« La raison du plus fort est toujours la meilleure… » Ainsi l’écrivait en son temps ce bon vieux La Fontaine dans « Le Loup et l’Agneau ». Si le fabliau n’a pas pris une ride depuis le temps, encore faut-il que la maxime soit une vérité absolue. A quelques minutes du coup d’envoi, c’était pourtant la vérité tant Caussade faisait figure de favori face à l’équipe de L’Isle-en-Dodon. Meilleur premier de poule à l’issue de la phase régulière avec dix-sept victoires pour une seule défaite, les Tarn-et-Garonnais ont ainsi gagné le droit avant tout le monde de jouer en fédérale 3 en septembre prochain. Ils ont aussi assumé leur statut au tour précédent en sortant Bressols sans coup férir (28-6). De son côté, vainqueur de Sigean-Port-La Nouvelle en tour de barrage, L’Isle-en-Dodon ne se présentait pas pour autant en agneau, loin s’en faut. Bien décidé à jouer un tour de cochon au loup caussadais… et à ne pas être le dindon de la farce. Dans un stade Gustave-Plantade de Saint-Orens survolté et gavé de monde jusqu’à la rembarde, la tribune vibrait d’impatience : on se sourit, on plaisante, on se chambre, on se charrie, ça gueule à tribord, ça chante à babord, joyeux charivari sur fond d’odeurs de frites et de saucisses grillées. Tout est alors réuni pour écrire une nouvelle fable du rugby occitan : « La raison du plus fort est toujours la meilleure» ? Le match commence, nous allons vous conter son histoire… (résumé et photos par Wildon)
En quatre minutes de jeu, L’Isle-en-Dodon déflore le score grâce à deux pénalités sifflées en sa faveur. Daran est déjà en mode sniper et ajuste les barres les deux fois d’affilée. Les L’Isle en Dodonais mènent 0-6 après seulement dix minutes de jeu. Semblant plutôt timides ou plutôt à la recherche de leur jeu, les Caussadais enclenchent enfin la seconde puis la troisième. Leur attaque se déploie au grand large dans laquelle Manu Brassac s’engouffre à grandes enjambées. Il parvient à donner le ballon à Lacharme qui s’en va finir le travail en terre promise, Yannick Ricardo, l’entraîneur-joueur-buteur, bonifiant l’ensemble (14e, 7-6). Voilà Caussade qui prend la tête. Logiquement, peut-on entendre en tribune. Sans dire que les Haut-Garonnais se montrent dangereux en phase d’attaque, ils mettent cependant les Tarn-et-Garonnais sous pression et les poussent à la faute. Comme celle du talonneur Boillot qui écope d’un carton blanc pour une « cravate » (17e). Mais Daran rate les perches pour la pénalité qui suit.
Le jeu s’équilibre ensuite, dans lequel L’isle-en-Dodon, par une défense haute et agressive (toujours virile mais absolument correcte), empêche les Caussadais de développer des attaques de grande envergure cantonnées dans de petits périmètres et s’échouant systématiquement sur la ligne adverse. Les ailes coupées, Caussade ne peut déployer l’envol de ses lignes arrières. Pire, ou mieux suivant le bleu supporté : juste avant la mi-temps, L’Isle-en-Dodon bénéficie d’une nouvelle pénalité que Daran a la bonne idée de valider. Son équipe repasse alors en tête (35e, 7-9). Les cinq dernières minutes de la première période sont totalement à l’avantage de Caussade qui vient camper dans la zone des cinq mètres haute-garonnaise. Et lorsque l’arbitre siffle la mi-temps, on peut alors voir les quinze gars de L’Isle manifester sa joie, le poing en l’air, comme s’ils avaient gagné le match. Mais leur « victoire » était surtout psychologique. Olivier Charlas, le co-entraîneur emblématique, le savait bien…
Caussade, « Dodon » de la farce…
Car, de retour sur le pré, Caussade cherche à imposer son style et surtout enfin, trouver la faille dans la défense adverse. Si l’essai attendu ne vient pas, l’arbitre siffle cependant une pénalité en leur faveur pendant que Gilibert prend, à son tour, un carton blanc. Yannick Ricardo passe le cuir et ajoute trois points de mieux dans l’escarcelle tarn-et-garonnaise (51e, 10-9). Quatre minutes plus tard, Cot tente un drop-goal qui rate les perches. Mais l’arbitre revient à une faute préalable pour L’Isle-en-Dodon, Daran passe la pénalité et redonne l’avantage aux siens (55e, 10-12).
