En rugby, le mois d’avril marque généralement le début des phases finales. Le Top 8 féminin ne fait pas exception à la règle. La région toulousaine était d’ailleurs ce weekend le théâtre des deux demi-finales aller de cette compétition. Si, pour sa part, le Blagnac Saint Orens RF recevait le Montpellier Hérault Rugby et sa kyrielle d’internationales à Ernest-Argelès, les filles du Stade Toulousain, qualifiées lors de la dernière journée grâce justement à leur victoire chez les voisines blagnacaises (17-13), se voyaient opposées au Lille Métropole RC Villeneuvois, champion de France en titre et premier de la saison régulière (12 victoires en 14 matchs). Pour leur deuxième participation consécutive au dernier carré, les rouge et noire entendaient bien bousculer la hiérarchie et jouer crânement leur chance. Il y avait cependant fort à penser que l’ogre lillois ne l’entendrait pas de cette oreille… (par Marco Matabiau – photos Pamisire)
Les Toulousaines démarraient sans complexe cette rencontre face aux championnes de France en titre et ouvraient le score sur une pénalité d’Escande consécutive à un hors-jeu lillois (3 – 0, 7è). Elles se montraient conquérantes tant par leur agressivité dans les rucks que par leur détermination au plaquage, avançant sans cesse et mettant les Lilloises sur le reculoir. En conquête directe, la mêlée rouge et noire faisait mieux que rivaliser avec son adversaire, bien emmenée par le trio Rière-Laborie-Traoré. Autour des mêlées justement, le Stade réalisait de bons lancements de jeu dans le sillage de la troisième ligne Bilon mais optait aussi pour le jeu d’occupation, notamment par Sansus. Après avoir laissé passer l’orage, les visiteuses pointaient enfin le bout de leur nez et desserraient quelque peu l’étau. Pertus retrouvait à son intérieur le talonneur Soloch. Cette dernière perçait sur une trentaine de mètres mais se faisait reprendre à cinq mètres de la ligne. L’action rebondissait sur la troisième ligne Ménager, mais elle aussi se faisait stopper tout près de l’en-but. Même si un en-avant mettait fin à l’action, ce n’était que partie remise. Dans la foulée, sur une attaque classique, Esteve décalait Izar pour le premier essai de la rencontre. En bonne «septiste», du bord de touche, la même Izar transformait en drop (7 – 3, 33è). Toulouse ne s’en laissait pas compter et repartait à l’attaque, multipliant les passes et dynamisant dès que possible. A la 35è, après de multiples temps de jeu, l’essai semblait imparable mais le talonneur Laborie oubliait deux coéquipières pourtant idéalement placées à deux pas de la ligne. Les rouge et noire revenaient néanmoins au score sur une nouvelle pénalité d’Escande (7-6, 39ème). C’était le score à la pause.
Une fin de match renversante
A la reprise, Pegot remplaçait Escande à l’arrière. C’est d’ailleurs elle qui donnait l’avantage au Stade, bien décalée par Rière côté droit après une action d’école (11-7, 45ème). Les Lilloises n’étaient pas en reste et continuaient de donner du rythme à la rencontre, balayant le terrain sur de longues actions. Toulouse faisait bonne garde, mais sur un ballon récupéré dans un «contre-ruck», les visiteuses décalaient l’ailier Marine Ménager qui déposait tout son petit monde pour aller scorer au poteau de coin. Lille reprenait l’avantage (12-11, 52è) et semblait désormais dominer les débats, gagnant en agressivité sur les divers points de rencontres. Malgré un carton jaune reçue par la capitaine Di Muzio (55è), les nordistes maintenaient la pression et augmentaient même leur avance sur un nouvel essai d’Izar (transformé par Esteve), bien décalée par une belle passe sautée de Pertus (19-11, 68ème). On se disait alors que c’en était fini des espoirs toulousains, d’autant plus que les filles du duo Marty – Granja accumulaient ballons échappés, passes imprécises et que la conquête lilloise se faisait plus précise, notamment autour de Romane Ménager, impériale en premier sauteur.
Et pourtant. A la suite d’une nouvelle démonstration de force de sa mêlée, le Stade Toulousain recollait tout d’abord au score sur une pénalité d’Imart (19-14, 75è) puis revenait à hauteur sur une pénal touche, la troisième ligne Hermet concluant en force une belle combinaison (19-19, 80ème). Ni la transformation ni la dernière pénalité d’Imart ne passeront entre les perches. Les deux équipes se quittaient donc sur un score de parité plutôt équitable, chacun des deux camps ayant connu sa période de domination. Après un début tonitruant au cours duquel elles ont étouffé leurs adversaires, les Toulousaines ont quelque peu baissé de pied. Les Nordistes ont ensuite repris la main, développant leur jeu autour d’une Alexandra Pertus dynamisant sans cesse. Elles pensaient certainement repartir avec la victoire, mais c’était sans compter sur l’abnégation du Stade, emmené notamment par une troisième ligne Bilon – Hermet – Peyronnet dans tous les bons coups. La place en finale se jouera donc à Villeneuve d’Ascq sur un match la semaine prochaine. Si les Lilloises partiront légitimement avec un léger avantage (ne serait-ce que celui de jouer à domicile), la fin de rencontre nous a montré qu’il ne fallait en aucun cas sous-estimer les jeunes stadistes.
