Caraman – Carmaux, une opposition quelque peu symbolique de l’évolution du paysage du rugby français. D’un côté, pour les plus anciens, Carmaux, c’est le Brennus en 1951, pour les moins anciens, c’est le titre de champion de France de 2ème division en 1972, puis de 3ème division en 1995. Un triple couronnement qui fleure le rugby d’antan, d’un autre siècle aussi, teinté de nostalgie. Un club historique né en 1907, ET en souffrance depuis plusieurs années. Elodie Durand-Quintard, présidente héritière et volontaire, avec son bureau, se démène pour reconstruire l’USC depuis sa base. La qualification en phases finales de régionale 2 sonne donc déjà comme une première victoire.
En face, Caraman, club quinquagénaire, sort d’une saison historique, puisque triplement couronné : champion du terroir Haute-Garonne, champion d’Occitanie et Champion de France de 2ème série 2022, excusez du peu. Le vent en poupe donc, logique dans le Lauragais, avec une saison régulière 2023 terminée à la première place et l’ambition de rejoindre l’élite régionale. Trajectoires et dynamiques inverses donc, dans un rugby amateur qui se cherche en ville comme à la campagne, surtout un jour de barrage…(par Jonah Lomu, photos Christophe Fabriès)
Vent dans le dos, Carmaux donne le coup d’envoi. Caraman remonte le ballon à la main, par ses avants mais aussi par sa cavalerie légère. Les intentions sont là, et même si les Carmausins font bonne garde en grattant des ballons, la domination reste locale. Elle se concrétise assez logiquement par un décalage en bout de ligne qui envoie Blache à l’essai… et à l’infirmerie. Le troisième ligne centre derrière la ligne souffrant visiblement d’une douleur derrière la cuisse laissant présager une déchirure qui pourrait le pénaliser dans les prochaine semaines.
Carmaux, sous pression, subit dans le jeu courant, resserre les rangs en défense, et s’enhardit même sur des lancements de jeu ambitieux. Mais sur l’un de ces mouvements, Bastien Caux intercepte le ballon qui partait à l’aile, met les cannes, et file à l’essai, qu’il transforme lui-même. 14-0 en moins de dix minutes, malgré l’appui du vent, l’on se dit que l’après-midi va être longue pour les Tarnais.
Les deux folles minutes de Carmaux
Mais ces derniers ont du coeur, et se libèrent quelque peu. A l’image de Laffon, 3ème ligne centre picamolesque qui crée des brèches et des espaces. Un 4 contre 2 est gâché par un en-avant, mais Ludovic Itan, ouvreur au physique de seconde ligne (1.90m, 110kg) revenu à Carmaux, son club formateur, après plusieurs saisons en fédérale voit une porte s’ouvrir devant lui, s’y engouffre au niveau des 22 et marque sans opposition. Une glissade l’avait empêché de passer une pénalité, ses appuis se dérobent aussi au moment de transformer (14-5, 25ème).
Car oui, si le vent ne surprend plus personne dans le Lauragais, la forte pluie, elle, avait de quoi décontenancer les acteurs, même si mars est connu pour ses giboulées. Sur le renvoi, Caraman se met à la faute. Martinez, remuant demi de mêlée, décide de jouer la pénalité rapidement à la main. Aux cinquante mètres, il tape un long coup de pied à suivre… qu’il suit très bien, puisque le rebond trompe les deux défenseurs caramanais en repli, ce qui profite à Martinez qui marque. Deuxième essai en deux minutes, celui-ci est transformé, voici Carmaux revenu à 14-12 à la demie heure de jeu.
Le ciel s’assombrit au-dessus des têtes locales, les nombreux supporters carmausins exultent, mais après une deuxième averse martienne, vont être douchés par la réaction quasi-immédiate des Rouge et Blanc. Carmaux, depuis ses 22, balance un grand coup de pied pour rejouer dans le camp adverse, mais le ballon, après 80 mètres de course folle, est poussé par le vent en dehors des limites, et en ballon mort. Mais retour à l’envoyeur et ballon vivant pour les avants de la JSC, qui avancent et c’est le seconde ligne Dall Armellina qui plonge derrière la ligne. 19-12, score à la pause.
Un deuxième acte à sens unique
Caraman revient avec de nouvelles intentions en seconde mi-temps, et avec le vent dans le dos aussi. Carmaux résistera bien une dizaine de minutes face aux offensives au près comme au large, mais vont finir par craquer. Nerocan à la 47ème, concrétise un pilonnage en règle (26-12, 46ème). Coustel, l’habituel chauffeur du camion rouge et blanc, se mue en centre avec une accélération aux 22, et un essai entre les perches, que Caux transforme (33-12, 51ème)). L’addition se corse avec un essai d’Alard quatre minutes plus tard. Bastien Caux, inhabituel buteur titulaire, voit son ballon tomber à cause du vent pour la transformation, mais l’enquille comme en seven, d’un maître drop. 40-12, la messe est dite.
