Franck Maciello, le Directeur National de l’Arbitrage, évoque en exclusivité pour RugbyAmateur, les nouvelles règles à quelques jours de la reprise des séries territoriales. Il revient aussi sur les premiers matchs fédéraux, ainsi que sur des sujets d’actualité. Entre rugby professionnel et rugby amateur, le patron des arbitres français se montre confiant pour l’avenir du rugby et de l’arbitrage…
Les traditionnels stages de début de saison chez les arbitres étaient plus que jamais orientés sur les nouvelles règles de cette saison (50-22, coin volant, joueur pré-accroché, déblayage et sécurité du joueur). Vous étiez présent au stage des arbitres occitans à Gruissan le mois dernier, comme à Souillac la saison précédente (voir article), quel était le ressenti des arbitres face à ces nouvelles règles ?
Comme souvent, dès lors qu’il y a du changement, il y a de l’appréhension. Il faut être pédagogue, s’appuyer sur de la vidéo pour expliquer les bienfaits de ces règles. Les craintes étaient levés au bout de deux jours, chaque arbitre est reparti convaincu, nous sommes sur la bonne voie.
Après trois journées en nationale et en fédérale 1, une journée en fédérale 2, quel est le retour que vous avez des arbitres, mais aussi des joueurs, sur l’application de ces nouvelles règles ?
Je n’ai pas ressenti de réelle inquiétude de la part des joueurs et des arbitres avant les rencontres, ni après. Les nouvelles règles de déblayage au sol et du joueur pré-accroché sont sujettes à discussion, parce que tout à fait assimilées. Mais je note que chacun fait des efforts. Et plus que tout, chacun a bien compris que ces règles avaient pour but d’accélérer le jeu, tout en augmentant la sécurité de tous les pratiquants.
Certains entraîneurs nous font malgré tout remonter que les matchs sont hachés à cause d’un nombre important de fautes sifflées et affirment que le rugby, sport de contacts, se transforme en un sport sans contact. Qu’en pensez-vous ?
Ca me renvoie à la réforme du plaquage, il y a deux ans. Les deux premiers weekend, j’ai entendu les mêmes propos, on disait qu’il n’y avait plus de rugby. Et puis tout est rentré dans l’ordre en quelques matchs. Je le répète, il y a toujours de l’inquiétude quand on touche à une habitude que l’on croyait intouchable. Maintenant, il faut aussi avouer que ce n’est pas toujours simple de digérer ces changements. Tout le monde doit s’accorder dessus, et vous verrez que le jeu sera plus sécurisé et fluide.
Le rugby professionnel influence grandement le rugby amateur. Selon vous, peut il y avoir des règles appliquées au rugby pro et pas au rugby amateur, et inversement ?
On a un rugby spectacle en professionnel, avec des joueurs qui sont de véritables athlètes, et des règles sont faites pour préserver leur sécurité. A une autre échelle, on veut aussi préserver la sécurité des joueurs amateurs, qui s’entraînent comme ils peuvent, une ou deux fois par semaine, donc on ne peut demander la même chose. Les règles s’adaptent aux joueurs autant que les joueurs doivent s’adapter aux règles proposées.
« Le plus gros plaquage auquel j’ai assisté, de près, c’était Sébastien Chabal sur Christophe Deylaud… »
La violence sur les terrains de rugby, fait débat en ce moment, quel est votre avis sur le sujet ?
Dès lors que nos arbitres nous font remonter des violences physiques et verbales, il faut les gérer et les condamner. La violence est peut être différente aujourd’hui. On ne voit plus de bagarre en pro mais plus de plaquages violents, on en a eu un exemple très récemment qui a fait réagir. C’est une forme de violence, qu’il faut combattre fermement, idem dans le rugby amateur bien sûr. Mais je vous avoue que vu le nombre de matchs disputés chaque weekend, les problèmes de violence sont très rares.
Vous évoquiez le plaquage destructeur de Ryno Pieterse sur Maxime Lucu, qui ne mérite aucune discussion sur le carton rouge évidemment, mais il a fait énormément réagir toute la communauté du rugby, pro et amateur. quelle sanction faut-il préconiser pour éviter de revoir ce genre d’agression ?
Tout d’abord, quand j’ai vu l’action à la télé, j’ai sursauté, je suis resté sans voix. Quand j’ai appris que Lucu allait bien, j’étais vraiment soulagé. A partir de là, je me suis dit que l’image du rugby était ternie par ce genre de geste. C’est une contre publicité pour ce si beau sport. L’engagement est une chose, la violence en est une autre. Quand à la sanction préconisée, je fais confiance dans la Commission de Discipline.
Vous avez souvenir d’avoir vu un plaquage aussi violent pendant votre carrière d’arbitre ?
Non. Mais je me souviens très bien du plus gros plaquage auquel j’ai assisté, de près, c’était Sébastien Chabal, dans les années 90, sur Christophe Deylaud. C’était assez impressionnant pour tout dire.
Serge Simon nous dévoilait qu’il y avait une perte de 3% de licenciés chez les joueurs. Qu’en est-il des arbitres ?
Malgré la crise, nous avons réussi à stabilise les effectifs. Notre politique de recrutement a porté ses fruits. Je ne peux pas encore vous donner de chiffres précis, mais il est prévu de faire une analyse plus poussée très prochainement. Ceci dit, je souligne le fait que nous pouvons être satisfaits de maintenir nos effectifs comparativement à ceux de 2019. Tout comme nous sommes ravis de constater que nous avons autant de jeunes arbitres garçons et filles qui grossissent les rangs des arbitres. Je rajoute que nous avons de plus en plus de joueurs qui arrêtent leur carrière et se lancent dans celle d’arbitre. Adrien Marbot est un très bel exemple de joueur pro qui opère en Top 14. Nous avons d’autres exemples de ce genre, et à tous les niveaux, c’est très bien que des joueurs deviennent arbitres, ils ont une sensibilité au jeu qui va aider dans l’application des règles.
La limite d’âge pour un arbitre professionnel est de 45 ans, et de 50 ans pour les niveaux inférieurs. Vous êtes en phase avec cette limitation ?
Les plafonds ont été rabaissés de cinq ans en effet, et je pense que c’est une bonne chose. Il faut créer de l’émulation, pousser les jeunes à s’affirmer. Vous savez, j’ai arbitré pendant plus de 17 ans, et je crois que certains joueurs, voire même des supporters, en avaient assez de moi (rires). Nous avons un bon réservoir, il faut savoir s’en servir et se renouveler, jusqu’à cette limite d’âge.
Pour conclure, avez-vous un message à adresser à tous les clubs amateurs qui reprennent le rugby progressivement ?
Je dis à toutes et tous, que les arbitres et les joueurs ne seront pas en accord sur tout au cours d’un match, que ce soit en pro ou 4ème série. Mais nous partageons la même passion, dont cette crise nous a privés si longtemps. Donc respections les arbitres, qui s’investissent pleinement, n’ont pas la partie facile chaque weekend, et faisons en sorte de profiter du rugby à nouveau. Dans le meilleur état d’esprit possible.
Le mauvais geste de Ryno Pieterse vous a choqué. Et le mauvais coup de sifflet de l’arbitre de la rencontre Prades vs GRUISSAN vous a laissé comment? La situation aurait pu très mal tourner….