« Du très laid à Trélut », voilà ce que nous avions titré lors de ce Tarbes-Lannemezan, disputé le 15 février dernier, terminé à 12 contre 11 après un déluge de mauvais coups dès la première minute, de bagarres et de cartons évidemment. L’histoire de ce derby des Hautes-Pyrénées, peu reluisante déjà, aurait pu en rester là, mais quatre jours plus tard, une accusation pour des propos racistes est venue jeter de l’huile sur des braises encore rouges de honte. En cause, Cédric Rouch, talonneur de Lannemezan, incriminé par Marvin Woki, deuxième ligne de Tarbes, d’avoir proféré un « Sale noir, restes chez toi ! », poussant la FFR à se saisir du dossier. Le verdict a été rendu il y a quelques jours, lavant de tout soupçon l’ingénieur de 25 ans, ancien espoir du Stado Tarbais, choqué par ces accusations infondées et par la tournure que cette affaire a pu prendre ensuite…
Cédric, tout d’abord, revenons sur ce triste match du 15 février dernier. Tu t’accroches avec Marvin Woki, vous prenez tous les deux un carton jaune à la 51ème minute. Que se passe-t-il alors ?
On sort tous les deux du terrain, tout en continuant à se chauffer et à se chambrer. Je lui ai fait un geste de la main montrant mon visage et mes yeux, pour lui signifier de bien s’en souvenir quand on se recroisera sur le terrain. On était plus qu’énervés, cette attitude n’était pas la bonne, mais il n’y a rien eu de plus, et surtout pas ce dont on m’a accusé. Quand on a repris le match, il ne s’est rien passé de plus de toute façon.
On se souvient que les deux présidents ont calmé le jeu le mardi, avec une conférence de presse commune, tant ce match avait suscité de l’indignation et des commentaires houleux sur la toile…
Ce match avait suscité par mal d’attente, il devait être diffusé en plus sur l’Equipe TV, mais il ne l’a pas été, et c’est tant mieux… car c’était un bien triste spectacle, il faut bien l’avouer. Il y a eu un communiqué officiel partagé pour reconnaître les torts des deux équipes. L’histoire devait s’arrêter là, mais…
…Mais deux jours plus tard, tout s’embrase à nouveau avec les accusations de Marvin Woki, affirmant que tu as tenu à son encontre des propos à caractère raciste…
C’est mon président, Jean-Philippe Dastugue, qui m’a appelé pour me l’annoncer, car je n’étais pas encore au courant. Il m’a dit que c’était une histoire de fou, que tout le monde s’emballait, j’étais sans voix… car, je le précise au cas où, ces accusations étaient totalement fausses. Mais ces elles ont été relayées par plein de médias, plus ou moins légitimes, certains n’avaient même pas de correspondant sur place et se sont permis d’en parler comme s’ils y étaient. Ça a pris des proportions énormes. En plus, des personnalités s’en sont mêlées, ce qui, évidemment, a amplifié cette histoire.
Il y a eu une rencontre entre vous, les deux joueurs, et les deux présidents, pour confronter vos versions. Une rencontre restée stérile, mais Marvin Woki n’a jamais porté plainte. finalement, tout aurait pu s’arrêter à ce moment-là…
Oui, en théorie, sauf que la FFR a décidé d’ouvrir une enquête de son côté, Serge Simon s’étant exprimé à ce moment-là, il ne pouvait en être autrement je présume. A partir de là, j’ai été pris dans une spirale infernale, difficile à vivre, qui m’a beaucoup affectée, personnellement, professionnellement et sportivement. J’ai été obligé de prendre un avocat, et je suis passé devant une Commission de Discipline en visio-conférence le 10 avril. J’ai dit ce qu’il s’était passé, tout simplement. Marvin Woki lui, s’est exprimé par… mail. Un joueur de chaque club a témoigné, ceux qui étaient proches de l’accrochage. Le juge de touche en a fait de même puisqu’il était à côté de l’action. Mais personne n’a pu affirmer quoi que ce soit… normal, il n’y a eu aucun propos incriminant.
« Un décalage dans le traitement, et le mal que les réseaux sociaux peuvent faire… »
Cette enquête a débouché sur une décision claire le 24 avril dernier, qui t’innocente totalement. On imagine ton soulagement…
Il y a évidemment un gros soulagement oui, car c’était mon honneur qui a été sali, ma parole aussi, à partir d’une parole d’un seul homme. J’ai eu le sentiment, quand je marchais dans la rue, qu’on me dévisageait, qu’on me pointait du doigt, des gens sont venus me voir pour m’en parler. J’ai traversé ces moments difficiles avec un sentiment d’injustice énorme. Je n’avais pas l’intention de partir du CAL, mais c’est la première fois que je ne reçois aucune proposition d’un autre club. Idem pour mon travail, alors que j’étais en contact avec une société sur Toulouse, elle n’est jamais revenue vers moi après la médiatisation de cette affaire. Justement, à propos des médias, j’aurais aimé qu’ils se montrent aussi réactifs pour annoncer ce verdict qui m’innocente, qu’ils l’ont été pour crier haut et fort que j’avais tenu des propos racistes. Je ne cherche pas du tout à me faire plaindre, qu’on se comprenne bien, mais c’est pour souligner ce décalage de traitement, et le mal que les réseaux sociaux peuvent faire. Je ne parle pas de vous, RugbyAmateur.fr, je le précise ici, car vous étiez présent au match et vous n’avez pas relayé cette affaire sans vérification, merci pour ça.
Après quelques jours de recul, que retiendras-tu de toute cette « affaire » ?
C’était une épreuve pour moi, je parlais de spirale infernale, mais c’est vraiment le cas. Mais je retiens surtout le soutien de mon club, mes amis, ma famille et plein de gens qui me connaissent vraiment. J’en profite ici pour les remercier tous. Je vais essayer d’oublier cet épisode compliqué maintenant, je vais rester moi-même, et tout donner pour le CAL la saison prochaine. Il y aura de beaux derbys encore la saison prochaine, avec le Stade Bagnérais et le Stado bien sûr, mais aussi avec nos voisins du Gers, Lombez et d’Auch, qui viennent de monter. Souhaitons que ce soient de belles fêtes du rugby… et que le CAL soit le roi de la Bigorre (rires)
Précisions :
1 – Le club de Lannemezan et l’avocat de Cédric Rouch, n’ont pas souhaité que cette interview, vidéo, soit diffusée en l’état. C’est pourquoi nous l’avons retranscrite fidèlement par écrit.
2 – Marvin Woki (23 ans), passé par le Stade Français, Montauban (2018), et Tarbes (2019) vient de signer à Rouen. Nous l’avons sollicité pour avoir ses impressions, mais nous restons dans l’attente d’une réponse.