Le superbe complexe sportif René Carayol (81), où évolue habituellement l’US Aussillon-Mazamet, équipe de 2ème série, a été le théâtre ce dimanche 15 mai, de la finale Honneur Occitanie 2022. Sous un franc soleil et un vent d’autan colérique, 1 000 supporters venus en bus ou par leurs propres moyens, de l’Hérault et du sud toulousain ont pris place pour assister à cette belle affiche. Sète, invaincu depuis le début de cette saison, avait les faveurs des pronostics. Cazères-Le Fousseret, auteur d’un superbe parcours également, avait de sérieux arguments à faire valoir. Sous les yeux d’Alain Doucet, président de la Ligue Occitanie, Daniel Fabre, président du Comité Haute-Garonne, et Marie-Pierre Pagès, trésorière de la FFR, cette finale a tenu toutes ses promesses, jusqu’à l’ultime seconde de jeu… (par Jonah Lomu, photos Christophe Fabriès)
Après le coup d’envoi pour Sète, vent dans le dos, on devine rapidement les intentions de jeu de chaque équipe. Au large pour des Cazériens entreprenants, au près pour des vaillants Sétois. A 40 mètres face aux perches, et au vent donc, Alary sanctionne l’indiscipline sétoise au sol et pour un plaquage haut. L’ouvreur passe avec aisance deux pénalités et permet à son équipe de prendre le score rapidement (6-0, 7ème minute). Sète contrarié dans le jeu, et en conquête, a manifestement du mal à se trouver, et son indiscipline n’aide pas. En revanche, l’UCF envoie du jeu, bien huilé, dès que l’occasion se présente, mais des petites maladresses empêchent la continuité mais pas l’occupation du terrain ni la possession du ballon. La paire de centres Portet-Pagès monopolise la défense adverse, libère des espaces dans lesquels leurs coéquipiers tentent de s’engouffrer, mais les Sétois, sur le reculoir certes, font bonne garde. Ils font preuve de réalisme quand leur buteur Amakrane sanctionne un plaquage haut par une pénalité bien frappée (6-3, 27ème).
Sur le renvoi, superbement capté dans les airs par Bourdeil, Cazères-le Fousseret relance depuis ses 22, renverse le jeu, crée des points de fixation pour mieux libérer la cavalerie. Alary passe au pied pour Dupuy, stoppé illicitement. La pénalité aux 22 mètres est une formalité pour Alary (9-3, 31ème). Dans la foulée, Ragno et Espinosa, les deux piliers sétois sont mis à contribution pour faire avancer leur équipe, ce qu’ils parviennent à faire avec beaucoup de volonté. Ils obtiennent une pénalité pour une faute au sol adverse. Bien qu’en bonne position, le buteur maison choisit la pénaltouche. Mais le ballon est contré et Cazères-Le Fousseret se dégage. Le jeu restera cantonné aux 50 mètres jusqu’à la fin d’une mi-temps globalement à l’avantage des Haut-Garonnais, malgré le vent contre.
Jeu, Sète et match !
Et ce vent, l’arrière Cruzel et l’ouvreur Alary, vont s’appuyer dessus pour trouver de belles touches et maintenir sous pression les Sétois durant tout ce deuxième acte. Cruzel s’intercale aussi dans les offensives de son équipe pour apporter le surnombre, mais la défense glisse bien et ferme les moindres espaces. Le match a du mal à s’emballer tant les deux formations, dont l’engagement est total, commettent quelques maladresses qui mettent fin à de louables initiatives. Les premiers remplacements sont opérés. Parmi eux, l’entrée du colosse sétois Wolff. Ce dernier ne tardera pas à se mettre en évidence en étant à la conclusion d’une séance de pilonnage en règle qui fait plier pour la première fois de la partie l’UCF. Le gaillard barbu s’offre au passage un joli cadeau d’anniversaire. Un essai contesté pour un ballon relâché mais qui a échappé à la vigilance des arbitres. Amakrane, pourtant redoutable buteur, rate une transformation largement dans ses cordes et laisse son équipe derrière au score pour un point (9-8, 53ème).
Les défenses prennent ensuite le dessus sur les attaques. Pour preuve cette montée agressive cazérienne qui met à la faute l’arrière garde sétoise. Des 40 mètres face aux perches, Alary prend le but, mais rate la cible. L’arrière Cruzel n’est pas plus en réussite sur un drop longue distance. Ce dernier tentera même une pénalité de 60 mètres, mais le ballon rebondira avant les perches, puis sur la transversale. A défaut de prendre le large au score, Cazères-le Fousseret occupe le terrain par du jeu au pied dosé, rasant et tendu, qui laisse les Sétois dans leur moitié de terrain. Ces derniers subissent mais n’encaissent pas de point, malgré une nouvelle tentative longue portée de Cruzel sur un drop manqué de peu. Il reste cinq minutes à jouer, et Alary a une nouvelle opportunité de passer trois points suite à nouvelle faute au sol sétoise. L’ouvreur de l’UCF ne rate pas l’occasion de donner quatre points d’avance à son équipe (12-8, 75ème).
