sympa de leur part. »
De ses années lotoises à Caussade, qui restera son dernier club, les souvenirs remontent à la surface quand on échange sur son parcours, ses rencontres. Il cite Christophe Jaroz à l’école de rugby, et Alexandre Aymar en séniors, qu’il a connu à Cahors, avant de le suivre à l’USC. Il se souvient de ces phases finales avec le club lotois, ce 32ème de finale contre St Jean d’Angély : « J’avais 23 ans, j’ai joué l’aller et le retour titulaire, j’ai joué à chaque fois les quatre vingt minutes, j’ai tout donné. J’étais entouré de solides, et avec ma taille, je détonnais un peu (rires). On avait pris trente points à l’aller, et autant au retour, on s’était fait secouer comme jamais en mêlée et puis… sur la dernière, Arnaud Ferreira, un des papas de l’équipe qui jouait son dernier match et donc sa dernière mêlée, nous a fait la bise à chacun d’entre nous, avec un regard qui en disait long. On a remporté la dernière mêlée ! C’est un moment qu’on ne peut pas oublier. »
En effet, le rugby ne s’oublie pas, il fait partie intégrante de vous. Il vous laisse des souvenirs indélébiles, et des amis pour la vie. Justement, Louis-Adrien sait que pour vaincre la maladie, il n’est pas seul. Ses amis, sa famille, et sa copine « qui a toujours été présente, et d’un soutien essentiel », sont là. Il ne s’apitoie pas sur son sort, il fait face : « C’est une maladie rare, qui survient surtout auprès de personnes beaucoup plus âgées, à partir de 60-70 ans. On ne sait pas toujours pourquoi c’est tombé sur moi. Mais cette maladie, classée dans la catégorie des cancers, n’a été découverte que depuis 13 ans. Les médecins espèrent donc que des traitements plus efficaces verront le jour, car tout va très vite aujourd’hui. A terme, il faudra en passer par une greffe de la moelle osseuse, je le sais, mais il faut que ce soit le plus tard possible. Cela signifie aussi que je devrais en passer par de la chimio… »
D’ici là, Louis Adrien s’entretient, et continue à faire du sport, autrement : « Je cours, je fais un peu de muscu, je me suis même essayé à l’escalade ! Je fatigue plus vite, mais je m’entretiens oui ». Le bonhomme a de la ressource, au point d’aller faire des extra au Conti, un bar bien connu à Cahors : « Les gérants m’ont proposé de venir leur donner un coup de main quand j’ai arrêté le rugby, et j’ai accepté. C’est une sorte de challenge pour moi ! ». Qu’on se le dise, la maladie est tombée sur un sacré client !
Je suis donneuse de moelle osseuse. Si par hasard c’était compatible je n’hésiterai pas à aider ce jeune homme