Janvier 2020 – Jean-Paul Taipunu, tahitien-calédonien, a 32 ans. Cet ancien militaire du 68ème régiment d’artillerie, est un grand sportif, il a pratiqué la boxe à haut niveau. Après quatre ans de service, il arrive en métropole, en 2015. Il s’engage cette fois dans les travaux publics, et complète son salaire par des petits boulots de vigile dans un centre commercial, et de portier en boîte de nuit. Les journées et les semaines sont longues, mais le solide prend le temps de découvrir le rugby et signe une licence au Rugby Club du Pays de Roquefort (Honneur Ligue Nouvelle Aquitaine). Le 12 janvier 2020, le natif de Tahiti dispute un match avec la réserve, contre Sainte-Livrade. A la suite d’un plaquage, il ne se relèvera pas. Et ne se relèvera plus…
Dimanche 12 janvier 2020 : une journée maudite
« Je venais d’avoir une dure semaine de travail, et j’ai enchaîné le samedi soir en Boîte de nuit comme videur. J’ai repris à 7h30 au Leclerc, comme vigile. Vers 9h, j’ai reçu un appel du coach de la réserve, me demandant de venir absolument pour jouer la seconde mi-temps en réserve, et une mi-temps en première, car il manquait du monde. J’ai expliqué que j’étais fatigué, mais il a insisté, il a rappelé. J’ai réfléchi, et finalement, j’ai dit oui. j’ai appelé ma femme pour la prévenir, et pour m’accompagner au match. Elle n’était pas sereine. »
Jean-Paul Taipunu veut tout nous raconter, sans omettre le moindre détail, car son histoire peut arriver à n’importe qui, n’importe quand. Il poursuit : « Quand je suis arrivé au stade pour me changer, le match avait commencé, j’ai assisté à une bagarre en première mi-temps, l’ambiance était vraiment moyenne. Quand je suis rentré en seconde période, il y a eu une nouvelle grosse bagarre. J’ai eu un accrochage avec un joueur, et à partir de là, tous les adversaires me visaient, me pointaient du doigt, ils me provoquaient. Sur une action suivante, j’ai plaqué un pilier, au moment de l’impact, il a mis son genou en avant et là, je suis tombé sur le dos. Je ne sentais plus mon corps. J’ai vu qu’il y avait de la panique autour de moi, comme j’ai vu certains joueurs adverses qui se moquaient de moi, c’était terrible. »
Le ciel est gris, il fait froid, on dépose un manteau sur le blessé, l’attente est interminable. Pourtant, les pompiers vont arriver au bout de quinze minutes seulement : « J’avais comme des fourmis partout, je ne sentais que mon bras gauche, je n’arrivais plus à bouger. Je crois que j’ai compris de suite. J’ai dit à ma femme qui était enceinte de sept mois : comment je vais faire, comment je vais faire pour travailler, pour élever mes deux belles filles aussi ? ». Le joueur en oublierait presque la douleur, mais cette dernière va se faire de plus en plus vive : « Quand je suis parti en hélicoptère, j’avais tellement mal qu’on m’a injecté de la morphine. Ensuite, c’est un peu flou, j’ai été plongé dans un coma artificiel. Quand je me suis réveillé à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux, j’ai ouvert les yeux, j’ai vu ma femme, elle pleurait, elle était tenue informée de mon état, on ne pouvait pas échanger verbalement car moi, j’étais intubé. Il a fallu attendre pour que la pression sur la moelle épinière diminue, et voir si les nerfs qui avaient été touchés se remettaient en place, voir aussi si les fonctions vitales avaient été atteintes. Les gens du club, entraîneurs, présidents me disaient que j’allais marcher. »
Ce mince espoir auquel se raccroche Jean-Paul, il s’en souvient bien. Mais trois mois plus tard, au centre de médecine et de réadaptation de la Tour de Gassy (à Bruges, près de Bordeaux), il a un entretien avec un médecin : « Mes vertèbres 5 et 6 étaient fracturées, la moelle épinière compressée. Il m’a confirmé que je ne marcherai plus, que j’étais dans ce centre pour apprendre à devenir autonome. »
Des aides, des dons, et le début des conflits…
En plus de cette tétraplégie, il faut faire face aux premières difficultés, financières. Placée sous l’égide de la Fédération française de rugby, la Fondation Ferrasse qui vient en aide aux grands blessés du rugby, joue son rôle. Elle verse 10 000€ assez rapidement, sur le compte de la compagne de Jean-Paul, avec son autorisation bien sûr. Un don d’aide à la famille salvateur, pour gérer ce quotidien à jamais chamboulé.
En parallèle, une cagnotte leetchi est mise en place, les clubs voisins et plus lointains forment une chaîne solidaire, et envoient des chèques à l’adresse du club de Roquefort. Une générosité soutenue médiatiquement, mais bientôt ternie dans sa gestion : « Concernant les dons envoyés par les clubs, les dirigeants qui ont répondu présent depuis le premier jour, m’ont demandé ce qu’on en faisait. J’ai demandé à ce qu’ils soient versés sur le compte de ma femme aussi. Mais là, ils m’ont dit qu’ils allaient ouvrir un compte avec le club, et quand j’aurais besoin d’argent, ils me le donneraient. J’ai dit non, que le club n’était pas mon tuteur. Mais voyant que c’était un sujet visiblement sensible, j’ai laissé tomber. »
Les semaines passent, la question reste toujours en suspens, elle irrite de plus en plus, des messages sur les réseaux sociaux apparaissent, l’incompréhension laisse place à une animosité grandissante : « Deux mois plus tard, j’ai envoyé un message à mon président, Serge Berdet, pour qu’il mette l’argent sur mon compte, immédiatement. Là aussi, il m’a répondu qu’il n’était pas d’accord » déplore le Tahitien, « et il a rajouté, que si j’insistais, il ferait appel à un avocat. »
Serge Berdet, s’était alors exprimé publiquement dans le journal L’Equipe : « Jean-Paul m’a demandé de verser la somme sur son compte, c’est hors de question. La cagnotte, qui représente entre 15 000 et 16 000 euros, est organisée par nous, gérée par nous et dépensée par nous, pour ses frais au quotidien. Les donateurs, notamment les clubs de rugby, veulent savoir où passe l’argent. Donc, maintenant, on ne paiera que sur justificatif. L’argent n’est pas dans mes poches, tout est transparent. Il y a un compte avec les entrées et les dépenses engagées par le club. »
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A ce niveau de l’amateurisme, comment peut-on finir dans un imbroglio judiciaire. Solidarité rugby où es-tu ? Ce garçon a sa vie détruite et a plus besoin de soutiens que de combats. Si le commentaire est exact, on ne peut pas laisser un garçon dans cette situation. La FFR a répondu présent, tout à son honneur ainsi que la fondation Ferrasse. En ces périodes il faut trouver un « terrain « d’entente. Tout le monde en sortira vainqueur.
Je te soutiens de Tahiti ! Le soleil veille sur toi et ta famille !