C’était la dernière journée de la saison régulière du championnat de régionale 1 en Occitanie. Le beau temps était de la partie à Montréjeau, déjà condamné à une relégation en Régionale 2, qui recevait l’Entente Sportive des Côteaux de l’Arrêt (ESCA), assurée du maintien bien avant cette ultime journée. Cette rencontre, sans réel enjeu sportif donc, n’est pourtant pas allée à son terme. La faute à une ambiance assez délétère sur le terrain, ponctuée par une très violente bagarre. M. Hugo Loubet, arbitre central et M. Xavier Ragaru, représentant fédéral, ont pris la décision de siffler la fin du match à la 35ème minute. Explications et témoignage exclusif du « délégué », choqué par ce qu’il a vu…
Décidément, cette saison 2023-2024 restera celle de tous les excès au sein de la Ligue Occitanie. D’abord en début de saison avec les graves incidents survenus là la fin de la rencontre entre l’Entente Fleury-Salles-Coursan et le Foyer Laïque du Haut Vernet, qui alimentent encore l’actualité du rugby amateur. Il faut dire que les sanctions jugées trop clémentes par la Commission de discipline de Ligue Occitanie, ont été suivies de celles de la FFR, plus sévères (exclusion des deux équipes du championnat), contestées devant la justice par les Catalans, finalement réintégrés il y a quinze jours.
Hier, en clôture de cette saison pour le moins tumultueuse, de nouveaux incidents, graves, ont eu lieu, toujours en Régionale 1 Occitanie, dans le Comminges. La venue de l’ESCA (7ème de poule assuré de se maintenir et non qualifiable) à l’Union Sportive Montréjeau Gourdan Polignan XV (reléguée mathématiquement à l’étage inférieur), 15 jours après le match aller (reporté) ne laissait pourtant pas, a priori, entrevoir un tel chaos.
Car aux dires des témoignages des personnes présentes sur les lieux, ce match, qui n’aura duré que 35 minutes, à l’issu duquel M. l’arbitre a distribué deux cartons jaunes et cinq cartons rouges, a basculé dans le détestable.
Pour en prendre la mesure, nous avons recueilli le témoignage exclusif du représentant fédéral (à 23h ce dimanche), dont la prise de parole publique est rare. Mais Xavier Ragaru, 53 ans, arbitre durant plus de 15 ans, était tellement abasourdi par les faits, qu’il tenait à s’exprimer et tirer la sonnette d’alarme.
Monsieur Xavier Ragaru (Représentant Fédéral de l’Ariège), racontez-nous l’avant match tout d’abord, avez-vous senti qu’il y avait une tension particulière ?
Absolument pas. Avec M. l’arbitre, nous sommes venus de l’Ariège, il faisait beau, il y avait une belle affluence, nous avons été très bien accueilli par les dirigeants de Montréjeau, qui nous ont invité au repas d’avant match. L’échauffement s’est déroulé normalement, aucun signe avant coureur donc.
Et le début de match ?
Il y a eu un essai de Montréjeau au quart d’heure de jeu, s’en est suivi un premier accrochage dès la 18ème minute, qui a débouché sur un carton jaune de chaque côté. Là, il y avait manifestement de la tension dans l’air. Et puis, il y a eu un accrochage, qui a totalement dégénéré. Je n’ai jamais vu un tel déferlement de violence. La bagarre a duré, s’est déplacée, j’ai eu l’impression que c’était interminable. L’arbitre a mis 5 cartons rouges de part et d’autre. Mais compte tenu des blessés graves suite à cette bagarre, il a préféré arrêter, logiquement, le match.
Vous parliez d’un déferlement de violence…
Oui. Il y a souvent des accrochages lors d’un match de rugby, on le sait tous. Mais là, ce n’était pas du rugby, ni même une bagarre de match. C’était d’une telle violence… (silence). J’ai vu des coups de poings et des coups de pieds, à des joueurs au sol. J’ai même eu peur pour l’arbitre que j’ai perdu de vue pendant quelques secondes. Les coups pleuvaient de partout, ça partait dans tous les sens. J’en étais presque tétanisé. On a un sentiment d’impuissance dans ces cas-là. J’ai surtout eu la sensation qu’un drame peut arriver en une fraction de seconde. C’est terrible.
