Finale championnat de France Régionale 2 – Les « mercenaires » de Corbières XV vous saluent bien
Cette finale 100% occitane entre Corbières XV et Millas avait commencé dès le lundi suivant les demies, de par le choix surprenant de son terrain. Pas de Leucate comme beaucoup le pensaient, mais un rendez-vous en terre ariégeoise, à Lavelanet. Qu’importe l’éloignement et le stade, pourvu qu’on ait l’ivresse. Les supporters se sont donc déplacés en masse. Plus de 2 500 personnes étaient présentes au stade Paul Bergère pour assister à ce choc final que certains présentaient comme déséquilibré. Il est vrai que Corbières XV, champion de l’Aude et d’Occitanie, présentait un beau CV, en plus de celui de ses entraîneurs et de ses joueurs, issus pour la plupart, de niveaux bien supérieurs. Et si Millas endossait avec plaisir le costume de David contre Goliath, (malgré son statut de vice champion de France de 2ème série 2022), les regards déterminés des joueurs catalans ne laissaient planer aucun doute sur le combat qu’ils s’apprêtaient à livrer sous la chaleur lavelanétienne. Après tout, ils étaient les seuls à avoir fait tomber l’ogre audois cette saison… (par Jonah Lomu, photos Pascal Villalba)
Quel combat ! 80 minutes d’un engagement total, des plaquages à tour de bras, des relances, et des rucks disputés farouchement à chaque coin du terrain. La pause fraîcheur était la bienvenue, mais la première période restera cadenassée par des défenses hermétiques. Le tableau d’affichage ne sera sollicité que par des pénalités : 3 pour Millas dont une à la 40ème, et 2 pour Corbières. Tout restait donc à faire (9-6).
De retour des vestiaires, les Audois, léger vent dans le dos, mettaient la main sur la ballon. Une pénalité de Chiquillo remettait les deux équipes à égalité (9-9), avant que l’ailier Mendoza ne trouve un espace pour concrétiser la domination des siens. Malgré la transformation ratée, Corbières prenait l’avantage pour la première fois (14-9), et l’on se disait que le match venait peut-être de basculer.
Mais les Catalans ont du coeur, des bonnes mains et des jambes. Ils le prouvaient dix minutes plus tard, avec une action d’envergure, des passes sur un pas, et un ballon qui virevoltait jusqu’à l’aile de Martinez, qui en plus d’être bon buteur, démontrait ses talents de finisseur avec un essai en coin, qu’il ne transformera pas (14-14, 57ème).
Le courage de Millas, la fraîcheur et le banc de Corbières XV
Corbières XV faisait rentrer du sang frais, mais il en est un qui ne manquait pas de globules rouges ni blancs, c’est Kévin Demilly. Le musculeux et tonique 3ème ligne centre audois, continuait son travail de sape à grands renforts de percussions dévastatrices. L’incroyable courage de la troisième ligne catalane ne suffisait pas à stopper le Terminator de Corbières à l’heure de jeu, inarrêtable à 10 mètres de la ligne d’en-but. Thibout, entré à l’ouverture à la place de Chiquillo deux minutes auparavant, transformait (21-14). Millas accusait le coup, Corbières venait de prendre un ascendant psychologique certain, en plus du physique. Pourtant les Millassois opposaient une résistance exemplaire, et faisaient don de leur corps sur chaque assaut adverse.
Thibout, l’ouvreur sans numéro dans le dos (la légende raconte que le maillot numéro 20 était trop petit pour ses larges épaules), ratera une première occasion de mettre les siens à l’abri d’un essai transformé, mais marquera les trois derniers points de la partie à la 71ème (24-14). Car Millas, malgré son évidente volonté de marquer, n’avait plus d’essence dans le moteur. Le banc aura joué son rôle dans une partie qui a basculé à l’heure de jeu. Flavien Hourquet, l’arbitre de Pro D2, sifflait la fin du match.
Corbières tenait son exploit et son triplé: champion du terroir, d’Occitanie et de France. Millas trébuchait pour la deuxième année consécutive sur la dernière marche. Cruel, mais pas illogique au vu d’une partie globalement maîtrisée par les hommes du trio Clavières-Rosalen-Régy. Un véritable match « d’Olmes », à l’image des deux paquets d’avants, titulaires et remplaçants, tous auteurs d’une énorme prestation. La profondeur du banc de Corbières aura compté à l’heure de jeu, pour finir de mettre sur le reculoir des Catalans impressionnants de volonté, et une troisième ligne d’un niveau bien supérieur à la régionale 2, avec un Le Gal des grands jours.
Cédric Rosalen : « On ne nous a pas donné le respect que l’on méritait »
« Mercenaires, mercenaires, mercenaires… » le chant ironique des joueurs audois après la remise du bouclier se passait de commentaires. Lassés, voire remontés, contre toutes celles et ceux qui les ont fustigé tout au long de cette saison de jouer avec l’entente des 4 villages pour l’amour de l’argent, plus que pour celui du maillot, ils ont répondu sur le pré et après la rencontre de manière forte et claire.
