De Mantes-la-Jolie où il a grandi à Albi, où il a terminé sa carrière professionnelle, Yogane Corréa s’est construit une très longue carrière à la force de ses larges poignets. Son parcours, jonché de péripéties en tous genres, de victoires et d’échecs, d’une suspension pour dopage avant d’être finalement innocenté, l’international sénégalais nous en parle avec la sincérité et la détermination qui le caractérisent. A plus de 40 ans, et à la surprise générale, il vient de prendre une licence avec Lisle-sur-Tarn, pour le plaisir du jeu, qu’il aime par dessus tout. Un dernier tour d’Honneur. (par Jonah Lomu)
Yogane, racontez-nous vos débuts dans le rugby ?
J’y suis venu grâce à mon professeur de l’époque, qui jouait aussi un rôle de père pour moi. J’avais 13 ans en CM2, autant dire que j’étais en retard. Il a vu dans le rugby un moyen de me faire côtoyer d’autres jeunes, issus d’autres quartiers. J’avais quelques prédispositions physiques, ça m’a plu. Tout a commencé ainsi.
Et les étapes qui ont suivies ?
J’ai enchaîné à Maison-Laffite, j’ai été repéré par Poitiers qui m’a demandé de venir. C’était une opportunité, ils étaient en Groupe B, mais c’était aussi un arrachement pour moi, car je n’avais jamais quitté ma banlieue. En arrivant à Poitiers, j’étais dans une résidence où j’ai cru que les gens étaient morts tellement il n’y avait aucun bruit (rires). Les clubs Pro ont commencé à m’approcher, mais j’ai signé à Limoges, pendant 4 ans. Je suis parti ensuite à Grenoble, deux ans, puis à Montauban grâce à Jacques Delmas. J’y ai connu le Top 16, le professionnalisme total.
Et commence alors l’aventure avec Albi ?
Oui, Eric Béchu me pistait depuis longtemps, il m’a appelé en me disant qu’en étant à 80km de lui, je ne pouvais pas ne pas signer à Albi (rires). Il ma convaincu, c’était un homme extraordinaire. On a vécu de grands moments, avec la montée en Top 14, la redescente administrative et cette remontée alors que personne ne nous attendait. Eric était un guide, il n’arrêtait pas de nous dire qu’on allait y arriver, qu’ensemble, on en craint rien, même si on n’était pas les meilleurs. On est allé chercher la qualif à Auch, et la montée contre Oyonnax à l’arrachée. L’exigence du Top 14 était trop élevée ensuite pour y rester, mais quelle aventure mémorable.
Vous avez décidé de mettre un terme à votre carrière pro en 2014, à l’âge de 39 ans. Et vous voilà joueur à Lisle-sur-Tarn, un an plus tard, en Honneur. Expliquez-nous ce choix…
Je suis devenu commercial pour le club d’Albi à la fin de ma carrière, en assurant aussi les réceptions les jours de match. Comme ceux-ci ont lieu le jeudi ou le vendredi depuis cette saison, j’avais du temps le dimanche. Et comme je me suis maintenu en forme, le président du club, M. Maurel m’a lancé ce pari de faire une année à Lisle. Je viens du rugby d’en bas, et je vais y terminer ma carrière. La boucle sera bouclée.
L’adaptation se passe bien ?
J’ai été pro, mais j’ai commencé en séries. Ce n’est qu’avec du travail que j’ai réussi, et je garde cette mentalité depuis toujours. Aujourd’hui plus qu’avant même, si ce n’est qu’il s’agit maintenant d’un loisir. Ceci dit, personne ne peut dire que je triche. J’ai 40 ans, trois enfants, une vie de famille, un travail, et je suis là aux entraînements.
C’est encore insuffisant au niveau collectif après deux défaites d’entrée…
Cela prouve qu’il faut travailler encore plus. On joue comme on s’entraîne de toute façon. Je vois le respect dans le regard de mes adversaires, mais ils jouent à fond, et c’est logique. Je découvre ce niveau avec humilité de mon côté. Je ne vais pas traverser le terrain tout seul de toute façon ! je ne suis pas là pour jouer les gros bras, je veux jouer au rugby, et prendre du plaisir, tout en voulant remporter chaque match. J’ai eu la chance de vivre de ma passion, j’ai vécu des moments plus délicats, maintenant j’en profite encore, car notre sport est fantastique. Je vais apporter mon mental, mon physique par moment, mais aussi ma technique, pour aider l’équipe à progresser.
Que pensez-vous du niveau Honneur ?
Beaumont-de-Lomagne lors du premier match a démontré qu’ils jouaient bien collectivement, avec une bonne organisation, et de bons joueurs. Il faut se mettre à ce niveau, tous ensembles, pour rivaliser. On ne te donne rien dans la vie, il faut aller le chercher.
On verra peut être un joueur de Lisle évoluer à Albi un jour ?
Mais pourquoi pas ! Ce serait un beau cadeau. A Lisle comme ailleurs, il y a des jeunes de talent qui pourraient percer. Le pro a tout , on le bichonne, il se lève le matin pour aller s’entraîner chaque jour dans les meilleures conditions possibles, et faire son match le week-end. Un très bon joueur amateur, si vous le mettez dans ces mêmes conditions, il progressera aussi très vite.
A l’image d’un Guy Jeannard, vous êtes l’exception qui confirme la règle avec cette longévité rare au niveau professionnel, comment l’expliquez-vous ?
Une bonne hygiène de vie je pense, et bosser chaque jour. J’étais le premier aux entraînements, avec une envie d’un jeune de 20 ans, chaque matin. Le rugby, c’est une semaine de travail pour 80 minutes de plaisir paraît-il, autant bien travailler alors, on prend plus de plaisir comme ça.