Castelsarrasin avait déploré un cas positif avant de faire tester le reste de l’équipe. Bilan : 20 cas dénombrés et une mise sous cloche pendant quatorze jours. Le match à Lannemezan prévu ce weekend dans le cadre de l’ouverture du championnat de fédérale 1, a naturellement été reporté (voir article du 2 septembre). Un exemple parmi d’autres qui vient jeter le trouble sur une situation générale déjà bien floue. Entre les clubs, les institutions sportives et médicales, le son de cloche n’est pas toujours le même. Ce qui entretient un peu plus ce sentiment désagréable que l’on embarque dans un exercice 2020-2021, dont les instances sportives ne peuvent garantir la fin… Mission impossible ?
Levézou-Ségala a confirmé un joueur positif fin août. Le groupe sénior a aussitôt été mis en quatrozaine, et soumis à un test collectif. Heureusement, ce dernier n’a révélé aucun autre cas. Conséquence directe malgré tout, les entraînements ont été annulés jusqu’au mercredi 9 septembre. A trois jours de l’ouverture du championnat de fédérale 2, le LSA ne pouvait donc pas être prêt pour tenir les 80 minutes requises et disputer un match de reprise. Le match contre Nègrepelisse a donc été officiellement reporté hier. Francis Bayol, le co-président aveyronnais, n’était pas surpris, mais passablement agacé d’une situation trop floue selon lui : « C’était inévitable. Quinze jours sans s’entraîner et disputer un match de reprise, en fédérale 2, c’était inconcevable et même dangereux. Ceci dit, je souligne que la FFR nous dit qu’un match est reporté à partir de trois cas confirmés, alors que l’ARS nous dit qu’à partir d’un seul cas, aucun match ne peut avoir lieu. On ne sait plus quoi faire, ni quoi penser, car les consignes de l’Etat priment. Mais ce serait bien que chacun accorde ses violons, une bonne fois pour toutes ! »
Baptiste, joueur en ligue Hauts de France est le Covid manager de son équipe. Ironie du sort, il est le seul joueur du groupe à avoir contracté le coronavirus : « J’ai été moi-même testé positif oui, mais c’était il y a un mois. J’ai été confiné, et j’ai refait un test PCR (Polymerase Chain Reaction) comme le demande la FFR, qui est la seule fédération sportive à le demander, avant de pouvoir reprendre les entraînements. Sauf que j’étais encore positif. Le problème est que l’on peut rester positif pendant deux mois ou plus, sans être contagieux pour autant (voir article). Donc je me retrouve coincé tant qu’il n’y aura pas la possibilité de faire un test qui prouve que je ne suis pas contaminant. Il faut se concentrer aussi et surtout sur cet aspect, car des cas positifs, on va en trouver dans tous les clubs. C’est une nouvelle maladie, je comprends aisément ces tâtonnements, et ces protocoles, inévitables. J’ai donc pris le temps de contacter moi-même la FFR, l’Assurance Maladie et même l’ARS, pour être parfaitement renseigné. Et le résultat, c’est que j’ai eu trois retours différents. Je comprends la responsabilité de chacun, mais il faut absolument que le discours soit identique, pour qu’on y voit plus clair. Sans quoi, je ne vois pas pourquoi on aurait autorisé la reprise des entraînements. »
« Il y a des modifications chaque semaine, d’un jour à l’autre parfois »
La FFR, comme toutes les autres fédérations sportives, a légitimement relancé la pratique ovale dès que possible, mais pas n’importe comment. Elle a mis en place un protocole strict, lisible, à appliquer par toutes et tous, pour reprendre progressivement une pratique normale du rugby, avec contact. Et avec comme objectif principal de débuter la saison 2020-2021 aux dates prévues. Sauf que le rebond épidémique est une réalité depuis plusieurs semaines, et qu’il semble s’avérer plus virulent que prévu.