Sète, avec vaillance, jette ses dernières forces dans la bataille, mais en face, ça plaque à tour de bras et aux chevilles. Il reste une minute à jouer, et un ballon gratté par les avants héraultais permet d’obtenir une pénaltouche. Une dernière munition mise à profit pour enclencher un ballon porté, écroulé illicitement. Nouvelle pénaltouche, bien captée par les avants sétois, qui vont cette fois, pilonner. Ce jeu à une passe met à mal la défense cazérienne, qui fait front. Sète décide alors d’écarter le jeu à l’aile, le surnombre est en bout de ligne, l’ailier Gimeno déborde et termine le travail en plongeant en terre plus que jamais promise. Certains joueurs Haut-Garonnais interpellent l’arbitre pour un en-avant de passe présumé, d’autres sont déjà au sol, anéantis par cet essai, certes non transformé (12-13), mais suffisant pour leur ôter des doigts un bouclier qui leur semblait promis.
A trop vouloir gérer son avance en deuxième période l’UCF a peut-être laissé passer sa chance. Les balles de match ne manquaient pas pourtant. Sète a fait le dos rond avant de croire en ses chances puisque toujours dans le match au tableau d’affichage. Un joueur cazérien venu à notre micro une heure après la rencontre nous confiera dépité :« La meilleure équipe n’a pas gagné ! ». Sur ce match, difficile de faire un autre constat. Mais impossible pour autant d’enlever le mérite aux vainqueurs, qui tenaient un autre discours évidemment, après un scénario une nouvelle fois improbable comme en demi-finale contre Mauvezin. Une 18ème victoire en autant de matchs, qui sacre une équipe invaincue, solidaire, capable de déjouer tous les pièges, même face à une équipe supérieure techniquement. Les hommes de Bruno et Alexandre Ruiz, mais aussi de Brian Liebenberg et David Carayon, ont su trouver les ressources pour mener au score une fois dans ce match, mais au meilleur des moments. Le seul qui compte, qui vous permet de lever les bras au ciel et d’aller chercher le 5ème bouclier de l’histoire du club, après le bouclier des terroirs héraultais il y a un mois. « Une finale, ça ne se joue pas, ça se gagne », le célèbre dicton a pris encore plus d’épaisseur hier au coup de sifflet final…
Réactions
Jean-Luc Fabre (président Sète) : « J’ai été président pendant de longues années, et je crois que je n’ai jamais vu une équipe avec autant de coeur, nos joueurs ont été énormes, ils ne lâchent rien, jusqu’à la dernière seconde, je ne sais pas où ils vont chercher cette énergie mais c’est une bande de copains, qui se donnent sans compter, c’est vraiment énorme. Ils nous procurent beaucoup d’émotions, ils me bouleversent à chaque match. J’en pleure de joie et d’émotion. »
Florent Bellini (3ème ligne centre et capitaine Cazères le Fousseret) : « Pour gagner en Honneur, il faut visiblement savoir mettre des coups. Toutes les équipes qui ont jouées Sète dans ces phases finales ont dit la même chose aussi, mais c’est une équipe qui ne prend pas de carton, donc sûrement que les arbitres ne voient rien, ou bien les Sétois sont très discrets. La moitié de l’équipe a les yeux en sang, mais bon c’est le jeu a priori. C’est vraiment triste, j’ai un gros sentiment d’injustice. Notamment sur l’en avant d’un mètre sur le dernier essai, que les 1 000 personnes présentes voient, sauf les arbitres. »
Alexandre Ruiz (co-entraîneur Sète): « On a été sous pression tout le match, mais au final, on marque deux essais, on est allés chercher cette victoire au courage et au forceps, ce qui fait notre force depuis le début de l’année, et c’est ce que je veux retenir avant tout. Notre club récolte le fruit de nombreux efforts, a répondu aux exigences fédérales. Ne parlons pas de la non montée il y a deux ans, personne ne nous a empêchés de monter, il y avait des règles définies, c’est ainsi. Aujourd’hui, notre école de rugby était présente en masse pour nous soutenir aujourd’hui, on a des cadets et des juniors, ce qui n’était pas le cas par le passé, le club se donne les moyens d’avancer, se structure et ce bouclier vient couronner tout ce travail entrepris depuis plusieurs saisons. »
Michael Wolff (pilier et auteur du premier essai sétois) : « C’est la victoire de toute une équipe, invaincue depuis 17 matchs, on ne pouvait pas perdre cette finale. On savait que ce serait dur contre cette belle équipe de Cazères, qui méritait autant que nous ce titre, mais on a rien lâché jusqu’au bout, c’est un peu notre marque de fabrique. Le travail paye, et on est tous très contents. On va bien fêter ça à Sète, en plus de mon anniversaire (rires)
