On connaît son franc parler. L’homme est entier dans la joie, comme dans la colère. Et cette colère, il fallait qu’il en parle, qu’il la partage. Alors, quand Jean-Philippe Sannac appelle notre rédaction ce vendredi soir, c’est pour nous informer qu’il compte mettre le Sporting Club Appaméen, son club de coeur, celui pour lequel il ne compte pas ses heures, son argent et son énergie, en sommeil. Une réaction épidermique couplée à du dégoût d’une situation qui ne cesse de s’aggraver. Et le président des damiers noirs et blancs n’est pas du genre à faire partie de la majorité silencieuse. Loin s’en faut. Alors menace réelle ou simple cri d’alarme ?
Président, vous venez de recevoir le dernier décret de la préfète de l’Ariège, et vous souhaitez faire part de votre exaspération…
Oui, et de ma colère aussi. On nous demande de maintenir à flot un navire qui prend l’eau de toute part depuis des mois. On coule lentement, mais sûrement, et il ne faudrait rien dire. Aujourd’hui, je dis stop !
Expliquez-vous…
On fait ce qu’on peut pour respecter tous les protocoles, et ce n’est pas toujours simple, mais tout le monde s’y plie. Par dessus ça, on nous colle un huis clos, puis deux… et aujourd’hui, on apprend que le huis clos est prolongé jusqu’à mi-novembre, voire plus.
Madame la Préfète de l’Ariège regarde sûrement la situation sanitaire, je peux comprendre, mais elle ne se rend visiblement pas compte de la situation financière dans laquelle elle nous met en prenant ce genre de décision. L’Ariège est le seul département à devoir respecter un huis clos au niveau du rugby amateur ! C’est juste impossible de tenir ainsi sans avoir de rentrées d’argent, alors qu’on en dépense toujours autant à la fin du mois.
Le couvre-feu annoncé avant hier n’a pas dû vous enchanter non plus…
Ecoutez, on va jouer à Berre à 18h. On va finir vers 20h, on a 5h de route ensuite. On va nous arrêter pour nous coller une amende en plus ? Vous voyez bien qu’on est dans une impasse à tous les niveaux.
Vous pourriez demander un report ?
Pour quoi faire ? Les joueurs veulent jouer, et ça se comprend. Et reporter un match, puis deux, trois, au bout d’un moment, ça ne rime à rien. Il faut que des décisions soient prises.
« Si rien ne bouge d’ici le weekend prochain, je mets le club en sommeil, c’est décidé ! »
De là à vouloir mettre le club en sommeil, vous qui avez tant donné pour le SCA, on a du mal à vous croire…
Mais que voulez-vous que l’on fasse d’autre ? On a appris que nos cadets et juniors ont une poule à l’autre bout de la France, et ils ne feront pas toujours les matchs en même temps. C’est autant d’argent à avancer pour chaque déplacement. Ce weekend, c’est 3 000€ qu’il faut sortir avec l’équipe Une qui va jouer à Berre. Je suis chef d’entreprise, je sais compter.
On a 35 employés au club, on l’a structuré avec sérieux et réflexion pour qu’il évolue en fédérale 1. Mais si on a que des charges et pas de rentrées, au bout d’un moment, c’est la fin. Et là, je le dis haut et fort, après la réception de Céret le weekend prochain, je mets le club en sommeil. Ou bien je laisse les clés à qui le voudra, et aura les reins assez solides pour le faire vivre de la sorte.
Vous en avez parlé aux joueurs ?
Ils savent très bien quelle est la situation. Ils ont des contrats, ils pourront profiter du chômage partiel, et puis après, ils verront bien.
Serge Simon nous disait hier justement vouloir accompagner tous les clubs, dans la mesure où la situation le permettait. Qu’attendez-vous des institutions ?
J’attends qu’on se bouge ! J’entends mes collègues présidents se plaindre des protocoles, du couvre feu, etc… Mais que des décisions soient prises bon sang. Je n’en suis pas à parler d’équité, de péréquation ou autre, mais à ce jour, il en va de la survie de nombreux clubs. C’est ça la réalité du terrain. Dimanche dernier, on a vraiment respecté les consignes du huis clos, avec les moyens du bord. Mais on a besoin d’être soutenus, d’être vraiment entendus. Je ne suis qu’un bénévole, et là, on nous en demande trop. Si rien ne bouge d’ici le weekend prochain, je mets le club en sommeil, c’est décidé !
(Re)voir l’interview du 22 juin dernier