Jérôme Kaino fait partie de ces joueurs qui imposent naturellement le respect, sans le forcer. D’abord parce que ce guerrier, redoutable plaqueur, gratteur, et sauteur, dur à l’impact, dur au mal, montre l’exemple sur le pré. Lui qui avait commencé comme trois quarts centre pour sa vitesse, devient 3ème ligne en grandissant, jusqu’à culminer à 1.96m. Il progresse vite, devient international à 23 ans, et restera un All Black titulaire indiscutable entre 2006 à 2017…
Il forme alors une troisième ligne redoutable avec Ritchie Mc Caw et Kieran Read, probablement une des meilleures du monde jamais alignée, et remporte la Coupe du Monde 2011, en étant cité pour être meilleur joueur de l’année. Il sera devancé finalement par Thierry Dusautoir… qu’il réconfortera quatre ans plus tard après une déroute française, en quart de finale de la Coupe du monde 2015. Et avant de soulever une deuxième fois le trophée Webb Ellis au sein d’une génération dorée. Il raccroche la célèbre tunique noire (après 75 sélections) pour venir en France, et on parle, à tort, de retraite anticipée.
En 2018, il arrive humblement au sein d’un effectif du Stade Toulousain en pleine reconstruction, et en devient naturellement le « papa ». Dans son sillage, les jeunes scrutent et apprennent. « The Rock » emmène le groupe rouge et noir en finale 2019, et remporte, en étant capitaine ce soir-là, le Brennus. Mais il refuse de le soulever en premier, laissant ce privilège à Julien Marchand, capitaine désigné en début de saison, mais blessé et convalescent :
« C’est mon capitaine. S’il n’avait pas été blessé, il serait toujours le capitaine. Nous avons un groupe soudé. Les mecs blessés ont joué une grande part dans la motivation de notre équipe. Même si j’étais capitaine pour la finale, je vois Julien comme mon capitaine. Il devait être celui qui lève le Brennus. » La classe. Preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que son palmarès et son statut ne lui sont jamais montés à la tête. Un exemple aussi à ce niveau-là.
A donner de son temps pour un gamin de l’école de rugby, blessé la veille, à expliquer ce que signifie d’être un All Black devant une assistance conquise par ses valeurs, à se montrer souriant et disponible en toutes circonstances.
A 37 ans, Jérôme Kaino a confirmé officiellement ce qui était déjà acté officieusement depuis l’an dernier. Pour ne pas faire l’année de trop, laisser la place aux jeunots, ne pas leur faire de l’ombre, tout en restant à leurs côtés.
Un seigneur de notre jeu, un de plus, va raccrocher les crampons à la fin de cette saison. Un bien bel ambassadeur pour tous ceux qui se prénomment comme lui, et un de ceux que l’on appellera assurément « monstre sacré » quand on se retournera sur sa carrière et l’histoire du rugby mondial. « La grande réussite bien sûr, c’est la Coupe du monde », a-t-il déclaré, en rajoutant dans la foulée : « mais je suis encore plus fier de m’être fait de grands amis tout au long de ma carrière. » L’inverse doit être vrai Jérôme !