A la fable du Loup et de l’Agneau va désormais succéder celui du jeu du Chat et de la Souris. L’un passe devant puis l’autre à son tour et ainsi de suite, sans que Caussade n’arrive à franchir le rideau défensif haut-garonnais. Et l’on croit l’heure caussadaise arrivée, sur l’action de la 67e minute : le jeu se passe côté gauche du terrain, quand Crespo balance une superbe passe à l’anglaise côté opposé. Florian Cacho récupère le cuir en flirtant avec la ligne de touche, enclenche la marche avant et tape à suivre pour lui-même. Malheureusement, sous pression adverse, sa frappe est trop forte et le ballon finit sa course en ballon mort pour quelques centimètres seulement. Un ange passe.
Deux minutes après, c’est encore Crespo qui prend ses responsabilités et balance un joli drop-goal mais qui passe à côté (69e). Le destin du match hésite et les Caussadais voient le temps filer inexorablement. Mais la domination des hommes d’Alexandre Aymar est enfin récompensée quand le dodonais Cortes écope d’un carton jaune. Pénalité que Yannick Ricardo réussit parfaitement (72e, 13-12). On se dit que la victoire est en train de choisir son camp, mais quatre minutes plus tard, et malgré son infériorité numérique, c’est à nouveau L’Isle-en-Dodon qui bénéficie d’une nouvelle pénalité.
Daran ne tremble pas et balance le cuir entre les perches. L’Isle re-re-repasse en tête (76e, 13-15). Caussade jette ses dernières forces dans la bataille. La nervosité gagne l’équipe tarn-et-garonnaise et Dalman prend un jaune pour avoir balancé une « beigne » à Bollé (77e)
Plus rien ne sera marqué et le coup de sifflet final de l’arbitre propulse les Dodonais dans une joie explosive et légitime, en demi-finale et surtout, en fédérale 3. Pendant qu’un silence de cathédrale s’abattait sur l’autre moitié de la tribune, et sur le cercle des joueurs rassemblés autour du terrain. Non, la loi du plus fort n’est pas toujours la meilleure et La Fontaine peut se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’au coude, avec sa fable. A moins qu’on ne se mette à évoquer le lièvre et la tortue, ou bien la cigale et la fourmi. Mais ça, c’est une autre histoire. L’Isle en Dodon vient d’écrire la sienne encore, et l’une de ses plus belles pages sûrement. Avant la prochaine bien sûr, car on y est habitués depuis ces dernières années !
Les réactions
Christophe Lafforgue, co-entraîneur de L’Isle-en-Dodon
Rugby Amateur : Christophe, le premier sentiment ressenti au coup de sifflet final : la joie totale ?
CL : La joie, oui, mais la joie modérée en fait. La joie surtout d’emmener L’Isle-en-Dodon, ce petit village où j’ai grandi, en Fédérale 3 la saison prochaine. C’est un grand moment pour ce club qui n’a jamais connu ce niveau. C’est quelque chose d’énorme. C’est une grosse émotion. Après, c’est une demi-joie parce qu’on est qu’en demis-finales, on n’est pas champion. Mais maintenant que ce cap est franchi, on a faim… et on a soif aussi (sourires). On va tout faire pour aller au bout.
RA : Sur l’ensemble du match, votre force a résidé dans votre défense et dans votre capacité à empêcher Caussade de développer son jeu sur un plus grand périmètre. C’était un objectif, une consigne ou la surprise du jour ?