Cette entente entre Saint-André, Bizanet, Montredon, Moussan, Névian, et Narbonne-Plage ne puise pas sa réussite que par le soutien viticole local, en la personne de Gérard Bertrand. Henri Marty, co-président de Corbières XV tenait à le souligner avant, et forcément après cette finale : « Ce groupe de joueurs est exceptionnel. Ce sont de bons mecs, qui aiment le rugby, se retrouver sur et en dehors du terrain, ils bossent dur et méritent plus de respect. Ceux qui nous critiquent sont jaloux de nous je pense. »
Un respect réclamé aussi par Cédric Rosalen. L’ancien joueur narbonnais et entraîneur gruissanais, arrivé en début de saison dans ce tout jeune club, rappelle à qui veut l’entendre, que pour gagner trois titres, il faut un véritable état d’esprit. Une manière comme une autre d’indiquer que le soutien de Gérard Bertrand, ex-troisième ligne narbonnais devenu vigneron mondialement connu, est aussi un choix du coeur. Saint-André de Roquelongue ayant été présidé par un certain Georges Bertrand, père de Gérard.
Le vignoble des Corbières est devenu leader du Languedoc Roussillon, grâce à l’association de plusieurs cépages. Côté rugby, Corbières XV est devenu un jeune club, triplement couronné, grâce à plusieurs villages audois, où le rugby, les hommes et le vin, font bon ménage. Et la réussite se déguste sans modération…
Réactions
Christophe « Pépé » Pérez (co-entraîneur de Millas) : Pas trop de regrets à avoir face à une équipe qui a dominé le championnat, même si on perd sur quelques détails, sans doute que la marche était trop haute. Mais je tiens à féliciter les garçons pour leur match et leur état d’esprit. On était en 2ème l’an dernier, on se hisse pour la deuxième fois en finale du championnat de France en deux ans… ce qui fait le plus mal je crois, car on déplace beaucoup de monde. Corbières avait plus de maîtrise que nous dans les moments clés. »
Cédric Rosalen (co-entraîneur Corbières XV) : « Mon premier sentiment, c’est la fierté. Fierté pour les joueurs qui se sont envoyés pendant 10 mois. C’est une saison longue, usante, qui demande une remise en question permanente. L’autre sentiment, c’est le respect… car on ne nous l’a pas donné. Beaucoup d’équipes, beaucoup de monde a dit que nous étions une équipe de mercenaires : aujourd’hui, que ce soit sur le terrain ou en tribunes, on a montré qu’on était un vrai club. Avec Seb (Régy) et Thomas (Clavières, on l’a découvert, on nous a accueilli les bras ouverts, et ça fait chaud au coeur. Il faut savourer ces moments, c’est important, il faudra aussi recharger les batteries, car on est des compétiteurs, et on a de grosses ambitions pour la saison prochaine. On ne veut pas se contenter d’un belle saison, on tâchera de répondre présent encore, je m’y engage. »
Cédric Zucco (centre de Corbières XV) : très heureux, on a un groupe jeune, qui est monté en puissance au fur et à mesure des matchs, on a pris confiance, notamment durant les phases finales, où l’on a livré de grosses performances. Ce triplé, on ne l’aurait pas cru en début de saison, mais là, on y est, on en réalise pas trop, mais c’est une grosse fierté
Benjamin Gimenez (deuxième ligne Corbières XV) : J’avais arrêté le rugby pendant deux ans, j’ai suivi mon frère en lui disant que j’avais envie de faire une dernière saison avec lui, et nous voilà aujourd’hui champions de France, et même avec trois boucliers, c’est exceptionnel. On va profiter maintenant, et réfléchir si on repart pour un dernier tour, on verra bien
Benoît Balès (3ème ligne aile Corbières XV) : C’est le travail de toute une saison qui est récompensé, les émotions sont fortes, c’est que du bonheur. Voir le soutien de tous nos supporters, c’est magique, c’est vraiment un grand moment pour nous tous, Il faut féliciter Millas dont on connait les valeurs, une belle équipe
André Faliu (co-président Millas) : Malgré cette défaite, le bonheur prend le dessus sur la déception. Se retrouver en finale de championnat de France, c’est une belle aventure, terminer à 10 points de Corbières, c’est très honorable, on est au coude à coude pendant une heure, il nous aura manqué un peu de sérénité et de densité physique peut être, compensée par un coeur énorme. Corbières fait un beau champion de France, quant à nous, on va se remettre au boulot pour faire mieux l’année prochaine.
Sébastien Régy (co-entraîneur Corbières XV) : Il a fallu attendre une heure de jeu pour prendre le dessus, et encore, rien n’était fait. On sentait nos gars plus frais malgré tout, je crois que la victoire est méritée. Ces trois titres, c’est quelque chose de fort, on a senti le groupe progresser au fur et à mesure des rencontres. Je suis très heureux pour eux, pour nous, et pour tous les supporters qui nous encouragent depuis le début des phases finales. A nous de bien travailler pour être au niveau la saison prochaine.
