Dernier représentant de notre région en championnat de France Honneur, Saint-Girons vit une saison pleine et une aventure humaine rare. Avant de devenir le champion 2014, la capitale du Couserans est en effet passé par des grands moments de doute. Explications avec le président, Didier Lemasson et Lionel Heymans, le coach.
« Le club a bien failli mourir il y a trois ans, il n’y avait pas grand monde pour le reprendre, et pas beaucoup de joueurs pour en porter les couleurs », voilà comment Didier Lemasson, évoque ses débuts à la présidence de Saint-Girons. « La politique menée précédemment portait sur des joueurs grassement payés, venant surtout de l’extérieur. Jusqu’à ce que les caisses soient vides ». Alors il a fallu rebâtir, avec des amoureux du Sporting. La situation géographique, couplée à celle, économique, guère porteuse, poussent le président à adopter un discours radical. Il cherche à redonner une place au club dans la ville, avec un discours local, de proximité « Il faut aller chercher des recettes dans un contexte difficile. Un commerçant payait naturellement pour aider le club il y a 25 ans, aujourd’hui ce n’est plus le cas ». Très attaché aux valeurs de base du rugby, celles dont on parle si souvent, il va les mettre en pratique en s’entourant de personnes en qui il croit. A commencer par le coach de l’équipe fanion. Il fait appel à un ancien de la maison. Lionel Heymans, alors entraîneur d’Auterive, connaissait la situation catastrophique du club pour lequel il avait joué pendant 12 ans. Il voit dans cette reconstruction difficile l’occasion de bâtir un projet unique : « J’ai des idées bien arrêtées sur la façon de pratiquer le rugby. J’aime le jeu de mouvement, de déplacement, et ce n’est pas si simple à mettre en place. Il faut une grande confiance réciproque avec les dirigeants et les joueurs. » Le désormais nouveau coach de Saint-Girons se souvient du premier match, à Andorre, qui venait de refuser la montée en fédérale 3. Tout le monde prédisait une belle rouste pour les jeunes ariégeois. Mais ces derniers s’accrochent et créent l’exploit en s’imposant à l’extérieur, chez le favori « Je considère toujours cette victoire comme un acte fondateur » précise Lionel Heymans.
La première pierre à l’édifice vient d’être posée. Le groupe est jeune mais il progresse. Le coach se plait a rappeler que « ces jeunes sont allés chez les catalans à 18 ou 19 ans, en fédérale 2 ou 3, ça vous apprend la vie, et le rugby. » Les joueurs gagnent en maturité, la politique du club prend forme, sur et en dehors du terrain. Il faut penser à se renforcer, sans en avoir les moyens. Didier Lemasson insiste bien sur ce point « On vient jouer à Saint-Girons, pas pour le niveau, non, mais pour jouer et être fier de porter les couleurs de notre maillot. Le rugby a un rôle social, qui renvoi au respect, aux efforts, à la persévérance, c’est un message important qu’il faut rabâcher ». Alors comment faire pour recruter et maintenir le niveau, voire progresser ? « On recrute sur l’état d’esprit, c’est vrai » affirme Lionel Heymans « on fait appel aux connaissances, aux copains, qui véhiculent à leur tour, les valeurs premières du club ». Comme pour effacer la politique des années passées, parler d’argent semble presque déplacé. « Il n’y en a pas »sourit le président « donc on ne peut pas en proposer ». Avec le risque d’affecter le niveau de jeu, les performances. Pensez-donc ! « On aurait pu croire que le manque de moyens nuirait à nos résultats, peut être, mais pas à notre envie de jouer, à la maison comme à l’extérieur ». La saison avance, Saint-Girons assume son statut grandissant d’équipe difficile à battre. Rien n’est simple en Honneur, mais l’équipe se qualifie pour les play off. Le TUC crée la surprise, et Rieumes s’impose aussi face aux couseranais. Dos au mur, ils réagissent et se qualifient pour les 1/2 finales. Saint-Affrique se dresse sur la route de la finale, et d’une montée en fédérale 3. Le match est tendu, accroché, mais les hommes de Lionel Heymans s’accrochent à un petit point d’avance, qu’ils préservent jusqu’à la fin. C’est la joie dans le vestiaire. Devant plus de 3 000 personnes, Saint-Girons retrouve Rieumes, en finale. Point de favori, juste deux belles équipes qui vont au bout de leurs idées, et de leurs réserves. Les vert et noir gagnent la belle et emportent le planchot chez eux. Le club, passé tout proche du désastre, vient d’écrire une des plus belles pages de son histoire. « Ce n’était pas un objectif avoué, mais le titre était plus important pour nous que la montée, pour laisser une trace, pour marquer le coup de cette génération qui vit ensemble depuis trois ans, une aventure exceptionnelle » avoue avec émotion le coach. Espérait-il pareil dénouement, il répond ceci « ce n’est pas un manque d’humilité de ma part, mais oui, je pensais qu’on en avait les moyens. Mais il était difficile d’y croire avec toutes ces équipes en honneur, de si bon niveau ».
Et quand il s’agit de se projeter en fédérale 3, il n’hésite pas à affirmer »on n’est pas malheureux en honneur chez nous, les équipes sont structurées, avec de très bons effectifs, on peut pratiquer un beau rugby. Les gens autour des mains courantes et dans les tribunes le disent chaque dimanche. En fédérale 3, le jeu est différent, se referme un peu, c’est plus restreint. On verra bien. Ce qui est important, c’est cette aventure humaine, forte, les mecs ont envie de se retrouver, et ça, ça n’a pas de prix. A mon niveau, par mon implication, je rends un peu à ce club tout ce qu’il m’a donné par le passé »
Saint-Girons va garder le cap, et essayer de s’installer durablement en fédérale 3. Lionel Heymans est bien conscient qu’il sera important d’atteindre cet objectif « Il s’agira de viser le maintien pour commencer, sagement, pour stabiliser le club à ce niveau, et permettre aux cadets et juniors de pouvoir jouer à ce niveau prochainement. Nous avons une belle génération qui monte, il faut tout faire pour qu’ils puissent s’exprimer au meilleur niveau possible ». Faire la place aux jeunes, encore. Comme un recommencement. Les « anciens » jeunes se sont affirmés un peu plus cette année, les quelques cadres vont pouvoir tourner la page sereinement. Le mot de la fin revient au président Lemasson, qui ne cache pas sa fierté, pour la qualité des résultats, mais aussi pour celle des hommes en place « Il y a eu un très bon travail de fait, avec des hommes de valeurs, qui, à leur tour, transmettent, donnent, et bonifient les jeunes d’ici. Ce ne sont pas uniquement des bons joueurs, ce sont aussi des bons mecs. Le rugby a un rôle fédérateur, les gens redécouvrent cette fierté d’appartenir à la ville, au club. Reconstruction, progression et organisation, voilà les maîtres mots. Il faut continuer ainsi ».
Une chose est certaine, Saint-Girons ne changera pas sa philosophie de jeu. Le week-end dernier, l’équipe a gagné contre Albertville. Ce dimanche, ce sera très dur contre l’Avenir Bleu et Blanc, ogre de l’Aude avec Gruissan, en 8ème de finale du championnat de France. Mais on parie que les joueurs vont tout donner.