Dans le cadre de notre série « Itinéraire Bis », consacrée aux joueurs étrangers évoluant dans les divers championnats de Fédérale, nous nous intéressons aujourd’hui à Benoit Piffero, le talonneur du Blagnac SCR. Après avoir pas mal bourlingué, le Canadien a posé, depuis quelques années, ses valises en région toulousaine. Il retrace son étonnant parcours, tant avec ses différents clubs qu’avec la sélection à la feuille d’érable, avec laquelle il compte 26 capes… (par Marco Matabiau)
Rugby Amateur : Benoît, date et lieu de naissance ?
Je suis né le 21 mai 1987 à Montréal, au Canada, mais mes parents sont originaires de la région, ma mère de Toulouse et mon père de Saint-Girons.
RA : Quand et comment as-tu débuté le rugby ?
BP : J’ai vécu jusqu’à mes trois ans au Canada, puis nous sommes rentrés en France, à Chambéry. En 1994, nous avons déménagé à Issoire, dans le Puy-de-Dôme. C’est là que j’ai commencé, à l’âge de sept ans. Mon père est un passionné de rugby. Il a notamment joué pour l’Université Paul-Sabatier et pour le club du Haut Salat, dans le Couserans.
RA : Quel a été ton parcours par la suite ?
BP : J’ai joué sept ans à Issoire, puis je suis parti à Clermont, où j’ai évolué pendant quatre saisons, la dernière au centre de formation. J’ai ensuite passé quatre ans avec les Espoirs de Montpellier avant de jouer deux années à Romans. C’est alors que, en 2012, je décide de partir pour le Canada, non pas pour simplement jouer au rugby mais pour voyager avec ma compagne Clara (qui est depuis devenue mon épouse). Je joue pendant quelques semaines avec Montréal, puis d’octobre à mai, je pars pour la région de Vancouver (Colombie Britannique) à Burnaby Lake, club dans lequel a notamment évolué Mike James, l’ancien deuxième ligne de l’USAP et du Stade Français.
RA: Et là, tout s’accélère…
BP : Oui ! Je suis également convoqué pour le tournoi des provinces, le Canadian Rugby Championship. J’évolue avec le Rock, une sélection de l’Est canadien, et nous rencontrons notamment les Bears de Colombie Britannique et les Blues d’Ontario. En mai 2013, je suis appelé pour les stages d’avant tournée d’été, sur l’Ile de Vancouver, à Langford. C’est un peu le Marcoussis canadien. Le sélectionneur Kieran Crowley (ancien arrière des All Blacks, 19 sélections) semble intéressé. Je rencontre aussi Jamie Cudmore ou encore Gareth Rees, l’ex-ouvreur de l’équipe du Canada (55 sélections). Au final, je ne fais pas la tournée d’été.
RA: C’est à cette époque que tu reviens en France ?
BP: Exactement. J’avais envie de revenir pour rejouer au rugby mais également travailler. Je signe donc à Blagnac (où je joue toujours, malgré une escapade à Castanet en 2015/ 2016) sur les conseils d’Adrien Prat-Marty, que je connaissais depuis mes années montpelliéraines. L’arrivée se passe moyennement, puisque le club a déjà deux talonneurs de très bon niveau (Nicolas Marchand et Nicolas Sentous). Je n’ai pas beaucoup de temps de jeu. Néanmoins, le jeu des blessures en équipe nationale fait que je suis sélectionné pour les tests de novembre, à commencer par celui à Tbilissi contre la Géorgie de Gorgodze et Kubriashvili. On est le 9 novembre 2013 et je vis ma première sélection avec les Canucks. Dans l’effectif, je connais certains joueurs qui jouent en Europe, en France ou en Angleterre. Je suis dans le groupe pour le match. A la 36ème, le talonneur se blesse, je pars m’échauffer. A la 37ème, bagarre générale. Deux rouges. A la 38ème, j’entre en jeu. Au final, on s’incline 19–15 alors qu’on aurait pu gagner. Même chose la semaine suivante en Roumanie (défaite 22–21). Là je joue 80 minutes. Enfin, la tournée se termine par un match au Portugal que nous remportons largement (52–8).
RA : Deux ans plus tard, tu représentes le Canada à la Coupe du Monde 2015…
BP : Je me dis que d’y être, ce serait déjà super. D’autant plus que je ne sais pas si le staff choisira de prendre deux ou trois talonneurs. Le groupe de départ est élargi. Pour ma part, je me marie le 27 juin à Montpellier. Une semaine plus tard, je pars pour la préparation au Canada. Fin juillet, début août, la liste finale est donnée, et je figure dessus. Lors de la Coupe du Monde, je rentre notamment 20 minutes contre l’Irlande au Millenium Stadium de Cardiff. En 2019, au Japon, je joue contre l’Italie et l’Afrique du Sud. A l’issue de cette compétition, j’ai pris ma retraite internationale. J’ai ma famille, je ne rajeunis pas et j’ai un travail qui me prend beaucoup de temps. Difficile de tout mener de front.
RA : Revenons à des questions plus actuelles. Comment gères-tu la période que nous sommes en train de vivre ?
BP : On gère comme on peut, confiné, même si j’ai la chance d’avoir un jardin. Étant donné que cette situation dure, on est dans la gestion avec mon épouse, avec deux enfants en bas âge. Il est impossible de faire de grosses séances de physique puisqu’on ne peut pas s‘éloigner à plus de 500 mètres de la maison. Et puis de toute façon, ce n’est pas recommandé. Le staff nous envoie des petites séances quotidiennes avec des challenges ludiques pour que ça reste agréable. A Blagnac, on n’a qu’un seul joueur professionnel. Le reste de l’effectif est en télétravail ou au chômage partiel. Pour ma part, je suis responsable commercial dans une agence de travail temporaire à Colomiers. J’ai travaillé jusqu’au mercredi 18 mars et la reprise s’est faite le lundi 23. Côté rugby, on avait envie de finir la saison, c’est évident, mais chacun d’entre nous a parfaitement conscience que le rugby est très secondaire à l’heure actuelle.