Quentin Bourdeil (3ème ligne aile Cazères) : « On est très déçus, car on a peut être fait notre meilleur match de l’année, autant devant que derrière, on y a mis toute notre énergie, donc on est forcément frustrés de perdre, et surtout de cette manière. »
Brian Liebenberg (co-entraîneur Sète) : « Une finale se joue jusqu’à la dernière seconde. On était dans le match, à quatre points, il fallait marquer un essai pou gagner et les joueurs ont tout donné à la fin pour y parvenir. On a eu du mal à sortir de notre camp contre le vent en seconde mi-temps, mais on revient à la fin, au courage, on marque sur la dernière action, sans avoir renoncé une seule seconde, c’est beau, ça fait chaud au coeur. C’était une belle bande de copains, ce seront des amis pour la vie maintenant. On est désolés pour nos adversaires, car à quelques secondes près, ils étaient champions, c’est une bonne leçon de vie encore une fois, il ne faut jamais rien lâcher. C’est dur pour le camp d’en face, mais nous, on prend cette victoire et ce titre avec beaucoup de bonheur. »
Mouss Amakrane (ouvreur Sète) : « On est dominés sur l’ensemble du match, mais on l’emporte sur cette dernière action, ce qui prouve notre solidarité. Je comprends la déception de nos adversaires, mais on n’est pas invaincus sur toute une saison pou rien. Je vais dire une banalité, mais une finale, ça ne se joue pas, ça se gagne. »
Jordan Jacques (3ème ligne aile Cazères-Le Fousseret) : « On a été au-dessus toute la partie, on voulait gagner dans le respect, avec la manière, et sur la dernière action, on prend une pénalité, une pénaltouche et puis cet essai… Il y a de quoi être dégoûté car on a fait un gros match. Surtout que l’on a pris des coups toute la partie, sans rien dire, j’avoue que je n’avais jamais vécu ça avant, jouer une équipe qui met autant de coups dans les regroupements, c’est hallucinant. Je pense vraiment que la meilleure équipe n’a pas été récompensé, c’est très dur en encaissé. »
Alain Doucet (Président de la Ligue Occitanie) : « On a vu deux belles équipes, avec des forces différentes. Le vent a eu son importance. Le match a été disputé et serré jusqu’au bout, il fallait un vainqueur et Sète est allé chercher sa victoire à la fin. Il y a toujours un heureux et un malheureux dans une finale, c’est comme ça depuis toujours. Je souhaite aux deux équipes une longue route en championnat de France également, on leur souhaite de porter haut les couleurs de l’Occitanie. Je veux souligner l’excellent arbitrage de cette rencontre par M. Maset qui s’ouvre les portes d’une grande carrière je pense. Il n’y a pas eu un seul mauvais geste, pas un seul carton, pas un mouvement de mauvaise humeur, il faut féliciter l’excellente tenue des deux équipes que je félicite encore. Notre Ligue a de beaux représentants, en séniors, chez les jeunes, et les féminines, il faut continuer à travailler, car nous avons une hausse de 13% des effectifs, c’est assez inespéré après la période que nous avons traversé. La Ligue Occitanie se porte bien, que ça continue. »
Thierry Raufast (co-entraîneur Cazères) : « Mon premier sentiment, c’est la frustration par rapport à l’investissement des joueurs. Les matchs de phases finales se jouent sur des petits détails. Nous, on a produit notre jeu, on ne peut pas regretter grand chose. On prend cet essai à la fin, on me dit qu’il y a un en avant, l’arbitre ne le voit pas, mais que voulez-vous, c’est la loi du sport. Je ressens beaucoup de frustration pour le club, les dirigeants, les bénévoles et les supporters. Nos joueurs sont très déçus bien sûr, car on avait tous envie de lever ce bout de bois, c’est dur. Les joueurs sont frustrés aussi de voir qu’en respectant les consignes de ne pas répondre aux provocations, ni aux mauvais coups, ils ne sont pas récompensés pour autant. L’arbitre de champ a fait un bon match dans l’ensemble, mais il ne peut pas tout voir, il doit pouvoir compter sur l’aide des arbitres de touche, qui visiblement, n’ont rien vu, ou n’ont pas pris toutes leurs responsabilités. On va digérer, évacuer cette frustration et basculer sur le championnat de France. »
David Merenda (3ème ligne aile Sète) : « On s’était préparés à une match difficile, on l’a eu. Cazères n’a pas démérité, le scénario est cruel pour eux, mais on y a cru jusqu’au bout, on ne vole pas le titre, on est allés le chercher. On est très heureux pour tout le club et la ville, qui nous soutient. La fête sera belle ! «