Chaque jour apporte son lot d’informations et un suivi précis sur l’évolution du coronavirus dans le monde et en France. A 15 jours de début des compétitions officielles en rugby amateur, certaines voix s’élèvent pour manifester leur inquiétude quant à une situation difficile à maîtriser. Il est vrai que si l’exemple est supposé venir d’en haut, le Top 14 et la Pro D2 ne sont guère rassurants au vu des nombreux cas positifs officialisés ces derniers jours. C’est à partir de ce constat que Franck Mondon, président de la Vallée du Girou (Fédérale 3), s’exprime sans détour sur RugbyAmateur. Synonyme de cri d’alarme. Au nom d’une majorité de clubs ?
Franck Mondon, suite aux propos du président de la Ligue Occitanie, Alain Doucet, dans nos colonnes cette semaine (voir article), concernant la reprise des championnats, vous teniez à réagir…
F.M. : Oui, j’ai bien compris son message et sa volonté. Mais je tenais à réagir car il y a des disparités énormes entre le rugby professionnel et l’amateur, par définition. Nous n’avons pas les mêmes moyens et les mêmes outils pour nous assurer que chaque personne du club n’est pas touchée. Les clubs de Top 14 découvrent des cas en faisant deux tests par semaine. Nous, c’est impossible d’en faire ne serait-ce qu’un de temps en temps, et il n’aurait que peu de valeurs car il faudrait en refaire un chaque semaine, pour chaque joueur. J’ai acheté un thermomètre frontal, certes, comme seule arme pour détecter d’éventuels fiévreux à l’entrée d’un stade. Mais ce n’est pas suffisant pour garantir un dépistage sérieux. Nous avons reçu un protocole à suivre, nous l’avons respecté, et après ? Nous sommes toujours dans l’inconnu il me semble, et dans la contradiction aussi.
C’est-à-dire ?
Les instances nous autorisent à jouer, ok, mais nous n’avons pas accès aux installations, parce que les mairies ne veulent pas prendre de risque.
Au-delà des décrets et des protocoles, les mairies ont des positions différentes en effet, mais restent les derniers décisionnaires des accès de leurs installations…
Et je le comprends bien. Mais nous allons jouer un match amical à Tournefeuille, où toutes les installations, vestiaires et douches sont ouverts. Pareil à Grenade, autre club de fédérale 3, qui fait nettoyer soigneusement le tout par les agents municipaux ensuite. Nous, à Pechbonnieu, village où l’on joue, tout est fermé. Il faudrait qu’il y ait une décision unique et cohérente pour tout le monde
Vous pourriez aussi envisager de délocaliser provisoirement vos entraînements et vos matchs dans une commune qui autorise les accès aux vestiaires ?
Oui, en effet. Mais je trouve que c’est faire beaucoup, beaucoup d’efforts, en plus, qui s’avéreront je pense, inutiles et risqués.
On vous sent particulièrement craintif et soucieux…
C’est normal non ? Imaginons un exemple très simple : nous sommes autorisés à jouer. Nous pouvons prendre toutes les précautions nécessaires et respecter tous les protocoles, il peut y avoir un cas de covid malgré tout qui nous échappe, car tous les joueurs, tous les entraîneurs, tous les soigneurs, ne font pas de test. Et si ce cas n’a pas de conséquence au niveau de la santé d’un joueur, jeune et en pleine forme, en sera-t-il de même pour des dirigeants et bénévoles, retraités et plus âgés ?
« J’ai conscience qu’il y a des gens qui en vivent, mais ce serait tellement plus dramatique que des gens en meurent ! »
Vous craignez que l’un d’eux puisse être plus durement touché ?
Mais évidemment ! J’ai même peur pour leur vie, tout simplement. Je dis que dans les circonstances actuelles, il est impossible de débuter le championnat. Je vais même plus loin, c’est criminel si on commence ! Le rugby, c’est une passion, on adore ce sport, mais au moment où l’on se parle, c’est secondaire.
Vous n’imaginez donc pas débuter le championnat à la date prévue ? (le 13 septembre à Sor Agout, le weekend suivant, réception de Quillan)
Comment puis-je l’imaginer ? Avec des vestiaires fermés, impossible de se changer et de se doucher. Par temps de pluie, on fait comment ? Et puis, sans buvette, sans club house, pas de recette, c’est inconcevable. Je le redis, décalons le début des championnats, nous y verrons sans doute plus clair sur cette situation qui reste vraiment floue. Le rugby et le sport en général sont secondaires. J’ai bien conscience qu’il y a des gens qui vivent pour le rugby, qui en vivent, mais ce serait tellement plus dramatique que des gens en meurent !
Vous n’êtes donc pas en accord avec ceux qui disent que la vie doit continuer, tout en étant très strict sur le respect des protocoles sanitaires ?
Je veux bien avoir cette vision oui, comme citoyen. Il s’avère que je suis président de club aussi, et qu’à ce titre, si un licencié, un bénévole de mon club, venait à décéder, qui serait le responsable de ce drame ? On peut en discuter, mais si c’est devant un tribunal, la FFR serait présentée comme organisatrice d’une compétition, et les clubs responsables de leurs joueurs et encadrement. Je serai donc pointé du doigt, c’est certain, en m’accusant de ne pas avoir fait respecté le protocole, de ne pas avoir assurer une auto-évaluation impossible à garantir à 100%. Même chez les pros, ils n’y arrivent pas.
Que suggérez-vous dans ce cas ?
Je le redis encore très clairement : on met tout en attente. La situation est encore trop incertaine, on navigue à vue. Alain Doucet vous a déclaré qu’il y avait un plan B, et un plan C, pour décaler les championnats, au cas où. Je suis en parfait accord avec cette idée-là oui. Je comprends que cela puisse déplaire, mais je suis certain que je dis tout haut, ce que d’autres pensent tout bas.
Tout à fait d’accord avec toi Franck. Tous les clubs amateurs vivent la même situation avec beaucoup de difficultés et peu d’accompagnement pour tous qui veulent sécuriser au max …
Gilles Dubreuil
Xv de la Save