Santé Publique France ne le cache pas, au contraire, et rajoute dans un communiqué paru ce jeudi : « En France métropolitaine, la progression de la circulation virale est exponentielle. La dynamique de la transmission en forte croissance est préoccupante. Si le nombre de patients testés est en augmentation, ceci n’explique pas la hausse des cas observée. Depuis début Juillet, le nombre de patients dépistés a été multiplié par un peu plus de 2 et le nombre de nouveaux cas par 12. La circulation virale est particulièrement active chez les adultes jeunes. Le défaut de suivi des mesures de prévention par les jeunes adultes pourrait expliquer cette augmentation. »
Maurice Buzy-Pécheu, vice président en charge du rugby amateur au sein de la FFR, avoue la difficulté de composer avec des informations évolutives chaque jour : « Il y a des modifications chaque semaine, d’un jour à l’autre parfois. On évoque un assouplissement au niveau du protocole en passant d’une quatorzaine à une septaine. Les covid manager font bien leur boulot en région et en club, mais l’on ne peut pas les responsabiliser plus, notamment sur des cas positifs, dont on ne maîtrise pas l’origine. Tous les joueurs concernés sont confinés en suivant les recommandations de l’ARS. »
Un inspecteur médecin à l’ARS, qui a tenu à garder l’anonymat, nous confiait justement : « la définition de Santé Publique France sur un contact à risque est la suivante : si vous êtes à moins d’un mètre d’une personne, si vous restez quinze minutes dans un lieu clos avec plusieurs personnes, et si vous êtes sans protection, alors vous êtes dans une situation de contact à risque. Il me semble que c’est suffisamment clair, et nous ne faisons que l’appliquer strictement. L’épidémie est réelle, les cas positifs nombreux. Les sports à contact sont donc directement visés et peu compatibles avec l’ensemble des mesures prises pour endiguer une épidémie. »
« Pourquoi insister autant pour débuter les championnats dans ces conditions ? »
Nous avons dès lors contacté un médecin de club amateur, dont le sentiment général risque fort de parler à beaucoup de gens : « Il n’y a pas de solution magique. Mais l’on en vient à se demander si les instances sportives et de santé se sont consultées avant d’établir un protocole adapté. Santé Publique France a pondu un protocole clair, la FFR aussi, mais ils ne disent pas la même chose. Les professionnels de rugby se font tester une fois par semaine, deux jours avant un match. Pour les amateurs, c’est quasiment insoluble. »
D’autant plus que, pour tous les cas positifs, se pose la question de l’arrêt maladie. Et l’employeur de grincer des dents en constatant que son employé est confiné chez lui pendant quatorze jours. Que dira-t-il si son employé-sportif du dimanche, est mis sous cloche une nouvelle fois ? Il faudra peut-être choisir. Stéphane Floirac, président Rodez et entrepreneur nous partage son expérience très récente, et assez révélatrice : « Nous avons disputé un match amical à Decazeville dimanche dernier. Ce n’était pas très loin, les joueurs y sont allés en voiture. L’un d’eux se sentait très fatigué le soir, il est rentré chez lui plus tôt. Le lendemain, il s’est dit fiévreux, je lui ai dit d’aller passer un test. Le résultat est tombé le lendemain, il était positif au coronavirus. Il a donc été isolé chez lui. En tant que président, j’ai contacté l’ARS pour leur signaler. On m’a demandé d’établir des cas contacts avérés. A savoir, les deux joueurs qui étaient dans la voiture avec lui, et les deux qui étaient assis à côté de lui dans les vestiaires. Tous sont automatiquement mis en quatorzaine, et seront testés à leur tour au bout d’une semaine. Vu la difficulté pour se faire tester, car c’est une réalité, ils seront considérés comme prioritaires car probablement positifs. Dans ce cas présent, ce n’est pas l’ARS qui prévient le club contre qui nous avons joué, c’est à nous, adversaires, de le faire. Ce que j’ai fait immédiatement bien sûr. Conséquence, suspension des entraînements pendant quatorze jours, et de fait, match reporté pour eux, qui devaient débuter ce weekend en fédérale 3. Nous avons aussi annulé notre dernier match amical, avant la reprise officielle semaine prochaine. Mais pourrons-nous jouer pour autant ? Ces confinements fractionnés posent un autre problème : celui de l’entraînement. Il y a un double risque, majeur, celui de la transmission bien sûr, mais aussi de provoquer de nombreuses blessures, à cause d’une préparation tronquée et insuffisante. C’est risqué donc incohérent, et assez incompréhensible aussi. Pourquoi insister autant pour faire débuter le championnat dans ces conditions ? »
Alain Doucet, président de la Ligue Occitanie nous avait justement expliqué le 27 août dernier (voir article) qu’en cas de nouveaux problèmes persistants, un plan B et C, étaient dans les cartons, à savoir un début de championnat reporté à la Toussaint, voire au début de l’année 2021. A 48 heures du début des championnats fédéraux, une telle décision est inenvisageable désormais. Mais la trentaine de matchs reportés officiellement d’ores-et-déjà pour ce weekend, démontre la fragilité de la situation. Et le président ruthénois d’insister sur l’aspect sportif : « Il y a peu de dates de repli, que va-t-il se passer si nous avons deux ou trois matchs reportés d’ici la fin d’année ? Il faut impérativement que la saison, si elle débute normalement, ait une fin cohérente. En fédérale comme en série. »
Le problème de l’accès aux vestiaires et donc aux douches, deviendrait presque secondaire. Sauf que pour un joueur, arriver avec sa boutielle, se changer à l’extérieur, et se laver au jet d’eau quand c’est encore possible, ce n’est pas anecdotique. Par des températures estivales, c’est encore tolérable. L’automne va arriver avec son cortège de changements. La sortie médiatique de Serge Simon pour pousser les communautés des communes à ouvrir les vestiaires a-t-il eu un effet ? Pas sûr. Roland Labarthe, le monsieur sécurité de la FFR a écrit aux décisionnaires dans ce sens. Nombreux sont les présidents de clubs amateurs à se montrer impuissants et de fait, pessimistes. Sans avant match avec les partenaires et les supporters, sans billetterie, sans buvette, sans après match, difficile de survivre. Tout aussi difficile de vérifier si tout le monde porte un masque, applique les gestes barrières basiques. Franck Mondon, président de la Vallée du Girou en fédérale 3 exprimait son inquiétude quant à une possible responsabilité en cas d’un décès à cause du satané virus. « Ce serait criminel de commencer le championnat ainsi » avait-il clamé le 29 août dernier. A chacun sa perception de la situation, mais vivre une saison « normale » semble déjà une mission impossible. Les protocoles, fantômes pour bon nombre de pratiquants, n’incitent pas à un optimisme béat pour la suite des opérations. Mais dans l’attente de réponses positives, nous vous souhaitons, mesdames et messieurs du rugby amateur, beaucoup de courage et une belle saison. La meilleure qui soit. Cet article s’auto-détruira dès qu’un nouveau protocole sera mis en place…