Olivier Allègre (2ème ligne Millas) : On a répondu présent dans l’envie face à une équipe de Corbières bien armée pour le combat. Avec le vent en première période, on est dans le coup. En seconde période, ils sont plus mobiles, plus solides, ils ont pris l’ascendant physiquement et dans le jeu. Mais je pense que l’on peut être fier de nous, car on a tout donné. L’an dernier contre Caraman, on pouvait avoir des regrets car le bouclier nous tendait les mains, mais cette année, je crois qu’on ne pouvait pas lutter 80 minutes sans craquer une fois. Mais je le répète, soyons fiers de notre saison et de notre finale.
Romain Nierga (co-entraîneur de Millas) : très déçu pour les joueurs, ils ont mis beaucoup d’énergie, et tellement de coeur pour remporter cette finale… on voulait faire plaisir à tous nos supporters aussi. Les gars ont mis les ingrédients nécessaires, mais on a commis quelques petites erreurs, bien exploitées par un adversaire de grande qualité. On les a fait douter, mais pendant une heure. Ensuite, on a senti qu’on reculait de plus en plus, on s’est battus avec nos armes, on peut être fiers de notre parcours.
Gérard Bertrand : 3 000 personnes pour une finale de Régionale 2, c’est déjà une première victoire, et une belle fête populaire. Je suis évidemment très heureux de ce titre, qui démontre toutes les valeurs de ce groupe avec un staff de grande qualité. Le rugby de nos villages vit grâce parfois à ce genre d’entente, et permet de partager de grands moments d’émotions. Il faut assurément préserver notre rugby amateur
Jérémy Le Gal, 3ème ligne de Millas : On savait qu’une des clés de cette finale se jouerait en troisième ligne. Ils ont un gros 8, voire deux en fait. On s’est épuisés à défendre sur le premier, mais quand ils ont fait rentrer leur banc, on a senti qu’on était sur le reculoir. Corbières, c’est une grosse machine, aujourd’hui, on était David, et eux, Goliath. On avait à proposer notre courage, notre coeur, et des c…., on a tout donné. Quand on revient à 14-14, on y croit, mais on sait qu’une finale se joue à des détails, dans notre cas, c’est un en-avant, un mauvais renvoi, Corbières a su exploiter nos petites erreurs, c’est comme ça. L’an dernier, on s’était promis de revenir en finale, on est revenus. On dit jamais deux sans trois, alors on va revenir plus forts, et cette fois, on gagnera.
Kévin « Terminator » Demilly (3ème ligne centre Corbières XV) : Il a fallu s’envoyer pour venir à bout de cette belle équipe de Millas. J’y ai laissé un nez oui, mais ce n’est pas grave, ça valait le coup. On a tout donné, et il fallait ça pour l’emporter aujourd’hui. Très content, très fier de cette victoire, de cette saison, le groupe est vraiment formidable. On va bien fêter ce titre… euh ces trois titres (sourires)
Flavien Hourquet (arbitre de la rencontre) : Nous avons assisté à une belle finale, entre deux belles équipes, qui se sont engagées totalement, et sans mauvais geste. Malgré tout ce qui avait pu être dit durant la semaine, tout s’est bien passé. Qu’importe le niveau, l’objectif était de vivre une belle finale, d’avoir un arbitrage le plus cohérent possible, pour que la décision finale ne vienne que du terrain. Je crois que nous y sommes parvenus, j’en suis très heureux, comme j »étais très heureux d’être là. Félicitations aux deux équipes.
Feuille de match
Dimanche 25 juin 2023 à Lavelanet (stade Paul-Bergère), Corbières XV bat Millas 24-14 (mi-temps : 6-9)
Arbitre : Flavien Hourquet
Corbières XV : 2 essais Mendoza (46), Demilly (60) ; 1 transformation Thibout (60) ; 4 pénalités Chiquillo (22, 40, 44), Thibout (71)
Millas : 1 essai M. Martinez (57) ; 3 pénalités Martinez (15, 30, 40)
Cartons jaunes : Llech (6) pour Millas
CORBIERES XV : Hurth – Drugeon, Zucco, Lopez, Mendoza – (o) Chiquillo, (m) Rodriguez – Le Cornec, Demilly, Balès – B. Jimenez, N. Jimenez (cap.) – Brison, Rivas, Barrancos.
Remplaçants : Solves, Bousquet, Le Piver, Folch, Barriac, Barreda, Thibout.
US MILLAS : Fardau – M. Martinez, Bosch (cap.), Guenoun, Collgros – (o) Y. Amrani, (m) G. Amrani – Maincent, Touxagas, Le Gal – Enrique, Allègre – Suro, E. Martinez, N. Llech.
Remplaçants : Cotelle, Moulenat, Durand, Aouissi, J. Llech, Coll, Pech