CL : Ça fait vingt ans que je les entraîne, ils n’ont jamais écouté les consignes. Et aujourd’hui, ils m’ont écouté. Comme quoi, vous voyez… Les consignes étaient claires et on savait que Caussade n’avait pas été pressé en défense pendant toute la saison comme on pouvait être capable de le faire. Aujourd’hui, ils ont respecté les consignes et ils comprennent pourquoi j’ai passé vingt ans à les engueuler à ce sujet… (rires)
RA : Dernière question : à chaque match, vous marchez combien de kilomètres devant votre banc ?
CL : (rires) Énormément ! Mais comme je vais à la chasse à la bécasse, j’ai besoin de m’entraîner !
Alexandre Aymar, co-entraîneur de Caussade
Rugby Amateur : On vous imagine que le sentiment qui domine chez vous, c’est beaucoup de peine et de déception, surtout que cela se joue à peu de chose ?
AA : C’est ça… (silence). On savait que ce seraient des matches qui se joueraient à très peu de points, et ça été le cas. Avec un peu plus de justesse, de précision et de maîtrise, c’est un match que l’on pouvait gagner.
RA : Vous avez été enfermé par la défense très haute de l’Isle-en-Dodon et finalement obligé de jouer en attaque dans de petits périmètres. Cela vous a coupé les ailes ?
AA : Tout à fait. On comptait mettre du jeu mais ils ont eu une défense très agressive qui montait très vite. Il fallait chercher un peu les largeurs et donner plus de ballons vers l’arrière. On a vu aussi qu’on pouvait être maladroit. On n’a pas su gérer notre avance en fin de match. On fait une faute dans nos « vingt-deux » et on prend trois points. Les matches en phase finale se jouent à rien et parfois à un coup de pied. C’est ce qui en fait à la fois leur charme et leur dureté. Tout ceci tient à pas grand-chose.
LA FEUILLE DE MATCH
A Saint-Orens (Complexe Gustave-Plantade) – Caussade – L’Isle-en-Dodon 13-15 (Mi-temps : 7-9)
Pour Caussade : 1 essai de Lacharme (14), 1 transformation (14) et 2 pénalités (51, 72) de Y. Ricardo
Pour L’Isle en Dodon : 5 pénalités de Daran (5, 9, 35, 55, 76)
Arbitre : Mr Lacrampe-Moine, assisté de Mrs Fédacou et Mengelle.
Caussade : Loupias, Boillot, C. Ricardo, Brassac, Dalmon, L.-A. Dubuc, Cubaynes, Barot, V. Dubuc, Y. Ricardo, Cacho, Crespo (cap), Botella, Rouziès, Lacharme – Remplaçants : Audonnet, Bordes, Escudié, Scicluna, Casez, Artoux, Chauderon
Carton blanc : Boillot (17)
Carton jaune : Dalman (77)
L’Isle-en-Dodon : Daneau, Belmonte, Barrière, Tourrou, Gilibert (cap), Molinengo, Samaran, Charlas, Carienc, Cot, Malet, Cortès, Arieu, Daran, Maret – Remplaçants : Bollé, Tourrou, Marrou, Dutrain, Bénazet, Daignan, Soulé.
Carton blanc : Gilibert (51)
Carton jaune : Cortes (72)
PORT-FOLIO
Caussade n’a pas eu assez de résistance tout au long de la saison dans la phase de poule. ..celà leur porte préjudice… déjà le match de 8ème contre Bressols était moyenass …. elle n’a pas montré le visage d’une équipe 1ère des poules d’Occitanie… J’espère pour eux que la route ne sera pas très longue la saison prochaine en fédérale 3…
Il existe le triangle des bermudes mais aussi celui de la save.. Lombez, samatan, rieumes, boulogne sur gesse et l’isle en dodon…. Et d’autres sur les bordures du 31 et du 32…ou entre save et garonnne. Bravo au club du president charlas et surtout a la politique de vases communiquants entre clubs et politique educative