Grégory Mahé a découvert le rugby sur le tard, pour suivre les copains. Quelques années plus tard, le demi de mêlée portait le maillot du Stade Toulousain (au côté de Fred Michalak et Jean-Baptiste Elissalde) puis celui du Stade Français, avec qui il sera champion de France. Sa carrière pro aura des hauts et des bas. Sa vie aussi. Victime d’un AVC (Accident Vasculaire Cérébral) en 2011, Greg s’est battu contre la mort, contre le temps, contre lui-même, pour revenir, petit à petit, plus fort et reprendre le rugby. Il en a profité pour commencer des études de kiné, et en faire son métier.
Un parcours incroyable pour cet grand épicurien convaincu, qui, comme il le dit aussi, a un vrai « pet au casque ». Pour la journée mondiale des AVC, nous souhaitions lui donner la parole. Vous le découvrirez encore plus dans l’émission « Mille et une vies » que Frédéric Lopez lui a consacré il y a 3 semaines, et dont nous vous avons mis le lien en fin d’article… (par Jonah Lomu – RugbyAmateur)
Grégory, tout d’abord, raconte-nous tes premiers pas dans le rugby ?
J’ai joué au tennis jusqu’à 15 ans, j’ai même fait les Petits As de Tarbes, j’avais un bon niveau. Et puis mes amis, mes cousins m’ont tiré le bras pour les rejoindre au rugby. J’avoue que l’ambiance me plaisait beaucoup et je me suis donc laissé entraîner pour mon plus grand bonheur. Et c’est ainsi que j’ai démarré au FC Lourdes à 15 ans. J’ai joué en première à l’âge de 17 ans, puis le Stade Toulousain est venu me chercher.
Tarbais d’origine, Lourdais de coeur et passé par Toulouse donc, as-tu gardé des attaches dans la région du sud ouest ?
Oui bien sûr. Surtout à Lourdes puisque j’y ai encore toute ma famille et bon nombre de mes amis. D’ailleurs, j’y reviens dès que possible, dès que j’ai un week-end de libre. C’est toujours un grand plaisir et… l’occasion de faire la fête bien évidemment (rires).
Pendant ta carrière pro, gardais-tu un oeil sur le rugby amateur ?
Oui, à travers mes anciens coéquipiers qui évoluent à Lourdes ou dans les environs. Que ce soit par téléphone ou Internet, je suis toujours resté connecté aux résultats et à leur actualité. Je pense notamment au club voisin de Lourdes, Adé, où j’y ai pas mal d’amis.
A Bidart où tu as signé cette année, tu es plutôt très loin du monde pro dans lequel tu as évolué à l’époque pourtant ?
C’est sûr qu’en étant pro, tu t’entraînes deux heures le matin, deux heures l’après-midi et puis tu joues le week-end, bref, tu es dans un cocon. Là, je tiens à rendre hommage à tous les joueurs du monde amateur, qui après une journée de travail, prennent le sac pour aller se donner sur un terrain, des fois bons, des fois pas, en oubliant la fatigue cumulée, juste par passion. Je trouve ça beau.
Après avoir été pro dans plusieurs clubs, touché le Brennus, qu’est ce qui te pousse à jouer encore à 36 ans ?
La passion du rugby ! Je prends toujours du plaisir à m’entraîner, à partager cette ambiance, et à jouer bien sûr. La différence, c’est que j’ai le cul aussi lourd que les jambes, mais sinon ça va (rires) ! Maintenant, c’est moi l’ancien, je ressors les mêmes phrases quand on me disait d’en profiter, que ça passe vite.
Ca y est, je dois accepter qu’on m’appelle le papa, ou l’ancien. Mais j‘aime tellement ce jeu, c’est dur de se dire qu’il va falloir raccrocher les crampons. Mais je pense qu’à la fin de cette saison, ce sera la bonne.
Et quand tu arrêteras, que feras-tu de ton temps libre ?
L’apéro sans doute ! Je vais créer une association sportive, un club où on ne jouera ni la première, ni la deuxième mi-temps (rires).
L’AVC dont tu as été victime a changé ta perception de la vie en général et du rugby en particulier ?
Non pas forcément. Le rugby reste une passion comme je te le disais, je me régale toujours autant. sauf que maintenant, plus avec l’âge qu’à cause de l’accident, on prend tout ce qu’il y a à prendre.
Après, pour revenir à mon AVC, c’est vrai que j’ai été surpris par tous les témoignages reçus, j’ai pu m’apercevoir que le monde du rugby est une famille, et là pour le coup, ce n’est pas qu’un mot. Carcassonne, mon club de l’époque, et son Président pour ne citer que cet exemple, ont été d’une extrême correction par exemplaire.
Ce 29 octobre, c’est la journée mondiale de l’AVC. C’est important pour toi qu’une date rappelle à tout le monde ce danger qui peut concerner tout le monde…
Bien sûr. Je me considère comme un survivant. J’interviens tout au long de l’année pour faire des conférences à Paris, Pau, Limoges, dans les hôpitaux qui nous demandent de passer pour discuter avec les patients touchés par des maladies neurologiques. Je retrace mon parcours, la rééducation, car chacun accepte la maladie comme il peut, chacun en a des séquelles différentes, chacun a ses propres objectifs.
Moi, c’était de rejouer au rugby, pour d’autres, il s’agit juste de redevenir autonome, arriver à marcher. Cette journée est un moyen de braquer les projecteurs sur la maladie, ses conséquences, comment la combattre, l’appréhender, c’est très important.
On te connaît bon vivant, mais avec le recul, y a-t-il des choses que tu regrettes ou que tu aurais aimé faire autrement ?
Je n’ai pas pour habitude de me poser ce genre de questions… mais s’il y avait une chose à refaire, ce serait d’accepter le contrat que Max Guazzini me proposait quand il voulait me prolonger au Stade Français. Je jouais beaucoup avec Augustin Pichot, et moins avec Jérôme Fillol, ce qui était normal, car il était meilleur. Mais je voulais jouer plus. Et j’ai signé à Narbonne en définitive, qui était en Top 14 à l’époque. Mais sinon, je ne regrette rien. La vie est belle non ?