Quand on a l’âge de 18 ans, on pense surtout à s’amuser, à profiter de l’éclat lumineux de sa jeunesse, à l’amour, au match de rugby qui se jouera le dimanche suivant, aux études, à l’avenir et aux rêves qui vont avec… Mais sûrement pas à une maladie et encore moins un cancer. Et c’est pourtant bien ce qui est advenu à Paul Bergonnier, engagé dans des études pour devenir infirmier avec un bac en poche et jeune joueur de rugby à Millau à l’époque (2014), tutoyant alors la Fédérale 2 avec son club. Jusqu’au jour où, sur une radio de contrôle… (par Wildon)
« On m’a dit que j’avais un ostéosarcome ». Autrement dit un cancer de l’os, qualifié de « hautement agressif » et qui survient principalement chez les jeunes entre 10 et 20 ans. Paul Bergonnier a 18 ans, tout juste. Tout rond. A peine. Pour le junior de Millau, c’est un monde qui s’arrête : « C’est à la suite d’un coup au genou, resté douloureux, que tout a débuté. On a fait des radios du genou et les médecins ont décelé une tumeur maligne sur l’os du péroné. On ne m’a rien caché. » Passé le choc de l’annonce, vient le temps de l’acceptation : « Pendant un moment, je me suis demandé pourquoi moi alors que je suis jeune et sportif, avec une vie saine. Et puis, peu après, je me suis vite mis en mode combattant, dans le parcours de la maladie, déterminé à m’en sortir. »
Rapidement, le protocole médical prévoit un traitement intense pour éradiquer la tumeur, étant donné le jeune âge de Paul et sa capacité à récupérer rapidement d’un tel traitement. Commencée en 2015, la chimiothérapie dure une année suivie d’une opération chirurgicale en janvier 2016. « On m’a enlevé une partie de l’os du péroné et sectionné en partie du nerf releveur. Je ne pouvais plus marcher ! » déclare Paul, dont la situation se détériore avec l’apparition d’infections en février de la même année : « C’était franchement dur. Les kinés qui s’occupaient de moi étaient sceptiques sur mes capacités à remarcher, tout court ! » Tout ceci au milieu d’allers et retours entre Millau, Saint-Laurent où résident ses parents, et le centre oncopole de Toulouse.
Mais si Paul ne joue plus au rugby, le monde de l’ovalie ne l’oublie pas. Il reçoit tour à tour le soutien du club de Millau, déployant une banderole en son honneur pendant un match. Il reçoit aussi le soutien de tous ses ami(e)s bien sûr, mais aussi de joueurs pros tels Jonathan Danty, Djibril Camara, alors coéquipiers au Stade Français, de son cousin Jérémy Lacan, ou encore d’Alexis Palisson.
Et puis, il y a les doutes, les coups de « moins bien », le moral qui flanche, du cœur aux chaussettes : « Durant tout mon parcours de maladie, je me disais que je devais faire avec, ma jambe était quand même partiellement handicapée et je me demandais si, quand ma jambe était bloquée, j’allais pouvoir rejouer et vivre normalement. Alors, je me servais comme motivation de ce qu’avaient dit les kinés. Et plus encore les jours où cela allait un peu mieux. » Chaque jour est une bataille contre la maladie, contre l’opération subie, contre le doute et contre la douleur, sans oublier la présence de sa mère, Geneviève, tout au long des semaines passées à l’Oncopole de Toulouse, mettant entre parenthèse ses vies personnelle et professionnelle pour son fils, et de sa soeur Clémence. Et cela dure trois ans au total, trois longues années sans rejouer au rugby : « J’étais junior et j’avais fait le début de la prépa physique avec l’équipe de Millau en Fédérale 2. C’est là qu’on a découvert mon cancer. Du coup, je n’ai pas disputé un seul match de championnat avec le club. »
Progressivement, Paul va soutenir ses amis et coéquipiers en tribune, à Millau comme à Sévérac-le-Château, accompagné de son père, Patrick Bergonnier, lequel a joué en juniors à l’époque du grand Béziers : « C’est Armand Vaquerin, né à Séverac, qui l’a fait venir à Béziers », précise Paul dans un grand sourire.
« Je devais me poser des questions pour la suite. Il n’y a pas que le rugby dans la vie… »
Et puis, au printemps 2020, c’est enfin le retour sur un terrain de rugby. L’émotion est intense : « J’ai été fier et heureux de rechausser les crampons en 2020 avec ce profond sentiment de combat enfin abouti ! » Entre temps, Paul a rejoint l’équipe de Séverac : « Même si je pouvais revenir à Millau, c’était trop compliqué de revenir en Fédérale 2 du fait de l’intensité de jeu et des contacts. J’avais envie de jouer mais je devais me poser des questions pour la suite. Il n’y a pas que le rugby dans la vie. »
Et quand on lui demande ce que le rugby lui a apporté dans son combat face à la maladie, Paul Bergonnier répond : « Le rugby est une grande famille et j’ai reçu le soutien de tout le monde. Mais il y a eu aussi les sentiments du combat et de l’entraide, propres au rugby, que j’ai répercuté tout au long de mon parcours de maladie. Mais ce parcours est parfois plus compliqué pour ceux et celles qui nous entourent, comme mes parents. Alors j’ai toujours essayé de sourire et de rester positif. Ces sentiments sont aussi une façon de remercier tout le monde. »
Aujourd’hui, Paul affiche ses 25 ans de manière sereine. Installé dans sa nouvelle maison avec sa compagne, il est aussi éducateur à l’Institut Médico-Educatif de Séverac et qui accueille des jeunes enfants adolescents (de 13 et 17 ans) en situation de handicap (autisme). « Je comprends mieux ces enfants sur leur handicap mais aussi le regard des gens envers ces enfants, d’autant que ma jambe est plus fine du fait de l’os du péroné. Ca se voit même encore à ce jour. Je leur dis que tout le monde a des difficultés dans la vie, handicapantes ou non, et qu’ils ne doivent pas avoir peur du regard des autres. Au contraire, qu’ils en fassent une force. » Aujourd’hui, Paul est en rémission avec des contrôles tous les ans au niveau des poumons et de la marche : « Tout va bien au moment où se parle. Pour tout diren le monde médical est assez surpris de me voir guéri et d’avoir récupéré aussi rapidement ».
Et quand arrive l’heure de la fin de ce bel échange, Mister Paul parle encore de rugby, et s’autorise à penser à des projets sportifs : « Entraîner, ce n’est pas à l’ordre du jour. Le fait d’être joueur ne me laisse pas beaucoup de temps, tout en tenant compte de mon travail et de ma vie personnelle. Mais plus tard, oui, je souhaite intégrer l’école de rugby et devenir coach de jeunes, pour leur transmettre ce que le rugby m’a apporté. Je dois bien ça à ce sport. » Oui, le bonheur est vraiment dans le pré…