Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse dit-on. Le barrage retour opposant Lannemezan à Beauvais ne restera pas dans les mémoires, assurément. Pourtant il s’agissait du dernier match pour deux figures de Lannemezan, Nicolas Gabarre et David Dasté, que le club tenait à saluer comme il se doit. Mais la crispation de l’enjeu a sans doute fait déjouer les deux équipes, qui se sont neutralisées pendant 80 minutes durant. Avant d’en découdre aux tirs aux buts et de permettre au pilier Simon Rixens, de devenir le héros du jour, et plus encore… (par David Campese)
En Picardie, le CAL était parvenu à s’imposer 14-17, prenant une option que chacun pensait être décisive. Mais les Beauvaisiens sont venus dans les Hautes-Pyrénées avec l’intention de jouer leur chance jusqu’au bout, et ils l’ont fait. Ils peuvent avoir des regrets, car ils ont laissé en route au moins six points qui auraient pu faire basculer la rencontre en leur faveur. Car en s’imposant 12-15, l’égalité sur les deux rencontres était parfaite. Il fallait en passer par une séance de tirs aux buts, interminable. Les 5 premiers tireurs de chaque camp, positionnés aux 22 face aux perches, ne tremblaient pas. La mort subite était décrétée. Mais là aussi, les buteurs improvisés faisaient preuve de sang froid. Jusqu’au neuvième tireur. Le centre beauvaisien Pierre Fitan, passé tout près de se voir accorder un essai sur un jeu au pied contré, va jouer encore de malchance dans sa frappe. 9 tirs au but partout, le dixième tireur local avait au bout se son pied, la balle de la gagne, et de la montée en Nationale 2, rien que ça.
Quoi de plus normal alors de voir s’avancer Simon Rixens, pilier du CAL, pour remplir cette délicate mission. Pour la petite histoire, le héros du jour, voire de l’année, avait fait savoir avant les barrages qu’il n’était pas forcément convaincu qu’une montée serait une bonne idée pour son club. Mais au moment de s’avancer vers les 22, le solide pilier de 115kg (pour 1.76m), âgé de 29 ans, y a-t-il pensé une micro seconde ? Pour en avoir le coeur net et connaître son sentiment au lendemain de son exploit, nous l’avons posé la question directement…
Simon, peux-tu tout d’abord, nous raconter ce fameux 10ème tir au but ?
Simon Rixens : Je devais passer en 12 ou 13ème position. Quand on a vu que la séance durait, j’ai annoncé au groupe que je prendrais le tir de la gagne. Et quand le centre d’en face a loupé le sien, j’y suis allé. Je me suis avancé, sans pression, j’ai posé le ballon, deux pas en arrière, un pas à gauche, j’ai frappé. Ce n’est pas plus compliqué que ça en fait (rires).
Donner la victoire, plus une montée, sur un tir au but, ça n’arrive pas souvent, encore moins pour un pilier. Qu’as-tu ressenti quand le ballon est passé entre les poteaux ?
De la joie, surtout en voyant celle de notre équipe, et des supporters. Et un brin de fierté aussi, car c’est un moment unique, un beau moment à vivre.
Il se murmure que tu n’étais pas très chaud pour que Lannemezan monte en Nationale 2 ?
Oui, oui, et je ne suis toujours pas convaincu que ce soit une bonne chose.
Pourquoi ?
J’aime le rugby amateur, ses valeurs, j’aime que des gens du cru défendent un maillot et une ville, et pas pour l’argent. Je suis né à Lannemezan, j’y joue depuis l’âge de 5 ans, et j’en suis fier. Quand je vois Beauvais, désolé, mais ça ne fait pas rêver. Ils ont une quinzaine de contrats pro, il n’y a pas d’esprit club, c’est en tout cas ce que l’on ressent. Chez eux, lors de la mise en place à 10h, il n’y avait personne dans le stade. Chez nous, c’était déjà plein de vie, les dirigeants, les bénévoles et même les supporters étaient là. Pour un club comme nous, monter signifie recruter. Et recruter aujourd’hui, c’est dépenser de l’argent pour des gars qui viennent de loin, et qui n’ont pas forcément l’esprit club, l’amour du maillot. C’est aussi mettre en difficulté nos espoirs, qui risquent de ne pas suivre. Si on me prouve que c’est une bonne chose de monter, que dans 5 ans, il y aura une majorité de mecs du cru, je serai convaincu, mais j’en doute. On va en parler avec les dirigeants prochainement.
Avec cette vision de la montée, tu aurais pu te dire qu’il valait mieux rater ton tir au but non ?
J’avoue que ça m’a traversé l’esprit une seconde oui ! Entre nous, si j’avais voulu rater mon tir, j’aurais pu (rires). Mais bon, il y avait beaucoup trop de monde, et puis je ne pouvais pas faire ça à David (Dasté) et Nicolas (Dabarre) nos deux retraités qui disputaient leur dernier match après avoir joué 20 ans pour le CAL. J’étais aussi très content pour eux, qu’ils aient une belle sorite, bien méritée.
Dernière question : est-ce qu’on te verra tenter une pénalité ou un drop en cours de match à l’avenir ?
Peu de gens le savent, mais j’ai déjà tenté un drop, lors d’une finale Armagnac-Bigorre, en cadets. Un échec total (rires). Je vais donc rester sur ce que je sais faire, il vaut mieux pour l’équipe… et pour moi.