Grau-Chasseny la prolonge d’un septième essai (47-12) sur une attaque limpide en première main, avant que Dall Armellina, le Thibaut Flament local, en plus chevelu, s’offre un doublé et un beau plongeon, pour conclure ce match sur le score de 54 à 12. Les hommes de Lilian Cancian et Michel Blanc ont fait le boulot, et se rapprochent un peu plus de leur objectif de rejoindre la Régionale 1…
Un peu lourd pour Carmaux qui a explosé en seconde période certes, mais qui n’a pas démérité, loin de là. Cela dit, ce résultat résume bien la différence de niveau actuel entre les deux formations qui ne jouent pas dans la même cour. L’une, triplement couronnée l’an dernier, l’autre au siècle dernier. Et pourtant, ces deux formations se battent pour les mêmes raisons, les mêmes objectifs : vivre et faire vivre le rugby amateur, à la ville comme à la campagne. Une mission et un engagement de tous les jours, qui continue pour les deux clubs, même s’il n’en reste qu’un à poursuivre sa route en compétition officielle (précisons que la réserve de Carmaux est qualifiée pour les 8ème de finale, le 8 avril prochain).
Remerciements aux dirigeants de Caraman pour leur accueil et à M. Christophe Sicard, représentant fédéral, pour son très bel esprit rugby.
La photo du jour
Nous retiendrons la détresse de Ludovic Itan, 33 ans, formé à Carmaux, passé par le Castres Olympique, Gaillac, Saint-Sulpice et Graulhet). L’ouvreur carmausin assis sur le terrain, ne pouvait contenir ses larmes. L’amour du maillot et du rugby chevillés au corps, qui interpelaient les jeunes de l’école de rugby. La transmission de la passion se joue aussi sur ces moments-là.
Réactions
Franck Hermet (manager Carmaux) : On est dans le match jusqu’à la mi-temps, mais en seconde, Caraman a fait la différence, ils n’ont pas fini premiers de poule pour rien, ils étaient supérieurs, avec une profondeur de banc que nous n’avons pas. Mais je suis fier du groupe, qui s’est bien battu. Le rugby se reconstruit à Carmaux, et ce n’est pas simple, mais il y a des motifs de satisfaction, il faut s’accrocher pour maintenir et faire progresser les plus jeunes, encadrés par quelques anciens.
Ludovic Itan (10 de Carmaux) : Je suis déçu pour le groupe, mais sur le match, il n’y a rien à dire. Les larmes montent parce que je repense à beaucoup de choses, au fait d’être revenu dans ce club, d’essayer de le tirer vers le haut, d’apporter une certaine expérience à un groupe qui a bien bossé cette saison, donc oui, ça fait mal de terminer sur un gros score comme celui-là. Il va falloir se relever et faire en sorte que l’on progresse.
Mathieu Thomas (co-entraîneur Carmaux) : déçu pour les joueurs qui se sont investis toute la saison, et qui ne méritaient pas de prendre autant de points. On a lâché en seconde période et les points se sont accumulés vite, trop vite, c’est dommage car je pense qu’on ne le méritait pas. Maintenant, Caraman nos était supérieur, mérite sa victoire et de continuer sa route. Je suis juste dégoûté pour le groupe d’arrêter la saison fin mars, alors qu’on bosse tout l’hiver pour jouer au rugby au printemps et profiter de ces moments. C’est comme ça…
Valentin Coustel (talonneur Caraman) : On ne sait jamais où on en est pour un premier tour de phases finales. On prend le match par le bon bout, mais on déjoue en fin de première mi-temps, on se fait avoir sur deux coups, évitables, mais on a su réagir. Il faut saluer la vaillance de Carmaux, qui malgré le score, n’a rien lâché. On retiendra qu’on a du mal à mettre notre jeu en place, c’est moins fluide que l’an dernier, notamment devant car il y a eu des changements. Il faudra s’en souvenir pour le prochain tour contre Espalion. Une pensée pour Mister Trantoul, ouvert à la tête, visiblement un peu tendre encore. »
Bastien Caux (demi de mêlée Caraman) : C’est mon premier match en Une depuis un bon mois, et c’est la première fois que je suis buteur titulaire en plus. Ca ne s’est pas trop mal passé dans l’ensemble oui, tant mieux, mais il faudra faire plus et mieux pour le prochain tour. L’équipe est mobilisée pour aller le plus loin possible, ce tour était important, on va continuer à travailler pour le 8ème de finale chez nous. »
Maxime Gras (pilier-bouliste de Caraman) : On est un peu moins conquérants devant par rapport à l’an dernier, mais il y a des explications. L’une d’entre elles, c’est un pack remodelé, qui manque encore d’automatismes. On a fait une belle saison régulière, mais à cause de certains forfaits, il nous manque ces quelques matchs qui permettent de bien huiler la machine. On sait ce qu’il nous reste à faire pour la prochaine échéance, bien travailler, encore et encore. Et récupérer nos blessés, ou nos malades, dont Pierre Hébrard. »
Michel Blanc (co-entraîneur Caraman) : C’est bateau je le sais, mais on prend les matchs les uns après les autres. Je vous l’avais dit l’an dernier à la même époque. On avance pas à pas, humblement, en essayant de s’améliorer à chaque sortie. Aujourd’hui, on a identifié des points positifs et des points à travailler. Le résultat est là, l’objectif est rempli, mais dans le contenu, il y a à redire, on a joué à l’envers parfois. On va affiner tout ça au mieux pour la suite, car on a un objectif, et pour l’atteindre, il faut absolument gagner dimanche prochain.