LES REACTIONS
Anthony Granja (Entraîneur, Toulouse): «Ça fait deux ans qu’on est en Top 8 et qu’on n’a jamais battu Lille. Cette année, à la maison, on ne passe pas loin. Là, on fait match nul et encore on a la gagne à la fin. L’équipe est jeune puisque la moyenne d’âge doit être de 22 ans, et elle progresse. Maintenant, on va partir sur une vraie demi-finale, on part à 0-0 sur un match à l’extérieur contre les premiers de la saison (…) Beaucoup de motifs de satisfaction, notamment l’agressivité tant offensive que défensive. On a répondu présents dans le combat face à une équipe qui nous est supérieure physiquement. Même s’il y a des imperfections dans la finition, on a quand même produit du volume. On s’était promis de la faire, on l’a fait. Certes il manque la finition. On appellera ça des péchés de jeunesse.
Guillaume Bacharach (Entraîneur, Lille): «Globalement, on a manqué de maîtrise quasiment toute la partie. On n’est jamais vraiment rentrés dans la partie. Après, on a réussi sur quelques actions à trouver des solutions et à marquer des essais pour prendre un peu d’avance. Puis on a fait des fautes plutôt grossières qui ont été bien exploitées par les Toulousaines et qui leur ont permis de revenir dans le match et d’accrocher ce match nul (…) Le point positif, c’est que l’on ne s’est pas désunis. On a eu de bonnes séquences défensives sur notre ligne où on n’a pas du tout lâché. Néanmoins, la discipline est à revoir. On a dû prendre une vingtaine de pénalités. C’est inacceptable pour espérer prétendre arriver en finale et, qui plus est, conserver notre titre.»
Laura Escande (Arrière, Toulouse): «Un match très engagé avec beaucoup d’intensité. On a su être présentes et on a réussi à déployer notre jeu. De petites fautes de mains nous empêchent encore de concrétiser à chacun de nos temps forts. On a été présentes dans le combat, agressives. On montre qu’on ne fait pas partie des quatre premières par hasard. Un autre point positif est que nous sommes restées disciplinées. On gagne peu à peu en maturité. Ça fait plaisir (…) Maintenant on va monter à Lille sans complexe. On n’a rien à perdre, tout à gagner. On va jouer comme on le fait depuis deux ou trois matchs, en se faisant plaisir, puis on fera les comptes à la fin des 80 minutes à Lille.»
Alexandra Pertus (Demi d’ouverture, Lille): «On repart avec quelques regrets parce que l’on a déjoué vers la fin du match. Après cela ne nous fait pas de mal. On va devoir bien travailler cette semaine, on va revenir encore plus fortes. J’espère que les Toulousaines verront le vrai Villeneuve (…) Pour le retour, on va garder le meilleur ingrédient du rugby, l’agressivité, et on va en mettre une plus forte dose. »
LA FEUILLE DE MATCH
A Toulouse (Stade Ernest-Wallon): Stade Toulousain et Lille Métropole RC Villeneuvois font match nul 19 à 19 (mi-temps: 7 – 6 pour Lille Métropole).
Arbitrage: M. Hervé Lasausa Lespy Labaylette assisté d’Éric Lajus Cossou et Christian Sergent (Comité Béarn).
Pour Toulouse: deux essais Pegot (45è), Hermet (80è), 3 pénalités Escande (7è, 39è), Imart (75è)
Pour Lille: 3 essais Izar (33è, 68è), Ménager M. (52è), deux transformations Izar, Esteve
Carton jaune: à Lille Métropole, De Muzio L. (55è).
Composition Toulouse: Escande ; Dubertrand, Coutouly, Fregier, Bertrand ; Imart (o), Sansus (m) ; Bilon, Hermet, Peyronnet (cap) ; Loubet, Bobo ; Rière, Laborie, Traoré.
Sur le banc: Divoux, Menetrier, Deschamps, Lecat, Alaux, Galibert, Pegot.
Entraîneurs: Anthony Granja et Pierre Marty.
Composition Lille: Esteve ; Ménager M., Vernier, Di Muzio L. (cap), Izar ; Pertus(o), Rivoalen (m) ; Ménager R., Di Muzio G., Griere ; Tchouta, Tissiez ; Chevalier, Soloch, Ezanno.
Sur le banc: Cuvillon, Dupont, Heitor, De Grave, Moncozet, Vandesteene, Lalli.
Entraîneurs: Guillaume Bacharach et Damien Couvreur.