Billet d’humeur : World rugby, la coupe est pleine – Voilà, la Coupe du monde en France est terminée. Et vous savez quoi ? Tant mieux ! Qu’elle semble lointaine cette excitation estivale où l’on comptait les jours qui nous séparaient de ce match d’ouverture, sans véritable enjeu sportif certes, mais qui a fait des Bleus durant un mois, des favoris pour le titre, et des Blacks, une génération indigne des précédentes. On connait la suite… (par Jonah Lomu)
L’heure était encore à la fête, aux yeux d’Emilie, mais aussi, et déjà, aux premières polémiques. La préparation des Bleus, les blessures, l’affaire Chalureau, les règlements de compte à « OK Chorale » pour des hymnes sans frissons, les sifflets contre le Président de la République, sans oublier les critiques des gens contre Dujardin, artisan boulanger lors de la cérémonie d’ouverture, dans le pétrin pour avoir défendu la culture française. Et puis, cette fracture de Toto et ces trois semaines d’attente insoutenable : jouera, jouera pas ?
Polémiques ensuite sur l’arbitrage. Mais pouvait-il en être autrement, tant certaines décisions ont changé le cours des matchs, et l’histoire de cette coupe du monde. A quoi sert la vidéo dans ce cas diront les non-initiés ? A rien, répondront les experts objectifs. L’habituel point fort du rugby est devenu l’objet de toutes les moqueries et même, plus grave, de suspicions. Plus de transparence sur le choix des arbitres ne ferait pas de mal.
Le Géorgien Nika Amashukeli, et l’Australien Angus Gardner, n’étaient-ils pas légitimes pour diriger les demies ? Pourquoi le Néo-zélandais Brendon Pickerill était le TMO de France-Afrique du Sud, puis d’Angleterre… Afrique du Sud ? Pourquoi ne pas mettre un arbitre hémisphère nord et sud obligatoirement sur le terrain et à la vidéo ? Qui décide des sanctions dans cet impénétrable et satané bunker ?
Ben O’Keefe, l’ophtalmologue de métier (si, si !), s’est ainsi fait un nom comme Derek Bevan et Craig Joubert avant lui. C’est la règle du jeu après tout. Heureusement, World Rugby a bien noté les erreurs du referee néo-zélandais, lors du match France-Afrique du Sud, et l’a donc lourdement sanctionné en lui imposant… d’arbitrer à nouveau les Sud Af, contre l’Angleterre. Comme un discret doigt d’honneur à l’attention des Frenchies, histoire de rappeler qui est le shérif dans la ville. Et Billy Beaumont le Kid de mettre John Wayne Barnes au sifflet lors de l’ultime duel. Western union ! Dans cet épisode final, le rugby est tombé, les armes à la main, et dans ce weekend morose, même Matthew périt.
Nu et culotté
A l’heure du bilan, le constat est simple, la fête était belle en tribunes, en dehors, mais nous n’avons que trop peu vibré pour une compétition à deux, voire trois vitesses, entre les nations que World rugby nomme au mieux maladroitement, au pire avec condescendance, Tiers 1 et Tiers 2. Sûr que les cols blancs décideurs du rugby mondial réfléchissent mieux autour d’un bon cocktail-foie gras en loge prestige avant de balancer leurs formidables initiatives. Ah, ce tirage au sort anticipé trois ans avant, pour s’assurer les réservations de billets, d’avion, et de petits fours. Quelle riche idée, merci encore messieurs !
Ces grands manitous commonwealthiens ont malgré tout entendu la grogne populaire venue d’en bas, et ont, comme par hasard, balancé leurs nouvelles décisions ces derniers jours : un tirage au sort plus proche du début de la compétition, un nouveau modèle à 24 équipes et la création d’une Nations Cup tous les deux ans. Le tiers monde ovale d’Amérique du Nord, d’Asie et d’Afrique appréciera, les organismes des joueurs internationaux, aussi, surtout ceux du Top 14.
La France, parlons-en. Fabien Galthié, avec son staff, a eu le mérite de rendre nos Bleus attractifs et attachants, il devra désormais les guider vers le titre 2027. Pas une mince affaire, tant la déception d’aujourd’hui est grande, et la projection vers demain si incertaine. Mais le sélectionneur aux lunettes s’est montré déterminé et culotté durant son premier mandat. Nul doute qu’il saura se mettre à nu encore (mais pas devant les paparazzi sur une plage de Dieppe svp) pour retrouver notre french flair génétiquement non modifié, et répondre aux auto-tamponneuses adverses.
Transition directe avec les Springboks, qui arborent comme emblème cette belle antilope sauteuse, au lieu d’un buffle, hippo ou rhino, plus proches pourtant de leur style de jeu. Mais que voulez-vous, ça gagne, même d’un « poing ». C’est qu’ils maîtrisent la prise d’intervalle et l’art du contre-pied ces coquins, et de l’évitement… surtout au moment de signer la charte mondiale anti-dopage. Coudes en avant, mains sur le sol, les Sud Af ont avancé en costauds vers un 4ème sacre mondial, ce qui, entre nous, n’est pas la meilleure des publicités pour le rugby.
Etzebeth à dire, mais il faudra quand même l’expliquer aux gamins des écoles de rugby maintenant, que des gros bras qui jouent petits bras, ça marche aussi. Pour autant, remporter la coupe Webb Ellis signifie-t-il que vous êtes la meilleure équipe du monde ? Pas sûr. Juste celle d’une compétition, qui gère mieux que personne sept semaines de combat, avec 15 démolisseurs, un banc XXL, et au pied, la magie de Pollard pour remporter la coupe de feu. Dans sa malle Louis Vuitton et sa voiture officielle, la bien nommée Defender, l’Afrique du Sud a ainsi ramené la coupe à la maison.
TF1 peut ranger ses caméras, avant de les ressortir dans quatre ans, avec ses pubs et ses sponsors éphémères qui surferont sur les valeurs du rugby. Tout ce beau monde reviendra dans quatre ans, prêt à s’envoler en Australie en première classe avec Fly Emirates, et une totale énergie pour suivre la marée All Black. Et entre temps, de financer aussi la venue de l’immense Sam Whitelock en France, avec un joli « Pau » d’accueil. Il croisera le fer avec Siya Kolisi, exemplaire capitaine-ambassadeur (et chanteur) de la nation arc-en-ciel, qui va lui aussi emménager en France pour y disputer le passionnant Top 14, seul championnat véritablement rentable de la planète ovale, qui sent plus les doublons que le houblon.
La colère va sûrement s’estomper avec le temps, même si les cicatrices de 1995 et 2011 sont vivaces. La coupe est pleine, mais gardons espoir. What a wonderful world… rugby !