Bergerac, son art de vivre, son vin, et Cyrano bien sûr. A 19 ans, Corentin Coste en connaît quelques contours essentiels, lui, le natif de la sous-préfecture de la Dordogne. Il maîtrise mieux le ballon ovale, au point d’être titularisé pour la première fois avec l’équipe première de Bergerac dimanche dernier. Suffisant pour se souvenir toute sa vie de ce moment toujours particulier nous direz-vous. Oui, c’est vrai, mais le demi de mêlée bien décidé à montrer le bout de son nez durablement avec les grands, a justement vu son nez quelque peu maltraité. Edmond Rostand n’a qu’à bien se tenir…
Dimanche, première titularisation donc, contre Belvès en fédérale 2. La première mi-temps se passe plutôt bien, Corentin éjecte les ballons et mène le jeu des Bergeracois de main de maître dans ce derby. Il sent bien les coups, comme on dit, jusqu’à ce qu’il en prenne un pleine face lors de la dernière action de ces 40 premières minutes. Et vous savez ce qu’avait dit Walter Spanghero un jour : « Heureusement que j’avais le nez, sinon, je l’aurais pris en pleine gueule ! ». Notre petit bonhomme a bien amorti le choc avec son tarin, c’est évident. Le soigneur entre et lui dit « il faut le remettre droit, sinon, tu vas devoir te faire opérer ! ». Qu’à cela ne tienne, Corentin n’attend pas, ferme les yeux, prend une inspiration, et tire sur son nez : « ça piquait un peu oui, j’ai tiré dessus pour le remettre droit, et j’y suis arrivé. Mais ça faisait mal. » dit-il en souriant.
On aurait pu imaginer que le jeune demi de mêlée soit remplacé à la pause, mais ce dernier, à la surprise générale, est revenu sur le pré pour disputer le second acte ! Il a ainsi joué dix minutes de plus, avec, sans le savoir, une triple fracture du naseau. Un maffré courageux donc, qui ne voulait pas que cette opportunité de rejouer en Une, lui passe… sous le nez. Vu sa taille cette semaine, il pourra en montrer le bout facilement à tout supporter de l’USB, ravi de la victoire 38-19, et ravi de compter dans ses rangs un neuf tout neuf.
Nous connaissions Cyrano de Bergerac, et sa fameuse tirade sur le nez*, nous aurons souvenir désormais d’un certain Corentin de Bergerac. Et son nez XXL. Vous connaissez la suite…
*Tirade du nez extraite de Cyrano de Bergerac, signée Edmond Rostand
Cyrano :« Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh! Dieu!… bien des choses en somme.
En variant le ton,-par exemple, tenez :
Agressif: Moi, Monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse !
Amical: Mais il doit tremper dans votre tasse !
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap!
Descriptif: C’est un roc ! . .. c’est un pic ! . . . c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ?. .. C’est une péninsule !
Curieux: De quoi sert cette oblongue capsule ?
D’écritoire, Monsieur, ou de boite à ciseaux ?
Gracieux: Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ?
Truculent: Ça, Monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort elle du nez
Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ?
Prévenant: Gardez-vous, votre tête entrainée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol !
Tendre: Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane !
Pédant: L’animal seul, Monsieur, qu’Aristophane
Appelle Hippocampelephantocamelos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os !
Cavalier: Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode!
Emphatique: Aucun vent ne peut, nez magistral,
T’enrhumer tout entier, excepté le mistral !
Dramatique : C’est la Mer Rouge quand il saigne !
Admiratif: Pour un parfumeur, quelle enseigne !
Lyrique: Est-ce une conque, êtes-vous un triton ?
Naïf: Ce monument, quand le visite-t-on ?
Respectueux: Souffrez, Monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue!
Campagnard: He, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain !
C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melon nain !
Militaire: Pointez contre cavalerie !
Pratique: Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, Monsieur, ce sera le gros lot !
Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot :
Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l’harmonie! Il en rougit, le traître !
– Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit :
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot: sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve. »