Vous n’êtes pas sans ignorer qu’à la fin du 19ème siècle, les vaccins contre le Choléra, la peste et la rage étaient accueillis avec enthousiasme, ceux contre le tétanos, la tuberculose, la fièvre jaune, début du 20ème, comme des sauveurs d’une humanité pétrifiée à l’idée de contracter l’un de ces fléaux mortels. Le 21ème siècle a désormais son virus, sa pandémie, et donc son moment de gloire pour les laboratoires du monde entier. Mais, car il y a un mais bien sûr, Pfizer, Moderna, ou Astra zénéca, ne donneront pas leurs noms à des hôpitaux, comme Louis Pasteur en a eu l’honneur. Ce siècle, le nôtre donc, est né avec des attentats de masse, des nouvelles maladies, le réchauffement climatique, des catastrophes en tous genres, le stress, le burn-out, le séparatisme, la radicalisation, le complotisme, les violences conjugales, le mal de dos, la télé-réalité, Owen Farrell, la malbouffe, et les réseaux sociaux. Ces derniers se nourrissent au quotidien de cette ambiance délétère pour propager des informations, pas toujours importantes, pas vraiment utiles, vraies ou fausses, vérifiées ou pas, mais qui circulent toujours plus vite qu’un nouveau variant. Facebook, Instagram, Twitter prônent l’ouverture et l’accès à tout, alors que leurs effets secondaires ne sont qu’individualisme et fermeture d’esprit. L’esprit rugby n’y échappe malheureusement pas, les commentaires et réactions sur le (ou la) Covid suffisent à embraser la toile…
L’épreuve d’immunité
L’argumentation posée et les échanges respectueux laissent vite place à l’emballement et aux mots doux. A se demander si la solidarité, la tolérance, ou l’entraide ont encore de la valeur. Des valeurs essentielles que le rugby balade fièrement en bandoulière depuis toujours, au bout duquel pendouille un sac rempli de belles promesses sur l’école de la vie. Cette pédagogie ovale complémentaire à l’éducation parentale, est inoculée dès notre plus jeune âge sur un terrain, comme ces vaccins que l’on reçoit avant d’entrer dans le monde scolaire et réel. Nos actes de notre vie d’adulte font foi de ces valeurs, comme un carnet de santé. Des années plus tard, il faut admettre que notre foi en la santé a la tremblote.
Oui, ce satané virus a déterré la hache de guerre entre les pros et les anti, les pour et les contre, les entre-deux, les placides et les énervés. Ce qui ne veut pas dire qu’il y a des gentils et des méchants, non, cela signifie juste que chacun peut avoir un avis différent, mais qu’il l’exprime aujourd’hui de manière plus radicale, au bureau, sur un chantier, dans la rue, et évidemment, sur les réseaux sociaux donc, anonymement ou pas. Ce perfide Covid-19 a réussi son pari : il s’est immiscé dans nos vies depuis bientôt deux ans, et a divisé pour mieux régner. Il varie son jeu avec efficacité depuis le début de la partie. Pour le contrer, une seule défense à ce jour, immunitaire : le vaccin.
Ce vaccin que tout le monde espérait, est arrivé plus tôt grâce aux efforts conjugués de laboratoires mondialement (re)connus. Trop tôt pour certains, invoquant le manque de recul. Pas trop tôt, pour celles et ceux qui désespèrent d’un retour à la vie d’avant. Ceci dit, les méfiants à l’égard du vaccin, ont pour eux l’argument imparable que nul ne sait ce qu’il en adviendra dans 10 ans. Les vaccinés ont pour eux l’argument médical et scientifique que tout vacciné, même contagieux, développe très majoritairement moins de forme grave. Le débat est sans fin. Et pourtant, il ne devrait pas y avoir débat. La faute sûrement à un gouvernement dont les prises de position ont oscillé entre le clair et l’obscur, le bon et le mauvais, dont la négligence, la suffisance et l’ignorance ont provoqué des effets secondaires majeurs, tels que la méfiance, la défiance, et parfois la violence.
