Depuis que le calendrier du championnat de la Réserve Elite est tombé fin décembre, le weekend du 27/28 janvier a été bloqué par toutes les joueuses pour prétendre à une place contre Rennes. Coïncidant avec le match Rennes-Blagnac d’Elite 1, il annonçait un double déplacement, une double confrontation, un double bus, un weekend d’anthologie, de ceux qui doivent souder un groupe. Car si les garçons ont l’habitude de se déplacer en meute avec leurs équipes 1 et réserve, c’est en revanche très rare chez les filles (deux fois cette année pour le Blagnac Rugby Féminin). Embarquez avec nous pour ce petit évènement, en guise de voyage en terre bretonne, certes connue, mais pas si facile à atteindre…
En 2014, déjà, nous vous évoquions le voyage épique de feu le BSORF à Lille, en avion (voir article). Cette fois, il s’agit d’un trajet en bus. Enfin en car pour respecter la langue de Molière, car un car relie deux villes, quand un bus parcours une ville (oui, un peu de culture générale ne peut nuire, et vous pourrez la raconter à la machine à café ou à l’entraînement de mercredi).
Le départ en car donc (mais l’on acceptera bus, ne vous inquiétez pas) est donné pour 8h samedi matin. Avec des matchs à 13h et 13h30 programmés le lendemain, la marge est grande pour les aléas. Même si le mot « aléas », Laura Ferré ne le connaît pas. Le programme de la journée est ultra calé par la coach des avants des Espoirs, avec un arrêt prévu à Jonzac pour déjeuner et s’entraîner. En tout cas, selon elle, l’arrivée à Rennes se fera à 18h45 pétantes ! Tout est réglé pour celle qui, exceptionnellement, ne sera pas du voyage ce weekend. Elle a eu du nez !
Car l’actualité et le manque de chance allaient rappeler que les trajets de rugby ne se passent jamais comme prévus. Avec plusieurs agricultrices dans le club, tout le monde savait que des blocages au niveau des accès d’autoroute, étaient en cours. « Les agriculteurs ont notre total soutien. Mais on ne pensait pas longer l’autoroute par la campagne jusqu’après Valence d’Agen » nous raconte Amélie Mahé, joueuse blagnacaise.
En voulant laisser passer les nombreuses voitures arrivées dans l’autre sens, le chauffeur s’est mis sur le côté… un peu trop malheureusement. Au moment de repartir, les roues n’ont plus d’adhérence, le car s’embourbe. Branle-bas de combat, comme les 46 joueuses se mettent sur le même coté et à l’avant du bus à étage pour aider à sortir du bourbier. Sans réussite. Tout le monde descend, et se retrouve dans un champ. Tentative de pousser à l’arrière, entre les avants voulant prouver l’acquis des dernières techniques de mêlée, et quelques arrières qui veulent faire illusion. Echec collectif, le bus ne vacille pas.
En contact avec les joueuses, RugbyAmateur vous a dévoilé les photos de la scène. Alertant par la même occasion les journaux locaux. Les joueuses de Blagnac qui venaient d’entamer le petit-dèj commun dans le bus, le finiront à la fraîche dans le champ.
Les dirigeantes, elles, se mettent en quête d’un agriculteur avec l’aide des voisins. Qui dit petit village, dit tout le monde se connaît. Le maire arrive très rapidement, accompagné de quelques agents et un agriculteur sur son tracteur. De toute évidence, il ne fera pas le (contre) poids pour nous sauver, beaucoup trop petit. Pas d’autre choix que d’appeler la dépanneuse poids lourds !
En attendant, on ouvre aux joueuses une salle pour les garder au chaud. L’accueil est au rendez-vous : café et petits gâteaux aussi. On s’occupe comme on peut. Les trentenaires posent devant l’affichage « club des aînés » quand les petites jeunes lancent une partie de Shabadabada entre les équipes. « Belbiche » est trop forte, elle mène le jeu toute seule quelques manches…
Deux heures après l’incident, l’opération sauvetage est en passe d’être réussie. Quelques habitants du village sont présents, c’est un peu l’attraction à Donzac en ce samedi qui s’annonçait si calme. Direction le car, photo souvenir avant de remonter à l’intérieur, avec M. le Maire, ses agents, et le petit Lucien, le fameux voisin qui n’a pas raté une miette depuis le début.
A peine remontées dans le bus, que les joueuses doivent redescendre : dans le doute, le chauffeur veut faire un tour à vide pour vérifier que tout va bien. C’est le cas, ouf ! Mais le changement de chauffeur, prévu à Agen, est remis en question avec cette mésaventure matinale. Les horaires ne sont plus respectés pour aller à Rennes, il va falloir un deuxième chauffeur… Sauf que les tractations avec la direction s’avèrent plus compliquées.
Les chauffeurs, le staff, le président à Blagnac, tout le monde est sur le pied de guerre parce qu’il est hors de question de faire demi-tour. Loin de toutes ces négociations, les joueuses improvisent une fête de village sur le parking. Entre chorégraphies et chansons paillardes, une chose est sûre, la bonne humeur est bien présente.
Le temps s’étire, et l’arrivée à Rennes s’éloigne tout autant. Et puis il commence à faire faim. M. le Maire prend les choses en main, il ouvre le gymnase, fait installer des tables et cuire des pâtes. Sacré nom de nom, les joueuses ne repartiront pas le ventre vide, parole de Tarn-et-Garonnais ! La générosité naturelle étant toujours récompensée, Marie Relou, ancienne joueuse emblématique et désormais dirigeante, lui offre un maillot du club que toutes les joueuses vont signer entre deux bouchées.
Après quatre heures de péripéties, le (deuxième) départ est donné. Et pour la première fois de la journée, les Blagnacaises prennent l’autoroute, pour mieux la quitter après Bordeaux. Avec les importants travaux jusqu’à Niort, il est préférable de nouveau prendre les routes de campagne, mais avec un niveau de vigilance très élevé.
Finalement, quinze heures après avoir quitté le Stade Ernest Argelès de Blagnac, les deux équipes sont arrivées à bon port. Certes, affamées, certes à 23h, mais prêtes à en découdre le lendemain contre les Bretonnes.
Mais le lendemain, une fois arrivées au Stade, les réservistes de Blagnac apprenaient que les Rennaises, en manque de premières lignes, ne pouvaient disputer la rencontre ! Victoire officielle à 0-25, et officieuse 12-31, car les deux équipes ont tout de même chaussé les crampons pour un entraînement. Certaines diront, « Faire 25h de bus et 1400km pour un entraînement dirigé, c’est cocasse », d’autres répondront : « Dormir au Mercure Hôtel pour faire un entrainement dirigé, c’est la classe ».
Le match de l’Elite, lui, a bien eu lieu, et a tourné en faveur des visiteuses sur le score 15-34. Le fameux bus revient donc chargé de 10 points dans la soute. Il va vivre une 3ème mi-temps qui ne révélera pas ses coulisses, à part ce moment où… non, on ne peut rien dire.
Ce que l’on peut dire en revanche, c’est que le Maire de Donzac a félicité l’équipe pour sa victoire. Lui qui pourra encadrer le maillot dédicacé du Blagnac Rugby Féminin, gentiment offert en échange de sa gentillesse et son dévouement.
Le weekend du 17/18 février, les deux équipes de Blagnac vont encore faire trajet commun, et se rendre à… Grenoble ! Plus de 1000km encore pour une double confrontation, mais pas forcément autant de péripéties. A moins que les agriculteurs ne soient encore sur les routes. A moins que la neige. A moins que… Bref, il peut encore se passer tant de choses. Nous serons là pour vous en parler bien sûr…