Après la Nationale, les fédérales, ce sont tous les niveaux régionaux qui seront sur le pont dès ce weekend. L’occasion de nous entretenir avec le Vice-président et Docteur de la FFR, au sujet de cette reprise 2021-2022 tant attendue, de la mise en place des protocoles sanitaires, et de l’actualité, dense, du moment…
Serge Simon, la Fédération Française de Rugby avait anticipé l’obligation d’un pass sanitaire pour se pratiquants (voir article). Deux mois après sa mise en place, quel bilan vous en dressez ?
Le bilan est très positif, à bien des égards. Tout d’abord sur la reprise des compétitions. Il n’y a pas eu un seul match reporté, pas d’incident sur les contrôles. Les gens ont fait preuve de compréhension, d’intelligence. L’expérience du contrôle quotidien a favorisé cette approche dans les stades indéniablement. Nous avions suivi les instructions de l’Etat, en privilégiant la communication, la pédagogie auprès des clubs, qui ont parfaitement compris qu’un retour à la normale passait par ce pass sanitaire. Les gens s’en faisaient une montagne, et puis, nous avons tous pu constater que ce pass était simple d’utilisation.
Le pass sanitaire est devenu obligatoire pour les 12-17 ans à compter de ce 30 septembre, certains clubs font savoir qu’ils se heurtent à des refus des parents, et à des effectifs en baisse…
Il y a des normes imposées à notre société. Les gens ont le droit de les discuter, de les refuser même, mais ils s’excluent d’eux-mêmes de cette société. Je pense qu’il s’agit là d’un phénomène minoritaire. La pédagogie a fait son oeuvre avec le temps, les preuves du quotidien aussi. La FFR ne fait que suivre le Législateur, mais avec conviction, et ce, depuis le début de la crise. Nous participons à l’effort national, à titre personnel, je réitère ma conviction à se faire vacciner. Je vous l’avais dit en juillet dernier, je le redis, c’est la seule clé qui nous ouvre la porte d’un retour à la normale. Cela s’applique aussi aux jeunes de 12 à 17 ans, et pour tout vous dire, les remontées les concernant, sont plutôt très bonnes.
Les clubs de Nationale et de fédérale ont des moyens « d’imposer » le vaccin, pas forcément les clubs de séries. Est-ce une crainte de voir surgir des cas positifs en ce début de saison ?
Je n’ai pas d’inquiétude particulière, car je lis entre les lignes de votre question et je vous réponds que l’application du pass sanitaire n’est en aucun cas lié au niveau de telle ou telle compétition. On nous impose un pass sanitaire valide, qu’importe que ce soir pour jouer ou voir de la fédérale 1 ou de la 3ème série. La seule différence induite par le niveau professionnel et amateur, c’est la gestion de la circulation du virus. Chez les professionnels, les enjeux sont évidemment différents, qu’ils soient financiers, ou liés aux retransmissions télé. Nous avons décidé d’y adjoindre les niveaux semi-professionnels (Nationale, Espoirs et Elite 1 féminine), afin de gérer au mieux les reports de match. Chez les amateurs, c’est l’ARS qui gère au plus près la circulation potentielle du virus si un cas positif est détecté. Il y a des protocoles en place, qui seraient appliqués le cas échéant. Mais je tiens à souligner que comme pour les niveaux nationaux, je suis très confiant pour les séries territoriales quant au bon déroulement des compétitions.
Nous avions évoqué en juillet dernier une crainte légitime de perte de licenciés. Quelles sont les informations que vous pouvez nous donner à ce sujet ?
Nous avons justement fait un comparatif ces derniers jours : il y a une perte de 3% de licenciés. Ce qui signifie qu’il y a très, très peu d’incidence. Je peux même vous annoncer, et j’en suis particulièrement ravi, que nous avons une augmentation chez les jeunes licenciés, de plus de 25% !
« Nous pouvons espérer plus que jamais que cette crise pandémique soit derrière nous… »
Question au médecin maintenant : ne craignez-vous pas qu’il y ait plus de blessures, notamment en séries, du fait d’une pause « forcée » de plus d’un an ?
