Régionale 2 : Le vestiaire multiculturel du RCHA, la recette gagnante segréenne – En dominant le XV de Grand-lieu (45-15) le week-end dernier, le Rugby Club du Haut Anjou Segré s’est hissé pour la première fois de son histoire à la première place de son groupe de Régionale 2. Une pôle position acquise au meilleur des moments, récompensant un travail de longue haleine mené par le club du RCHA et notamment son président, Hugues Meillereux. Ce dernier est revenu pour Rugby Amateur sur la réussite de son projet qui dépasse les frontières du sport… (Par Loulou, photos club du RCHA)
Le Haut-Anjou Segréen est un bassin d’emplois dynamique confronté à des difficultés de recrutement. Mais depuis plusieurs années, de nombreux étrangers posent leurs valises sur les bords de l’Oudon afin de combler ce manque de main d’œuvre et accessoirement, pour jouer au rugby. Ils sont Argentins, Géorgiens, Sud-Africains ou encore Tunisiens, et tous s’épanouissent à Segré ainsi qu’au club du RCHA. Une insertion par l’emploi, c’est le projet mené par le président du club, Hugues Meillereux. Les entreprises locales se réjouissent de cette initiative et le club, dans le sillage de ces arrivées prolifiques, ne cesse de progresser. Retour avec le président sur cette combinaison gagnante, qui profite à tous.
« Un enjeu qui dépasse désormais le cadre du rugby »
Comment vous est venue cette idée de faire venir des joueurs étrangers ?
HM : “On est parti d’un constat, avec les dirigeants du club, c’est que l’on n’arriverait jamais à attirer de joueurs extérieurs à Segré. On avait beau poster des offres de recrutement avec des emplois à la clé, c’était systématiquement un échec. Alors j’ai décidé de tenter le coup en sollicitant des amis d’origines étrangères, qui sont dans le milieu du rugby, pour nous aider à recruter. Dans un premier temps, j’ai invité un joueur argentin qui était déjà chez nous, à contacter ses amis sur place. Et j’ai également sollicité un ami de longue date, Tedo Zibzibadze, ancien joueur international géorgien, pour qu’il fasse venir des joueurs de son pays d’origine.”
Comment s’établissent les premiers contacts ?
“Avant de les faire venir, nous faisons un entretien à distance avec l’entreprise, le club et le joueur. Le tout avec des traducteurs. On veut que tout le monde soit sur la même longueur d’onde : la priorité, c’est l’emploi ! Le joueur vient d’abord en tant que salarié avant d’être rugbyman. Les entreprises sont souvent conciliantes et acceptent une certaine souplesse sur le planning pour leur permettre de s’entraîner. Tout le monde est gagnant. À la fin de l’entretien, on demande aux joueurs de réfléchir, mais ils nous disent rapidement oui, car dans leur pays, la situation économique n’est pas toujours très favorable. Ici, ils ont des perspectives d’évolution au niveau de l’emploi.”
Comment le club aide les joueurs à s’acclimater ?
“On fait toutes les démarches avec l’entreprise pour que les joueurs obtiennent les autorisations. Il y a vraiment un souhait d’inclusion, on ne les laisse pas se débrouiller seuls, bien au contraire. On leur paie les 2 ou 3 premiers mois de loyer pour qu’ils puissent s’établir correctement. On équipe les logements avec du matériel essentiel en leur disant qu’ils peuvent nous rembourser au fur et à mesure. On a une responsabilité envers eux, il y a une personne au club qui s’occupe uniquement d’aider les nouveaux arrivants sur toutes les démarches administratives.”
Le besoin d’embauche est-il si important pour les entreprises locales ?
“Ce sont principalement des métiers en tension, que peu de gens souhaitent faire ici. BTP, agroalimentaire, abattoirs ou encore la déconstruction, des secteurs qui recrutent beaucoup. Le système fonctionne tellement bien et il y a de tels besoins au sein des entreprises que même des amis et de la famille des joueurs (non rugbymen) sont également venus avec le temps pour le travail. J’ai également été sollicité par les associations sportives du coin pour faire venir un entraîneur de basket et un de tennis, car ils ne trouvaient personne. Et d’autres clubs m’ont appelé pour savoir comment reproduire le même schéma.”
Combien de personnes ont suivi ce cheminement ?
“Rien que dans l’entreprise Elivia (viande abattage) le dernier arrivé est le 27e étranger à nous rejoindre. On doit être rendu à une quarantaine de personnes employées dans le secteur depuis le début. En tant que joueurs, nous avons sept Argentins et bientôt dix, six Géorgiens, deux Sud-Africains et un Tunisien. On ne recrute aucun joueur de l’Union européenne, car ils n’ont pas besoin d’autorisation d’embauche.”
Comment vit le club avec autant de communautés différentes ?
“Cela crée une vraie émulation. Même certains Géorgiens, qui ne sont pas joueurs de rugby, sont très investis au sein du club. Ce sont eux désormais qui organisent les repas d’après match. Ils font partie intégrante de la famille du rugby, des gens loyaux, très vivants, toujours prêts à aider et de très bons travailleurs. Le vestiaire vit superbement bien malgré la barrière de la langue et la partie communautaire qui existent. Sur le terrain, ça ne se ressent pas du tout. Les performances ont suivi, on a des bons résultats et cette saison la montée ainsi qu’un bouclier est possible.”
« Je préfère garder ce projet sans hésitation quitte à devoir rester en Régionale 2 »
Pour monter plus haut justement, le nombre de joueurs étrangers sur une feuille de match est limité, cela pourrait être un frein ?
“Effectivement, en fédérale 3, il y a des restrictions du nombre de joueurs étranger et en Régionale 1, cela dépend des comités. De toute façon, même si cette règle existe l’an prochain dans notre région, je préfère garder ce projet sans hésitation quitte à devoir rester en R2. Ces joueurs sont attachés au RCHA, ils ont fait venir leur famille et veulent vraiment rester ici. Je serai évidemment déçu par les instances de la ligue, mais je n’aurai aucun scrupule à ne pas monter pour conserver ces joueurs.”
Ce projet dépasse les frontières du sport.
“C’est un enjeu qui dépasse désormais le rugby. L’objectif avant tout, c’est de répondre aux besoins des entreprises partenaires, et de combler les nécessités d’emploi dans la région. Nous faisons venir un salarié avant de faire venir un joueur. Mais à un moment, on est obligé de limiter, car on ne peut pas s’occuper des logements et des démarches pour tous. On leur demande de s’engager pour deux ans minimums.”
Il doit y avoir des moments de partage de culture, une belle histoire d’Homme ?
“On a fait des soirées où chaque nationalité avait son stand avec sa spécialité à faire découvrir. Les Argentins ont fait un plat à base de chorizo, les Géorgiens ont fait des galettes khatchapouri. Ce mélange multiculturel fonctionne bien, c’est une belle aventure humaine. Dans une petite ville de campagne, il y avait au début un peu de méfiance de voir débarquer autant d’étrangers, mais on a rassuré les autorités locales et expliqué la démarche. Il n’y a jamais eu de problème. Il y a même une vraie émulation à travers ce projet, plein de nouveaux bénévoles ont rejoint l’aventure, le club vit bien.”