Il n’a pas vraiment l’habitude de s’épancher, ni pratiquer la langue de bois, bien au contraire. C’est pourquoi un entretien avec Thierry Fossat est toujours intéressant. Cela le devient d’autant plus quelques heures après son annonce de quitter Castanet, club qu’il a entraîné pendant onze ans ! Le désormais ex-entraîneur ne sait pas de quoi son avenir sera fait, mais une chose est certaine : on le reverra sur un banc pour exercer sa passion…
Thierry, vous ne serez donc plus l’entraîneur de Castanet. Quel sentiment domine depuis votre annonce aux joueurs mardi soir ?
C’est très compliqué à vivre, à vrai dire, et c’est bien normal. Quand je suis arrivé, il y avait déjà des personnes en place qui sont encore là aujourd’hui. On ne peut pas rester indifférent à une aussi longue période de vie sportive, qui croise la vie personnelle. On tisse des liens forts avec le temps.
Pourquoi partir ?
Pour amener plus de fraîcheur. Notre présence avec Jean-Luc, représente un frein désormais pour l’évolution du club. Je pense qu’en partant, les dirigeants se tourneront plus vers les jeunes, car la richesse est là, il faut leur donner plus d’importance. Sans se désintéresser des séniors bien sûr, qui ont largement le potentiel pour se maintenir en fédérale 1.
Cette annonce est un peu tardive non ?
Sans doute, mais j’y pensais depuis un petit moment déjà. L’arrivée de Jean-Louis Dessacs m’a apporté de la fraîcheur, et n’a fait que repoussé cette décision. Mais cette année, on a senti un coup de moins bien.
Comment ça ?
En onze ans, j’ai eu le temps de voir l’évolution de la fédérale 1, et c’est une escalade permanente. Quand je suis arrivé, j’étais plus sur un mode étudiant, des jeunes avec de belles qualités, que l’on formait. Avec le temps, les choses ont changé. A l’époque, on battait Bourg-en-Bresse, Montauban, ou d’autres grosses écuries. Maintenant, contre les « gros », on n’existe pas, on l’a bien vu cette année. Résultat, on bataille encore plus dur pour se qualifier, comme on l’a fait à Bagnères lors de la dernière journée, et au moment des phases finales, on arrive complètement rincés !
Mais c’est le cas d’un bon nombre de clubs en fédérale 1 ?
Oui, mais je suis lassé de ça justement. On continue à manger sur les aires d’autoroute, on bricole autour de deux entraînements par semaine, j’ai connu ça il y a trente ans. Castanet, c’est le 38ème budget de France sur 40. C’est magnifique d’en être là aujourd’hui avec si peu de moyens, et d’être resté à ce niveau de performances. J’ai juste envie d’un projet sportif différent, qui me corresponde plus.
C’est-à-dire ?
Ça fait 18 ans que j’entraîne, que je m’occupe d’une équipe de fédérale 1, je vais avoir 50 ans, je pense connaître mon sujet. Donc je veux continuer à entraîner, mais j’ai envie de le faire à 100%, avec une totale réciprocité. Donc quitte à continuer et à choisir un autre projet, ce sera celui d’une fédérale 1 ambitieuse, ou d’une pro D2.
Il n’y a donc aucune usure de votre part pour entraîner ?
Au contraire, entraîner, c’est ma vie ! Je suis plus que jamais motivé. Mais je le répète, j’ai envie d’un cadre plus adapté à mes exigences. Un espoir qui fait quatre matchs en une va exiger un fixe plus élevé, s’il est enrhumé, il ne vient pas à l’entraînement, une petite entorse, c’est six mois d’arrêt. Et dans un certain fonctionnement, on ne peut rien dire. Donc oui, j’ai très envie d’entraîner, mais pas n’importe où, n’importe comment, et avec n’importe qui.
Ces exigences sont applicables uniquement pour des clubs de fédérale 1 qui jouent les premières places, voire des équipes de Pro D2…
C’est vrai.
Le tour est donc rapide si l’on s’en tient à la région : Colomiers, Albi, et Blagnac peut être aussi?
Oui, c’est vrai. Certains clubs vont chercher des hommes, d’autres des compétences, je pars du principe que prendre un homme qui a des compétences, ça fait gagner du temps. Et prendre un homme qui soit attaché à un club, sans craindre de le voir partir à la moindre offre supérieure, c’est mieux aussi. A Castanet, on a eu de bons résultats, grâce à la compétence et la complémentarité des personnes en place. En se qualifiant 11 ans de suite, je n’ai jamais était approché. Et aller frapper à la porte, je ne sais pas faire.
C’est ce que vous faîtes maintenant, de manière indirecte…
Non, c’est une discussion, qui me permet de m’exprimer sur certains sujets, ce que je n’ai pas l’habitude de faire non plus.
Si un président de club veut enrôler Thierry Fossat, que doit-il faire alors ?
D’abord, je n’ai jamais vécu du rugby, et je n’en vivrai jamais à 100%. J’ai des obligations par ailleurs. Je préfère qu’on me paye moins, mais qu’on me donne les moyens d’entraîner comme je le souhaite. Je sais que l’on peut entraîner autrement. J’ai des idées, je veux pouvoir les exprimer librement. Je préfère travailler sur les enchaînements plus que sur les lancements en touche ou la mêlée, qui restent importants bien sûr, mais je préfère passer deux heures à bosser sur ce qui suit un touche, travailler le mouvement général, etc…
Que retiendrez-vous de ces onze années passées à Castanet ?
Onze ans magnifiques ! Je vais retenir des rencontres superbes avec les Christian Déléris, Philippe Filiatre, Jean-Louis Dessacs, les bénévoles, et tant d’autres. 11 ans de bus, à me faire chambrer, à m’appeler quand je dors, à nouer des liens forts avec certains joueurs. Et j’en ai vu passer, des bons, des mauvais, certains avec qui le ton est monté haut, à se prendre par le col, mais à finir par se prendre dans les bras, la plupart des fois. Ceux qui me connaissent depuis un certain temps, pleuraient mardi, et j’avais les larmes aux yeux aussi, je l’avoue. J’ai reçu des textos qui m’ont beaucoup touché dans la soirée et les jours qui ont suivis. Je vais retenir tout ça.
C’est pour cela que vous allez rester au sein du club malgré tout, comme nous l’a annoncé Fabrice Delpech (manager du club) hier ?
Je ne me sens redevable de rien, mais je veux rendre ce que les bénévoles donnent en permanence, par gentillesse, par passion, par amitié. Donc j’ai proposé de rester dans la cellule sportive du club oui, pour donner un coup de main de temps en temps. Notamment auprès des jeunes. Ils le méritent, et quand vous voyez tant de reconnaissance dans leurs regards, vous êtes encore plus motivés que jamais.