Ce n’est un secret pour personne : de nombreux joueurs étrangers évoluent dans les divers championnats de Fédérale. Souvent pointés du doigt, pour la place supposée qu’ils prennent aux jeunes français, RugbyAmateur a donc décidé d’aller à leur rencontre pour qu’ils nous relatent leur parcours, leur histoire, expliquent leurs premiers pas français, et fassent partager leurs ambitions futures. Cette semaine, nous démarrons par une double interview. Alors que se profile la finale mondiale Angleterre-Afrique du Sud, nous nous sommes entretenus avec deux joueurs sud-africains évoluant au Sporting Club Rieumois, Dean van der Westhuisen et François Naudé. Première de notre nouvelle rubrique : Itinéraire Bis… (par Marco Matabiau).
Rugby Amateur: Date et lieu de naissance?
Dean van der Westhuisen: Je suis né le 1er août 1996 en Afrique du Sud, à Pretoria, dans la province du Gauteng.
François Naudé: Je suis né le 2 août 1996 en Afrique du Sud, à Johannesburg, aussi dans la province du Gauteng.
RA: Quand et comment avez-vous commencé le rugby?
François: J’ai commencé quand j’avais 7 ans. Mes parents, depuis ce jour-là, m’ont toujours soutenu afin que je réalise ce que je voulais entreprendre. J’ai joué à l’école Dr Havinga à Roodepoort, le quartier de Joburg dans lequel j’ai grandi. Je suis ensuite allé à la Monument High School de Krugersdorp, tout près de Johannesburg, avant d’entamer des études à l’Université de Pretoria. J’ai bien sûr joué pour l’équipe de l’université et j’ai intégré les U19 des Blue Bulls. C’est là que j’ai rencontré Dean. L’année suivante, j’étais avec la « training squad » (l’équivalent des espoirs) des Bulls avant de terminer avec les U21.
Dean : J’ai débuté à l’âge de dix ans mais c’était simplement de la découverte, pas de la compétition. L’année suivante, j’ai commencé à jouer au collège de Jeffreys Bay, puis j’ai continué au lycée de Nico Malan dans la province d’Eastern Cape (au sud-est de l’Afrique du Sud). Enfin j’ai évolué avec les Kings de l’Eastern Province, puis avec les U19 et U21 des Blue Bulls de Pretoria.
RA: Pourquoi avez-vous décidé de venir en France?
François : J’ai été contacté par un agent. Au départ, je suis venu en France pour faire trois mois d’essai dans différents clubs. Le premier dans lequel je suis allé, c’est Rieumes. Au bout d’une semaine, ils m’ont demandé si je voulais rester. C’était pour moi l’occasion de prendre un nouveau départ et d’évoluer dans un bon club. J’ai accepté.
Dean : J’ai toujours souhaité quitter l’Afrique du Sud et partir à l’étranger pour me tester. Je voulais voir si je pouvais faire plus, aller plus loin. La France était mon premier choix, depuis le lycée. J’ai été contacté par un recruteur sud-africain vivant en France. Au départ, j’ai failli signer avec Aix-en-Provence pour évoluer avec les Espoirs puisque je n’avais encore que 21 ans, mais ça ne s’est pas fait. Finalement, j’ai signé à Rieumes et j’en suis très heureux. Au début, bien entendu, cela a été difficile, mais ça va de mieux en mieux.
RA: Comment s’est passée votre arrivée en France justement et votre acclimatation?
Dean: Évidemment, l’apprentissage de la langue a été un souci. Je parle afrikaans, et j’ai appris l’anglais à l’école. Les joueurs de l’effectif ont été très ouverts. Ceux qui parlent anglais ont tout de suite essayé de m’aider et de m’expliquer ce que disaient les entraîneurs. Avec mes compatriotes sud-africains, nous étions aussi souvent invités à des dîners organisés par nos coéquipiers. C’était très appréciable.
François: Quand je suis arrivé, il faisait très, très chaud. Il a fallu tout d’abord se faire à ça. Pendant les premières semaines, évidemment que la langue a été une barrière, mais tout le monde a fait en sorte que je me sente comme à la maison. Il y avait aussi le fait que dans une ville comme Rieumes, les magasins ne restent pas ouverts très tard le soir. Mais je me suis habitué (rires).
RA: Quelles sont les différences majeures que vous observez entre le jeu français et le jeu sud-africain?
François: La vitesse de jeu est différente. Je pense que nous axons plus le jeu sur la vitesse en Afrique du Sud. La culture est également différente. Les joueurs veulent montrer qu’ils sont là, que ça ne va pas être facile. L’autre différence, c’est après le match. En Afrique du Sud, on boit un coup mais ça reste mesuré. Ici, il y a de la musique dans les vestiaires, les mecs chantent, dansent et les troisièmes mi-temps sont souvent très longues.
Dean : Comme François, je trouve que le jeu est moins basé sur la vitesse en France et que l’on recherche davantage le contact et l’affrontement. C’est peut-être dû aux conditions climatiques : il pleut plus ici que là où je jouais en Afrique du Sud. J’ai néanmoins eu du mal à trouver mes marques l’an passé. Je suis arrivé en août 2018 et, comme tout nouveau joueur dans un effectif, il a fallu que je fasse mes preuves.
RA: Avez-vous droit à un « traitement spécial » de la part de vos adversaires?
Dean: A chaque match. Les gars tentent de me parler, de me mettre en colère, de me faire perdre mon calme. J’essaie pour ma part de prendre du recul dans ce genre de situation et de garder ma concentration. Je préfère répondre par un bon plaquage ou une belle percussion.
François : Dean a raison. Quand j’ai débuté, tout le monde parlait de moi comme de ce type avec les longs cheveux blonds qui courait partout et se faisait remarquer. Du coup, quand les matchs démarraient, les gars d’en face voulaient me tester, venaient me percuter ou essayaient de me coller des gros plaquages. Il faut simplement s’y préparer et tout faire pour répondre de la meilleure des manières.
RA: Quelles sont vos ambitions pour cette saison?
Dean: Le but est bien sûr de réaliser la meilleure saison possible et de jouer les phases finales, comme l’an dernier. Sur un plan plus personnel, je souhaite continuer à progresser et devenir très régulier dans mes performances. J’ai été un peu ralenti sur ce plan-là : cet été, alors que j’étais passager, j’ai eu un accident de voiture. J’ai dû être opéré de l’estomac et de la rate, mais aujourd’hui tout va bien.
François : Cette année, je veux réaliser une bonne saison et faire une belle impression auprès des gens qui viennent nous voir jouer tout en prenant du plaisir sur le terrain. Et pourquoi pas me faire repérer par un club évoluant en division supérieure. Si j’arrive à faire tout cela, je serai satisfait.
RA: Enfin, l’Afrique du Sud dispute demain la finale de la Coupe du Monde face à l’Angleterre. Un pronostic?
Dean: Pour moi, c’est 70/30 pour l’Afrique du Sud. L’Angleterre est une équipe très solide et très complète, mais je pense qu’ils ont déjà joué et gagné leur finale contre la Nouvelle-Zélande. Les Springboks ont un jeu qui peut gêner et faire déjouer les Anglais.
François: Évidemment je suis supporter des Sud-Africains. Néanmoins, ce qui est sûr, c’est qu’ils vont devoir jouer leur meilleur rugby, bien meilleur que ce qu’ils ont produit face au Pays de Galles, pour l’emporter face à cette impressionnante équipe anglaise.