Protéger les 20 clubs qui serviront de camp de base pour les équipes qualifiées pour la Coupe du Monde 2023, sanctuariser cette compétition, et reporter les championnats amateurs 2023-2024 après la coupe du monde. Voilà la proposition envoyée en début de semaine, par mail, aux clubs amateurs. Un projet qui ne semble pas faire l’unanimité…
20 clubs, plébiscités pour leurs installations et leur situation géographique seront officiellement des camps de base pour les nations qualifiées lors de la coupe du monde disputée en France du 8 septembre au 28 octobre 2023. Parmi ces clubs, 6 sont professionnels (Lyon, Toulouse, Toulon, La Rochelle, Perpignan et Montpellier). Les 14 autres sites et clubs concernés évoluent dans des Ligues, des poules, et des niveaux différents (voir tableau ci-dessous). Soit un impact plutôt modéré si l’on considère que 14 clubs amateurs représentent moins de 1% des 1 800 présents sur notre territoire.
A l’évidence, les clubs professionnels, dont on ne cesse de pointer du doigt le calendrier surchargé et des doublons malvenus en période internationale, auront envie de commencer le Top 14 et la Pro D2 après la Coupe du Monde. L’évidence est bien moindre pour les clubs amateurs.
« C’est se tirer une balle dans le pied »
Ces derniers seront attentifs à ce que leurs rencontres ne tombent pas en même temps que celles du XV de France. En phases de poule, les Bleus joueront le vendredi 8 septembre contre les Blacks en match d’ouverture, puis les jeudis 14 et 21 contre l’Uruguay et la Namibie, et enfin contre l’Italie le vendredi 6 octobre. Pas de quoi concurrencer le rugby amateur qui se joue le dimanche donc.
Pourquoi alors décaler le début de tous les championnats de Fédérale et séries ? Thierry Fourcade, président de l’ESCA (Entente Sportive des Côteaux de l’Arrêt, régionale 1) et membre de la commission des épreuves en Occitanie, ne voit aucune raison valable :
« C’est incompréhensible. La France ne joue pas le dimanche, je ne vois donc pas pourquoi on nous demanderait de décaler le début des championnats. Au contraire, il faut jouer pendant un évènement tel que la coupe du monde. Il faut permettre à nos jeunes qu’ils puissent s’identifier aux internationaux. On voit plus de gens jouer au tennis pendant Roland Garros il me semble, ce sera pareil pour le rugby. On fait tout l’inverse si on demande à nos joueurs, jeunes et adultes, de rester à la maison ou de venir juste s’entraîner pendant cette coupe du monde. On aime aussi la compétition, nous ne sommes pas un centre de loisirs. Pour le milieu amateur, qui souffre déjà au niveau des effectifs, c’est se tirer une balle dans le pied. »
Patrick Buisson, vice-président en charge du Rugby Amateur propose dans son mail-sondage, une reprise le 15 octobre, le 22 octobre ou bien le 5 novembre. Une façon comme une autre d’imposer d’ores-et-déjà une reprise décalée puisqu’il n’y a pas de proposition avec une case « Reprise normale en septembre ». Ce qui aurait été certainement bienvenu pour analyser au mieux les réponses fournies, et savoir si l’idée d’un championnat décalé et donc compacté était, de base, approuvé. Ce que plusieurs présidents contactés par téléphone confirment.
L’exemple des féminines évoluant en Elite 1, qui n’ont pas joué pendant la dernière coupe du monde en Nouvelle Zélande, montre qu’un calendrier compacté peut avoir des conséquences néfastes sur les équipes les moins structurées et équipées en quantité. Preuve en est avec Chilly-Mazarin la semaine dernière, qui jetait l’éponge par manque d’effectif et 22 blessées coincées à l’infirmerie.
Car commencer plus tard, c’est se priver de 5, 6 ou 7 dates de repli. Or, dans un calendrier normal, ces dates de repli, peu nombreuses, sont souvent utilisées pour des raisons météorologiques., à partir du mois de… novembre. Commencer un championnat à partir du mois de novembre serait donc d’autant plus risqué à l’approche des premiers froids et des premières pluies. Les terrains sont désormais ultra-protégés par des arrêtés municipaux dès les premières pluies. Sans parler des régions plus froides où le gel et la neige s’invitent régulièrement, comme dans les massifs alpestres, pyrénéens ou dans les Régions des Hauts-de-France ou Grand Est par exemple.
Une fronde populaire ?
Nul besoin de préciser aussi que l’hiver a aussi le pouvoir de faire baisser traditionnellement les effectifs, que ce soit en semaine pour les entraînements, ou même le dimanche. Enfin, et sans être pessimiste à l’extrême, la conséquence la plus désastreuse à envisager reste de savoir comment les clubs géreraient une intersaison rallongée de deux mois. Ceux qui arrêteront leur championnat 2022-23 mi-mars ou début avril, ne reprendraient potentiellement qu’en novembre, soit 7 mois de coupure !
Thierry Fourcade complète et apporte quant à lui d’autres arguments : « Commencer plus tard pour la simple raison de ne pas s’entrechoquer avec la Coupe du Monde, n’a pas de sens. Je peux vous assurer que pour avoir discuter avec bon nombre de présidents, je n’en connais aucun qui est d’accord avec cette perspective. On veut nous enlever deux mois de compétition, avec moins de matchs, moins de dates de repos, mais en payant le même prix des licences. Non vraiment, ce n’est pas possible ! »
Les problèmes d’effectif sont déjà légion, les forfaits au niveau régional aussi. La compression des niveaux étant pointée du doigt cette année, en plus de l’impact post-covid. On peut raisonnablement penser que la Coupe du Monde générera une hausse de licenciés comme en 2007 (surtout chez les jeunes, et surtout si le XV de France devenait champion du monde). Mais qu’en sera-t-il auprès des cadets et des juniors, (catégories les plus touchées par la baisse d’effectif ces dernières années) et chez les séniors (car les ententes, fusions et autres rassemblements en tous genres ont fortement progressé depuis 2020) ?
Les clubs, consultés depuis ce lundi, vont s’exprimer directement sur ce projet, jusqu’au 10 mars prochain. Mais déjà, après celle du mois du mois de juin 2022 concernant les phases finales de fédérale 3 (voir article), qui avait contraint la FFR à un rétropédalage, une nouvelle fronde populaire semble s’élever pour une reprise des championnats « normale ». En cette période de grève généralisée à cause des retraites rallongées, les mouvements contestataires touchent manifestement aussi, le rugby français. A suivre…