Il faudra faire un point dans quelques semaines, mais pour répondre à votre question, non je ne suis pas inquiet. Certes, il y a eu 18 mois d’arrêt de compétition, je ne compte pas volontairement la reprise de la saison dernière. C’est évidemment beaucoup. Mais je sais que des entraînements ont été maintenus. Je suis pleinement conscient que cela ne remplace pas l’intensité d’un match, mais encore une fois, la FFR a fait preuve de pédagogie pour éviter et/ou permettre aux équipes de jouer des matchs de préparation, sans écart de niveau. Au moment où l’on se parle, il n’y a pas de sur-accidentalogie manifeste, mais nous portons une attention très particulière sur ce point.
Autre sujet tristement d’actualité, le racisme. Vous avez déclaré que c’était un chantier ouvert en permanence…
Oui car le racisme, comme d’autres fléaux, traverse notre société, s’y implante, et notre sport en est victime aussi. Nous devons faire preuve de vigilance, d’attention, d’intransigeance, de justice. Toutes nos actions pour combattre le racisme, puisque c’est le point que vous soulevez, doivent avoir du sens. Cela touche tout le monde, donc tout le monde doit se sentir concerné. La création de la Commission Anti Discrimination et Egalité des Traitements (CADET*), présidée par Jean-Bernard Moles, a justement pour but de préserver et protéger le rugby de toute discrimination. La CADET n’a pas pouvoir disciplinaire, mais sera un outil à l’avenir pour sensibiliser les gens et favoriser une plus grande réactivité.
Autre sujet d’actualité, la violence dans le rugby. Tout du moins dans le Top 14, avec le plaquage terrible de Ryno Pieterse sur Maxime Lucul, sanctionné de 12 semaines de suspension. C’est ce genre de violence vue et revue en boucle à la télé qui peut faire peur aux parents et aux enfants…
…Et pas seulement les parents et les enfants. Quand j’ai vu les images, je peux vous dire que je suis resté sans voix, je me suis dit mais dans quel monde on est. Que l’on soit joueur, actuel ou ancien, passionné de rugby, suiveur, peu importe, c’est inacceptable de voir cette violence gratuite, et inaccepté au vu des réactions immédiates et unanimes. Le joueur a visiblement compris après coup la portée de son geste, il s’est excusé. La Commission de Discipline l’a sanctionné.
La sanction est appropriée selon vous ?
Vous savez, il y a une grille de sanction très encadrée pour éviter de mêler la morale ou une réaction à chaud. Cette grille existe aussi pour éviter de faire peser trop de pression à cette Commission de Discipline qui est en première ligne. Il y a les faits, et puis il y a les facteurs aggravants ou atténuants. L’éventail est assez large pour être le plus juste possible. C’est ce qu’il s’est passé pour Radosavljevic. Et puisque vous me demandez mon avis, je peux juste vous répondre que je souhaite toujours que cette grille des sanctions soit respectée et aboutisse à la hauteur de l’émotion suscitée par ce geste.
Il y a deux mois, vous aviez conclu par cette phrase : « nous vivons un moment important, crucial même. Le vaccin est l’unique réponse. Un retour à la vie normale passe par le Pass Sanitaire, respectons tous cette consigne, et nous pourrons toutes et tous nous retrouver sur et en dehors des terrains à la rentrée. ». Nous voici à la rentrée…
Et nous pouvons espérer plus que jamais que cette crise pandémique soit derrière nous, et que nous ne revivrons pas un rebond épidémique qui nous avait fait mal l’an passé (voir article). J’en profite donc pour saluer le superbe travail effectué à l’intérieur des clubs, et souhaiter à toutes et tous, une bonne reprise, et une belle saison !
*La CADET de la Fédération française de rugby, dont on parle peu dans les médias est composée de Rachel Khan, responsable sport Licra, écrivaine, directrice du Centre National de breakdance à Pantin, Sandra Forgues ; Pdte du CA du Creps de Toulouse, ex-champion olympique et du monde de canoë-kayak, Alexia Cerenys, joueuse de Lons,-le-Saunier, Anne Ghiles, entraineure Le Bouscat, Valérie Moga, mandataire judiciaire Tribunal de Bayonne, Patrick Vignal, député LREM de l’Hérault, ex-adjoint aux sports de Montpellier, commission sports de l’assemblée nationale, Hussein Bourgi, sénateur PS de l’Hérault, commission de suivi des victimes de discriminations, Laurent Delmon, arbitre, RH sur les discriminations dans les établissements publics, Denis Cahenzli, Pdt RC Aulnay, vice-président de la métropole Grand Paris, commission habitat social, Jérémy Clamy-Edroux, joueur à Rouen (Pro D2) et son président, Jean-Bernard Moles, docteur en sciences des sports, ex-journaliste.