Rien d’anormal à aimer le rugby et la bonne bouffe quand on est de Béziers. Mais ce Bitérois là, a tout de même quelque chose de particulier. Il est devenu grand chef de cuisine, un top chef même. Celui-là même qui s’est imposé comme LE champion de l’émission culinaire phare à la télé, sur M6. Nous l’avions rencontré à la rugbeach où il nous avait témoigné son amour du rugby et de ses valeurs. En cette période de Coupe du Monde, nous avons repris contact avec Pierre Augé pour en parler. Après son marché matinal quotidien et avant de transformer les produits frais en plats savoureux, il s’est accordé une pause pour un moment de partage, authentique, et savoureux bien sûr… (par Jonah Lomu)
Comment est né ton amour du rugby ?
Quand tu grandis à Béziers, c’est incontournable (rires). Dans ma famille, mes amis, beaucoup jouaient au rugby, et j’ai aimé ça très tôt.
Tu as joué toi-même ?
Non, un accident m’a empêché de pouvoir le pratiquer. Je n’ai pas beaucoup de regrets dans ma vie, mais là, j’avoue que c’en est un, et un gros.
Qu’est-ce que tu aimes dans le rugby ?
Il faut donner avant de recevoir, une notion qui , dans la vie de tous les jours, s’est perdue avec le temps je trouve. Au rugby tu ne peux pas tricher, ni te cacher. Tu es obligé de donner le meilleur sinon ça ne marche pas. C’est ainsi que des liens se créent entre les hommes, les fameuses valeurs dont on parle si souvent. Cet esprit collectif nécessaire, la confiance, le respect de soi et de l’autre, car seul tu ne fais rien.
C’est le chef qui parle là aussi non ?
(Rires) Oui, mais c’est vrai que je me reconnais dans ces valeurs. En cuisine, tu peux avoir des qualités, tu n’es rien sans les autres. Si tu réussis, c’est ensemble. Il faut rester soudé même pendant les coups durs, et à l’inverse, ne pas s’enflammer quand tout va bien. Que ce soit en cuisine ou pour un équipe de rugby, il faut toujours donner le meilleur de soi, après tu n’as rien à te reprocher.
Avec ton emploi du temps surchargé, tu arrives à suivre la Coupe du Monde et l’équipe de France ?
Je suis sur le marché le matin tôt, en cuisine le midi et le soir, donc je n’ai pas trop le temps de suivre, mais je me tiens informé des résultats quand même. A propos de l’équipe de France, je ne sais pas si je me retrouve en elle, à vrai dire. Je suis un peu vieille France, traditions et tout ce qui va avec. Le professionnalisme a bouleversé le rapport au jeu, forcément, et certaines valeurs semblent disparaître. C’est pourquoi j’aime plus certains joueurs que d’autres.
C’est-à-dire ?
De par son parcours, si je prends l’exemple d’un Thierry Dusautoir, il est méritant déjà. Mais en plus, il montre l’exemple, se fait guide, en toute circonstance, même quand le bateau tangue. Il mérite son capitanat, c’est incontestable. J’aime ce qu’il dégage et il nous représente bien.
Tu crois la France capable de gagner ?
Je ne sais pas mais, historiquement, on se transcende surtout quand on est au pied du mur,. Mais ça, c’est typiquement français en fait. Se sublimer ce n’est pas simple d’y arriver le jour J, alors on verra bien.
Que t’évoques le rugby amateur ?
Les copains, qui jouent en fédérale ou en séries. On peut regarder la France le soir, mais le dimanche après-midi, c’est sacré. Il y a une continuité, un héritage qui se transmet, et j’aime bien savoir que ça se perpétue. Même si j’aime moins le fait que certains joueurs demandent de l’argent pour aller dans tel ou tel club. Avant, on se battait pour son village, son clocher, on restait dans le même club longtemps. Aujourd’hui, cette notion existe encore, mais l’argent a peu faussé la donne dans certains clubs, surtout en fédérale. En séries, il y a encore l’amour du maillot, des histoires de copains, heureusement.
Toi qui va chercher tes produits au marché chaque matin, que concocterais-tu comme repas pour un dimanche soir à une équipe ?
Déjà, il y a l’apéro, c’est incontournable (rires). Et si l’équipe en question a gagné, l’apéro dure encore plus longtemps. Les gars restent au comptoir et mangent sur le pouce. C’est trop dur de les en sortir. Donc là, franchement, un bon morceau de pain, du bon fromage et de la bonne charcuterie, il n’y a rien de meilleur. Une bonne troisième mi-temps, c’est quand même bien non ? Ca permet de resserrer encore plus les liens, aux extravertis de se lâcher encore plus, et aux timides de s’ouvrir un peu plus. On se révèle, on se raconte et on se crée des anecdotes par la même occasion.On le retrouve sur le terrain de toute façon tôt ou tard. Il ne faut pas que ça se perde ça, c’est vraiment indissociable du rugby, et du rugby amateur.
A t’écouter, tu aurais pu être un bon coach de rugby non ?
Je ne sais pas, je pense que le discours que l’ont tient quand on est patron s’en rapproche oui, forcément. Il faut montrer le chemin à suivre, impulser à chaque instant. En tout cas, ma vision de mon équipe de travail est proche du rugby. On travaille en cuisine comme sur un terrain, avec l’envie d’avancer, ensemble, de progresser encore et encore, faire, et ne rien regretter. Aller au bout de ses convictions, c’est ça aussi qui est important. Avec ma femme, c’est notre façon de faire, pour notre équipe aussi.
Il n’y a pas de grande différence entre l’homme que l’on voit à la télé et celui de la vie « réelle »…
(il coupe) Peut être parce que je ne m’embarrasse pas à donner telle ou telle image. Je suis comme je suis, et on me prend comme je suis. Il faut du caractère pour mener à bien un projet…comme une équipe de rugby non ? (rires)
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