« Le Pass pour se faire des passes »
Ce Pass est devenu sujet central, sensible, aussi inflammable qu’un arbre californien, australien ou grec. Pointé du doigt comme un pestiféré par les plus réfractaires. Une simple interview sur RugbyAmateur de Serge Simon a mis le feu aux poudres, déchaîné les réactions les plus vives et opposées. Oui, la FFR, sous tutelle de l’Etat, a emboîté le pas avant tout le monde. Avant le foot, et bien avant le Conseil Constitutionnel. Cette anticipation a fait sortir des buissons les opposants, au Pass Sanitaire, et sûrement aussi aux décisionnaires en place.
A 50€ près offert par un club voisin, l’amour du maillot et l’intérêt collectif avaient déjà tendance à boiter ces dernières années, ils sont encore plus malmenés dans le rugby après deux saisons blanches. C’est qu’il en faut des trésors, d’énergie et de passion, pour garder le moral, en même temps que les effectifs. La 4ème vague annoncée et amorcée dès la fin de la… 3ème, va perturber la saison 2021-2022, inévitablement, mais jusqu’à quel point ?
Les clubs amateurs vont peut-être manquer de temps. Du temps pour que tous les licenciés, les dirigeants, les éducateurs, et accompagnants, puissent montrer patte blanche à l’entrée du stade. Du temps pour convaincre aussi les 10, 15 ou 20% des opposants à la piquouse salvatrice. Faute de prévenance et de pédagogie, le pass sanitaire est perçu, à juste titre, comme une obligation. Et en France, on le sait, les obligations passent mal, vestiges de nos ancêtres gaulois, aux idées fixes, qui sommeillent encore en nous. Et même s’il n’est pas demandé le dernier avis d’imposition, ni les trois derniers bulletins de paie, le Pass Sanitaire a crée une nouvelle fracture sociale, une de plus, au nom des libertés fondamentales. Par voie de conséquence, il vient de fragiliser un peu plus les fondations du rugby amateur, ses entraînements et probablement les premiers résultats des championnats. Avec et/ou sans les vaccinés, avec et/ou sans les testés de moins de 72 heures. Avec et/ou mauvaise foi…
Vaccinés, délivrés !
Notre société se divise donc, alors que la solidarité serait plus que jamais de mise pour combattre l’épidémie. Mais le doute est contagieux lui aussi, et seuls les résultats peuvent l’effacer. Mais de résultats à l’instant T, il ne peut y en avoir, il faudra se montrer… patient. Quelques médias maîtrisant trop bien l’effet loupe pour entretenir les réactions allergiques, s’en délectent. Les piqûres de rappel de l’Etat ne rattrapent pas des mois d’hésitation. Et pendant ce temps-là, on demande aux dirigeants de clubs amateurs, usés, de fournir encore plus d’efforts, de porter le képi pour vérifier les Pass sanitaires, d’empêcher ou non l’accès au stade à leurs « protégés ». Fatigués et inquiets à juste titre, ces dirigeants-bénévoles voient une nouvelle contrainte de taille débarquer dans leur désarroi. A l’heure où le droit du travail et les libertés publiques sont chahutés, défendus par chaque camp avec ardeur, le rugby amateur manque d’oxygène, perd des unités, et ne voit pas très bien comment argumenter pour convaincre un jeune ou un ancien de reprendre sa licence… et d’avoir un pass sanitaire à jour.
Alors à défaut d’insouciance et d’euphorie, espérons juste de meilleurs lendemains, sans chaos, ni KO, souhaitons-nous de retrouver nos habitudes dominicales, le poulet-pates-yaourt pour les joueurs, l’entrée-plat-fromage et dessert pour les suiveurs. Le bruit des crampons, les odeurs de camphre, les regards, l’ambiance dans les tribunes, la troisième mi-temps, ce rugby d’en bas sans peur et sans reproches, offrant des passes sautées, croisées, voleyées, et… sanitaires. Des Pass pour se faire des passes, voilà le prochain slogan du Ministère de la Santé peut-être.
De toute façon, qu’il soit des villes et des champs, riche ou pauvre, du Top 14 à la 4ème série, espérons que notre si cher rugby aura cicatrisé de cette piqûre de rappel nécessaire. Car de ce ballon ovale, nous ne serons jamais vaccinés, et ici, personne ne s’en plaindra. Bon, on parle des nouvelles règles imposées par World rugby maintenant ?