Un derby se suffit à lui-même pour déplacer la foule des grands jours et déguster un bon match du dimanche. Il suffit de rajouter quelques ingrédients pour le rendre encore plus attrayant. Prenez l’exemple de Lisle-sur-Tarn, 2ème de sa poule en promotion honneur Occitanie, avec 43 points, qui a parcouru les huit kilomètres pour rejoindre Rabastens, 3ème, à une unité derrière. Un chemin qu’un entraîneur (Claude Lardet) accompagné de huit joueurs, ont fait dans le sens inverse à l’intersaison. Ce que Christophe Vialar, président de « Rabas » a encore du mal à digérer, tant son équipe sénior a failli en payer le prix fort en évoquant le mot « forfait ». Ce dernier nous confiait malgré tout avant la rencontre que la hache de guerre était enterrée depuis, mais qu’il serait important d’effacer cette « trahison » et la défaite 19-12 du match aller, par une belle victoire. Côté lislois, ce (très) court déplacement était l’occasion d’asseoir sa suprématie locale, mais sans pression. Avec un match en moins au compteur, le droit à l’erreur était en effet autorisé. Mais pas celui de passer à côté du derby. Et puisque la hache de guerre était belle et bien enterrée, la forte pluie du jour ne risquait-elle pas de la faire sortir d’un sol détrempé ? (par David Campese, photos Christophe Fabriès)
Quelle ambiance ! Le retour des équipes aux vestiaires à la fin de l’échauffement et leur entrée sur le terrain à 15h pile, était accompagné par un rideau de pluie, mais aussi et surtout de cris, d’encouragements, de fumigènes et de klaxons, dignes de phases finales. Mais la météo du jour nous rappelait que nous étions bien en plein coeur du mois de mars, et que ses célèbres giboulées restreindraient le jeu à sa portion congrue. Que les avants seraient soumis à rude épreuve, plus que les ailiers. Provoquant d’autres formes de giboulées en cours de partie. Nous y reviendrons plus tard.
Car la sortie des vestiaires permettait de rendre un hommage mérité à Jonathan Jaen, au club depuis près de dix ans. Devenu capitaine, le 3ème ligne s’est toujours montré exemplaire, l’homme aussi. Son dernier match sur le terrain du Moulin à Vent, lui a valu de belles attentions et émotions. Quelques minutes plus tôt, son fils lui avait en effet remis le maillot du match, après lecture d’une lettre de sa chère et tendre. Les larmes qui avaient coulées sur certains visages étaient bien camouflées par la pluie tombante au moment d’entrer dans l’arène, que le capitaine rabastinois a foulé en premier et seul en guise de respect et d’hommage. Les deux équipes pénétraient ensuite sur la grasse pelouse. Le bras de fer entre voisins pouvait débuter.
Comme prévu, les conditions de jeu, rendues difficiles par la pluie et le terrain détrempé, favorisaient le jeu à une passe et l’occupation au pied. Mais très vite, d’un côté comme de l’autre, l’on n’hésitait pas à écarter les ballons, au risque d’en échapper de temps à autre. Tichit, l’arrière lislois, qui se distingue souvent par ses relances jaminesques, écopait d’un carton blanc justifié pour un plaquage haut. Les débats sont équilibrés, les impacts un peu moins parfois. A l’image des deux troisièmes lignes centre de chaque équipe, ex-talons reconvertis, Bernat côté visiteur, et Navarro côté local. Deux cubes plein de gaz. « Pilou » Navarro se distinguait encore plus, pour le plus grand bonheur des supporters rabastinois, après quelques charges et quelques reculs impressionnants qui arrachaient des « ouh » dans la tribune.
Ce premier acte sera globalement dominé par des locaux plus déterminés, plus présents dans les rucks, et même en conquête. C’est assez logiquement que le SARC ouvrait le score sur pénalité, par Rochas, à la 20ème minute. La domination des avants était récompensée ensuite par un essai de pénalité. Un ballon porté dévastateur poussait en effet Madame l’arbitre à aller sous les poteaux. Mais cette dernière, à cause d’un accrochage et d’un échange de coups sortira aussi un carton rouge côté rabastinois, et un jaune côté lislois. Un derby reste un derby paraît-il. La mi-temps sera donc sifflée sur ce score de 10-0.
Le deuxième acte donnera l’occasion aux supporters des deux camps de s’emballer. D’abord parce que tous les acteurs du match se donnaient sans compter, puis, par un scénario qui allait les tenir en haleine jusqu’à la dernière minute. Lisle-sur-Tarn avait courbé l’échine, mais retrouvait des couleurs, notamment en conquête. Ces nouvelles munitions permettaient d’investir le camp du SARC, et l’ASL inscrivait ses trois premiers points… avant d’en encaisser trois points de plus (13-3). Avec du coeur, du courage et… le reste, Lisle recollait au score avec un essai de Da Silva. La belle transformation de Tichit donnait des raisons légitimes d’un possible retour (13-10).
Malgré une double supériorité numérique, cet écart de trois points restera inchangé. Au forceps, avec aussi la règle des trois « c », du coeur, du courage et… le reste, Rabastens tenait le score, et sa revanche du match aller. L’occasion aussi de dépasser Lisle-sur-Tarn au classement (bonus défensif en poche malgré tout), de deux points. Une victoire locale qui offrait aussi une belle sortie, méritée, pour « captain John » porté en triomphe par ses coéquipiers.
L’autre fait du match…
Ce match aura donc coché toutes les cases d’un bon derby, mais a été terni par un acte aussi bête que méchant : un coup de poing gratuit, impensable même, de Navarro au visage de Nicolas Pagès, alors que Rabastens bénéficiait pourtant d’une pénalité. La soudaineté et la violence du coup ont fait perdre connaissance au joueur lislois, sorti avec toutes les précautions d’usage sur une civière. Un geste détestable qui n’a pas sa place sur un terrain de rugby, ni ailleurs évidemment. Les examens de contrôle passés en urgence n’ont pas révélé de fracture, mais la douleur et les maux de têtes ont valu à l’infortuné Pagès de se faire administrer de la morphine. Les hématomes sur son visage témoignaient à eux seuls de la nature de l’impact.
Et maintenant ?
Pour conclure sportivement, ce derby en aura fait voir de toutes les couleurs. Du jaune du blanc et du rouge au niveau des cartons. Mais Rabastens en sort gagnant après avoir livré le match qu’il fallait pour s’ouvrir le chemin des phases finales. Néanmoins, ce joli coup reste aussi un « coup double », et la suspension à venir de Navarro sera certainement préjudiciable pour la suite. Les hommes du président Vialar devront bien négocier le déplacement périlleux et déterminant à Chataigneraie Célé pour valider leur place.
L’ASL de son côté, avant de recevoir Souillac en guise de clôture de saison régulière, aura l’occasion de reprendre son strapontin de dauphin de poule derrière Luzech, à condition de remporter son match en retard ce weekend à Capdenac. Rien d’acquis pour autant, car le CCAC est la seule équipe à s’être imposée à la Noyère. Un nouveau bras de fer en prévision donc, mais avec le retour probable de Damien Greffier, touché au mollet et ménagé pour ce derby. Le capitaine lislois s’étant mué en porteur d’eau-soigneur dimanche dernier.
Ce derby du vignoble gaillacois aura permis de confirmer une chose : un derby restera toujours un derby. Jusqu’au prochain. D’ici la fin de saison ?