On vous sent très marqué, voire choqué…
C’est le cas. J’ai arbitré pendant 15 ans, j’en ai vu passer des matchs. Mais voir une telle bagarre, de l’acharnement même, voir un jeune joueur perdre connaissance, emmené par les pompiers, c’est dur. Il y a deux ou trois blessés graves. Non, ce n’est pas ça le rugby, ce n’est pas… pardon, ce n’est plus possible ! Et je suis d’autant plus marqué que la veille, j’étais représentant fédéral sur deux matchs de cadets et juniors (Mirepoix-Portes de Comminges), et là aussi, il y a eu des incidents, qui ont nécessité deux rapports. 3 matchs, 3 rapports… (il soupire)
« Il faut des sanctions exemplaires »
Comment se passent ces rapports justement ?
Il y a eu des rapports complémentaires de M. l’arbitre et moi-même, concernant les cartons rouges et les comportements des bancs de touche, qui sur ce match entre Montréjeau et les Côteaux de l’Arrêt, n’ont pas vraiment calmer le jeu. Ces rapports permettent ensuite à la commission de discipline de statuer, de croiser les infos, et le cas échéant, à la gendarmerie d’en faire de même de son côté. Car les gendarmes sont évidemment venus, ont pris des dépositions. De ce que je sais, des plaintes seront déposées aussi dès ce début de semaine.
Après les incidents entre Fleury Salles Coursan et le Haut Vernet, l’agression du jeune arbitre Simon Lloret en Ligue Sud, avec pour conséquence un droit retrait des arbitres le 3 mars et ce dimanche précisément, les incidents graves se multiplient, encore et encore…
C’est vrai, et c’est bien triste. J’ai l’impression que tout se dégrade depuis le Covid. On le dit souvent, mais cette violence est sociétale. Il n’y a qu’à écouter les infos chaque jour. Côté rugby, il faut que les gens se rendent bien compte de la difficulté d’arbitrer un match et d’en assurer le bon déroulement. Etre arbitre et représentant fédéral, c’est compliqué. Il en manque, et ce genre d’évènement n’arrange rien. Je m’exprime aujourd’hui sur RugbyAmateur pour qu’il y ait une prise de conscience, rapide, concrète et efficace. On ne peut pas, et on ne doit pas s’habituer à cette violence.
Vous attendez quel genre de sanctions ?
Ce n’est pas à moi de le dire, mais elles doivent être exemplaires ! De nature à faire comprendre qu’un terrain de rugby n’est pas un défouloir, un lieu où l’on peut dire et faire n’importe quoi. Le rugby est un beau sport, mais il n’est pas simple à arbitrer, et donc pas simple à comprendre non plus pour tous ceux qui le pratiquent et le regardent. D’où l’importance de bien expliquer ses décisions sur un terrain. Il faut faire preuve de pédagogie.
Mais les entraîneurs aussi ont leur part de responsabilité. Ils sont là pour calmer le jeu, pas l’inverse. Il y a des comportements inacceptables, que ce soit sur un terrain de rugby ou dans la vie, ces comportements doivent être punis. Pour l’exemple, et pour qu’ils ne se reproduisent plus.
Dernière question : ce match est-il de nature à vous poser la question d’arrêter vos fonctions de représentant fédéral ?
Non, je ne le pense pas. Nous avons reçu beaucoup d’appels de confrères depuis la fin de la rencontre qui ont pris des nouvelles, car les informations circulent vite dans ce cas. Nous en avons référé à nos supérieurs départementaux et régionaux. Nous sommes une corporation solidaire, nous restons unis. Même si je sais que je risque une sanction de m’exprimer de la sorte, chez vous. Mais si je le fais, c’est parce que je veux rester optimiste, que les gens comprennent bien la gravité de certains actes, et que des sanctions exemplaires soient prises, pour assainir notre si beau sport. Sans quoi, on pourra se faire du souci pour notre sport, et pour l’avenir de nos enfants.
En fin de soirée, le club de l’ESCA a publié un post sur sa page facebook, pour rapporter son indignation et indiquant que trois joueurs de l’équipe étaient aux urgences. Ce post a été depuis, retiré
Présentation des deux équipes en début de saison
Régionale 1 – Montréjeau-Gourdan Polignan, les Commingeois à la relance