Troisième volet de notre rubrique « Itinéraire Bis », dans laquelle nous donnons la parole aux joueurs étrangers évoluant dans les divers clubs de Fédérale. Cette semaine, rencontre avec Matteo Crespan, troisième ligne des Loups de l’Entente Vallée du Girou (Fédérale 3). Des premiers contacts à une adaptation des plus réussies, l’Italien nous parle de ses parcours rugbystique et professionnel (par Marco Matabiau)…
Rugby Amateur : Date et lieu de naissance ?
Matteo Crespan : Je suis né le 19 mai 1998 à Trévise en Italie.
RA : Quand as-tu commencé à pratiquer le rugby?
MC : J’ai commencé à l’âge de 9 ans au Ruggers Tarvisium de Trévise. C’est le deuxième club de la ville après le célèbre Benetton, contre lequel nous disputions chaque année le derby dans les catégories de jeunes.
RA : Comment et pourquoi avoir choisi la France ?
MC : Tous les deux ans, les équipes U16 et U18 de mon club effectuent une tournée en France. J’étais pour ma part venu en 2013. Nous avions eu l’occasion de jouer contre Colomiers, puis face à une sélection Midi-Pyrénées sur les installations du TUC. Ensuite, après les U18, je voulais partir à l’étranger. J’ai demandé à mon entraîneur à Trévise, Nino Pizolato. Il est ami depuis 30 ans avec Antoine Bertoldo, avec qui il m’a mis en contact. M. Bertoldo, en lien avec le Comité, s’occupe des joueurs italiens qui souhaitent venir jouer en France ainsi que des joueurs français qui veulent faire le chemin inverse. Il a demandé au Comité si une équipe pouvait m’accueillir. On m’a alors dirigé vers l’Entente Vallée du Girou dont Didier Herrerias, l’un des entraîneurs, avait coaché la sélection U26 Midi-Pyrénées (avec un titre de champion de France à la clé remporté à Mende) il y a quelques années. Je suis arrivé en France le 3 septembre 2018, et le 4 je m’entraînais avec la Vallée.
RA : Comment s’est passée ton adaptation, sur et hors terrain ?
MC : Je me souviens qu’à Trévise, nous avions un joueur argentin, et j’ai le sentiment que nous n’avions pas fait le maximum pour qu’il se sente bien, qu’il soit bien intégré à l’équipe. Pour moi, cela a été totalement différent. Tout le monde a été très gentil avec moi. Je parlais un peu français (j’en avais fait six ans à l’école) mais j’avais tout de même beaucoup de mal à m’exprimer. Tous les joueurs ainsi que le staff ont fait des efforts pour se faire comprendre. Ils n’ont pas non plus hésité à me véhiculer. C’était très appréciable. Aujourd’hui, j’ai une voiture. Je suis plus autonome. Grâce à Antoine Bertoldo, j’ai également pu obtenir un emploi chez McDo. J’y travaille depuis le 15 septembre 2018. Je suis actuellement chef d’équipe. Je peux donc aménager mes horaires de manière à pouvoir me libérer pour les entraînements.
RA : Quelles différences notoires remarques-tu entre le rugby que tu pratiquais en Italie et celui que tu joues aujourd’hui en France ?
MC : En juniors, notre coach voulait avant tout qu’on se fasse des passes, qu’on prenne des initiatives et qu’on fasse vivre le ballon. Nous évoluions dans le championnat de Vénétie face à certaines des meilleures équipes du pays, telles Padoue ou Venise. La victoire importait moins que le fait de se faire plaisir. En séniors, c’était plus lent, plus lourd, plus structuré. Il y avait moins de spectacle. C’était souvent du jeu à une passe et du défi. Du coup, j’avais un peu perdu le plaisir de jouer. Un plaisir que j’ai retrouvé ici: ça va plus vite, il y a beaucoup plus de changements de rythme, on se fait davantage de passes. Lors de mes premiers matchs avec l’EVG, il a fallu que je m’adapte, que je reste toujours attentif car le ballon est toujours vivant. C’est une forme de jeu que j’adore. Une autre différence majeure, c’est qu’en Italie, il y a moins de niveaux intermédiaires, moins de divisions. Il y a donc de grandes différences entre les divers niveaux de compétition.
RA : Des différences entre ta première et ta deuxième année en France ?
MC : Oui, bien entendu. Déjà, j’ai moins a barrière de la langue (Matteo vient d’ailleurs de valider un niveau B2 en français à l’Alliance Française). Cela me permet de mieux communiquer avec l’équipe, de réussir à dire exactement ce que je pense. Du coup, je peux aussi entraîner les U8 de l’EVG et ainsi participer plus activement à la vie du club. Au niveau du rugby, je suis également plus à mon aise dans le système de jeu. Et puis cette année, on a un autre joueur italien dans l’équipe: Ismael Byaoui. Il arrive de l’AS Rugby Rovato, dans la province de Brescia. Comme moi, il a été contacté par Antoine Bertoldo en mai 2019 et il nous a rejoints le 15 août. Nous sommes en colocation. Il s’est lui aussi très bien adapté.
RA : Dernière question, les différences au niveau du coaching ?
MC : Quand j’étais à Trévise, mon entraîneur était Craig Green. Il a été international néo-zélandais de 1983 à 1987 (20 test matchs, 11 essais, champion du monde 1987). Il a entraîné au Japon, en Australie, en Nouvelle Zélande. C’était un entraîneur qui avait un plan de jeu identique quelle que soit l’équipe que nous rencontrions. A la Vallée, Didier (Herrerias) et Cédric (Fargues, l’entraîneur des trois-quarts) connaissent bien les équipes contre qui nous jouons. Ils étudient les adversaires et élaborent une préparation et une stratégie différentes d’une semaine à l’autre. Concernant le caractère, Craig Green était toujours très calme, assis en tribunes avec casque et micro. Quand il avait un message à faire passer, il parlait via son micro à l’entraîneur sur le banc, et lui donnait les consignes au capitaine. Didier lui… est moins calme. Avec lui, les consignes arrivent en direct (rires). »