Les difficultés de certains clubs amateurs à conserver leur stade ne datent pas d’hier. Pourtant, ce phénomène semble s’accélérer. En octobre déjà, nous vous faisions part des soucis du Club Olympique Pontlieue Rugby Le Mans, dont le terrain prêté par Renault devrait bientôt être vendu. Depuis cet été, cette épidémie n’est malheureusement pas limitée au Pays-de-la-Loire et s’est répandue sur tout le territoire. En effet, de nombreuses équipes risquent ou ont risqué de se retrouver sans terrain. Zoom sur deux nouveaux cas, de clubs désormais dans l’urgence…
À Saint-Léger, la mise aux normes du terrain ou la fin du club
Dans la Nièvre, l’Espérance Saint-Léger des Vignes Rugby (Fédérale 3), risque de ne plus pouvoir jouer sur son stade Fresnau, car le terrain n’est pas conforme aux règles de sécurité. Le président du club, Luc Beaunee, nous détaille les éléments pointés du doigt par la Ligue Bourgogne Franche-Comté : « La règle stipule qu’il doit y avoir 3,5 mètres entre la ligne de touche et les premiers obstacles, afin d’éviter des blessures. Or, tout autour de notre terrain, il y a une piste d’athlétisme, ainsi qu’une rigole recouverte d’un capot en plastique. Par endroits, ils sont seulement à 50 centimètres de l’aire de jeu. En plus, les modules de sauts en longueurs, et de lancer, sont également potentiellement dangereux. »
L’ESL doit donc absolument mettre son terrain aux normes, sous peine d’être interdit d’y jouer et de s’y entraîner, comme l’explique le président : « Nous avons reçu plusieurs lettres de la Ligue, pour nous inciter à prendre les mesures nécessaires. La dernière d’entre elles était particulièrement explicite et, sans avancées, nous n’aurons bientôt plus accès au terrain. La seule solution serait de mettre du gazon synthétique sur tous les obstacles dangereux, ce que nous faisons déjà par endroits. Nous avons estimé les coûts pour tout couvrir à 12 326 €. »
Mais les Nivernais n’ont pas le budget nécessaire, selon Luc Beaunee, et n’arrivent pas à trouver des fonds supplémentaires : « Un club comme le notre ne possède pas ce montant en réserve. De même pour notre commune, qui ne compte que 1800 habitants. Quant à la communauté des communes, elle considère que l’aspect sportif n’est pas dans ces compétences. Enfin, le conseil départemental nous alloue bien chaque année un budget, en fonction du niveau dans lequel on évolue, mais vous imaginez bien qu’il est déjà utilisé ailleurs. »
Pourtant, cette mise aux normes si compliquée contient un double enjeu. Sportif, bien évidemment, car sans le centre Fresnau, l’ESL n’aura plus de terrain d’entraînement ni de match, et risque de mettre la clef sous la porte. Mais aussi économique, car, selon le président, son club est un acteur important du tissu économique local : « Je pense que nous participons grandement à la vie de la commune. Dans la poule, nous avons en effet plusieurs faux-derbys, face à des équipes comme Sancerre ou Montluçon, à moins de 100 ou 150 kilomètres. Donc, leurs supporters se déplacent chez nous et consomment sur place. En plus, les infrastructures du centre, avec ses chambres et ses lieux de restauration, pourraient facilement accueillir de gros événements, comme des entrainements de petites équipes nationales ou des matchs amicaux de clubs professionnels. À condition que le terrain soit utilisable, bien sûr. »
Face au manque de moyens, l’ESL a décidé de prendre part à l’élection, qui allouera le budget participatif nivernais. Le président nous détaille cette opération : « 80 projets sont en lice et le département financera ceux choisis par la population. Après la fin du vote, chacun des 17 cantons aura une initiative élue. Tous les habitants de la Nièvre et des départements limitrophes peuvent donc voter sur le site, pour nous aider à gagner. Nous devons absolument reporter ce vote, car il en va de la survie du club. Sans ce financement et donc le terrain, nous n’aurons malheureusement pas de plan B. »
La SNCF oblige les cheminots de Biard à changer de voie
Situation un peu différente dans la Vienne, car ce sont ici les statuts du club, qui posent problème. En effet, l’Association Sportive des Cheminots de Poitiers Biard (Régionale 3) joue sur le stade Marcel Guérin de Biard, prêté par le Comité des Activités Sociales Interentreprises de la SNCF. Cependant, à cause d’un manque de cheminots licenciés, l’ASCPB n’y aura bientôt plus accès. Le président, Mickaël Simonnet détaille les raisons de cet imbroglio : « Selon les statuts du club, pour profiter de ces infrastructures, nous devons avoir autour de 30 ou 40 % d’employés de la SNCF, parmi nos licenciés. Nous sommes certes historiquement un club de cheminots, mais nous ne parvenons plus à en recruter. En effet, le rugby n’est pas très attractif dans la Vienne, et nous ne sommes en plus qu’une petite structure de 80 membres. Résultat, nous avons reçu une lettre en juin, pour nous indiquer que nous n’aurions plus le stade dès mi-août. »
Heureusement, après négociations, l’ASCPB a obtenu un sursis d’un an, le temps de trouver un autre lieu. Le président explique que ce délai était vital : « Nous ne pouvions absolument pas faire ce changement cet été, car en quittant le stade Marcel Guérin, l’ASCPB ne sera plus un club de cheminots. Autrement dit, nous devrons changer de nom, de statuts et également de matériel. Tout ça implique beaucoup de travail, que nous ne voulions pas faire dans l’urgence, en à peine un mois et demi. »
Cependant, ils n’ont pas récupéré toutes les infrastructures, comme l’explique Mickaël Simonnet : « Cette saison, nous avons seulement accès au terrain et aux vestiaires. Nous avons donc perdu le local et la buvette. Si le Grand Poitiers nous a trouvé une salle, à 150 mètres, pour stocker le matériel, nous n’avons pas de buvette de repli. Or c’est notre principale source de revenus. Donc, afin de pallier, nous devons monter des tentes les jours de match et entreposer les boissons dans une fourgonnette. C’est vraiment la débrouille. Par conséquent, nos rentrées d’argent vont largement diminuer cette saison. »
Mais alors, où se délocaliser à partir de la saison prochaine ? Heureusement pour l’ASCPB, la communauté urbaine du Grand Poitiers prend les choses en main, selon le président : « Ils ont rapidement décidé de nous aider à trouver un nouveau stade, mais ce n’est pas évident. En effet, il y a certes beaucoup de stades aux alentours, mais également de nombreux clubs et donc peu de créneaux disponibles. Lors de notre dernière réunion il y a quelques jours, ils nous ont assuré que des terrains pourraient être disponibles, mais certains demandent un rééquipement assez long et coûteux. En espérant surtout qu’ils ne soient pas trop loin, car selon nos sondages, une délocalisation à plus de 5 ou 6 kilomètres nous ferait perdre pas mal de joueurs. »
Néanmoins, il se dit confiant pour la suite : « Grâce au soutien du Grand Poitiers pour le terrain et du Stade Poitevin (Fédérale 2), partenaire de notre école de rugby, nous sommes plus sereins. On espère désormais que les choses vont se décanter rapidement, pour pouvoir repartir sur des bases saines et pérenniser le club. À plus ou moins long terme, en plus de nos équipes à XV et à V, on veut aussi développer notre école de rugby et la rendre indépendante. Un beau programme nous attend. »
Souhaitons donc bien du courage à ces deux clubs, pour relever le défi auquel ils sont confrontés, et de se retrouver en terrain définitivement connu.