L’espace d’un après-midi, Beaumont-de-Lomagne est devenu la capitale du rugby tarn-et-garonnais. Et il faut dire que le club avait mis les petites assiettes dans les grandes, déjà lors d’un superbe banquet pour 450 (!) convives ravies. Le public a largement répondu présent à l’appel de ce grand derby. Et, juste avant le coup d’envoi, il fallait voir la « corbeille » de Gaston-Vivas, largement relevée en prestige par la présence de plusieurs édiles locaux dont Sylvia Pinel, députée et ancienne ministre du Logement, de l’Artisanat et du Tourisme, Pierre Besnard, préfet du Tarn-et-Garonne, Céline Platel, sous-préfète de Castelsarrasin, Jean-Luc Deprince, maire de Beaumont, Maurice Correcher maire de Nègrepelisse, sans parler des présidents des deux équipes, ou encore de celle des représentants de plusieurs clubs du département (Montauban, Montclar, Caussade, Moissac, Valence d’Agen…). Si l’on ajoute à cela le soleil, une très belle pelouse, les buvettes garnies, les sourires des adultes et les rires des gamin(e)s de l’école de rugby de Beaumont (en démonstration d’avant-match sur la pelouse), tout était alors réuni pour vivre un grand moment. Ne restait plus, alors, aux acteurs du match qu’à rentrer sur la pelouse pour débuter la rencontre tant attendue (résumé et photos par Wildon)
D’entrée de jeu, les joueurs des deux bords se montrent gaillards dans leurs impacts. Trop parfois, Négrepelisse se faisant sanctionner par deux fois pour un placage haut (cravate) et un autre à retardement, à la retombée du ballon (carton jaune pour Luans, 21e). Rien de méchant, aucune volonté de blesser quiconque et aucun signe de nervosité des deux côtés : l’enjeu ne tue pas le jeu. Si Nègrepelisse ouvre le score en premier sur pénalité (3e), Pays réplique par deux pénalités successives (12e et 24e, 6-3) qui donnent l’avantage aux siens. Avantage de courte durée puisque juste avant les citrons et les oranges, Bounaudet trouve les perches pour une pénalité qui permet à Nègrepelisse de recoller à la marque (37e, 6-6). Les prosaïques diront alors que les garçons des deux camps sont vaillants pendant que les réalistes clameront que Beaumont ne « tue » pas le match, se contentant de gérer son avance du match aller. Et c’est bien cette dernière impression qui prédomine. Le duel de buteurs masquant surtout l’incapacité des uns et surtout des autres (Beaumont) de ne pas asseoir définitivement sa domination.
Et la seconde mi-temps va vite prouver le bien-fondé de ce ressenti. Si Beaumont attaque d’entrée de jeu et se retrouve sur la ligne d’en-but nègrepelissienne, Guillaume Pays est repris par la patrouille. L’action meurt sur un ballon gratté par les visiteurs qui en deux passes et une énorme cavalcade « coast to coast » sur un coup de pied à suivre se retrouvent avec une touche dans les vingt-deux mètres de Beaumont ! Touche, regroupement, ça plonge allègrement et pénalité sifflée pour les Charbonniers, coup de pied que Bounaudet, en mode sniper, botte parfaitement entre les perches (44e, 6-9). Le buteur du SCN en remet une couche avec une nouvelle pénalité (51e, 6-12). Et le pire reste à venir pour Beaumont.
Le club de la Lomagne obtient trois pénalités qui vont toutes être consécutivement ratées d’abord par Pays (57e et 59e) puis par Roussel venu le suppléer mais, sans plus de succès (62e). Le moral est atteint côté beaumontois, pendant qu’autour de la main-courante, la nervosité gagne les rangs au fur et à mesure des échecs mais aussi de la « cascade des maladresses » que notent les spectateurs les plus avisés.
L’absence de réalisme des Beaumontois mais aussi leur incapacité à percer le rideau défensif adverse devient d’autant plus criant que Bounaudet rate une pénalité (66e) ce qui aurait permis aux locaux de continuer d’avoir leur destin entre leurs mains et leurs pieds. A l’entrée du dernier quart d’heure, sur une pénalité jouée à la main, Nègrepelisse enfonce définitivement le clou : les « gros » fixent la défense beaumontoise à cinq mètres de l’en-but. Nathan Bounaudet s’empare du cuir, contourne le maul et part au pied des perches pour un essai qui crucifie définitivement les joueurs de Sébastien Taupiac et Frédéric Decotte. Et pour faire bonne mesure, Bounaudet devient pour l’Histoire, le bourreau des aspirations lomagnoles en bonifiant son propre essai (71e, 6-19).
Les ultimes minutes de la partie seront une nouvelle fois à l’avantage des locaux, domination territoriale qui se double d’une domination numérique, Ferrero écopant d’un jaune qui laisse les siens à quatorze (79e). Mais une fois encore, Beaumont échoue à quelques encablures de la ligne d’essai et se fait même contrer sur sa propre touche. Les larmes pouvaient alors commencer à couler des deux côtés : d’une infinie tristesse pour les Beaumontois, d’une incroyable joie pour les Nègrepelissiens. Car, à la surprise générale et au terme d’une improbable remontada, ce seront bien les Diables Rouges qui joueront en Fédérale 2 la saison prochaine.
Les réactions
Mustapha Garioub, entraîneur de Nègrepelisse
Rugby Amateur : Coach, la question tient en quatre mots : qui l’eut cru ?
MG : Nous, on y croyait. Je vous l’avais dit la semaine dernière. Il fallait surtout que l’on ose, que l’on ne soit pas timoré comme on l’avait été, et jouer comme à la fin du match de dimanche dernier : en leur mettant le maximum de pression et en les empêchant de développer leur jeu. Mais là, je suis vraiment bluffé par ce groupe. Je ne sais pas où ils vont chercher cette énergie. De plus, nous avons beaucoup de blessés et ce sont donc les mêmes joueurs qui enchaînent les rencontres depuis six ou sept matchs. Non, je ne sais pas où ils vont chercher tout ça…
Thomas De Raed, pilier de Nègrepelisse
Rugby Amateur : Thomas, au vu du match aller, qui pouvait croire en une telle qualification ?
TDR : Nous ! Nous, le SCN… il n’y avait que le SCN et le village de Nègrepelisse qui pouvaient le croire parce qu’ils avaient confiance en nous. Beaumont est une équipe contre qui nous n’avons pas gagné depuis deux ans : sept matchs, sept défaites. Et on gagne aujourd’hui le match le plus important, le huitième match, le match de l’honneur, le match de la montée. Beaumont est une équipe exceptionnelle mais on a prouvé que le cœur peut faire de belles choses. Je suis vraiment fier de jouer pour ce club.
RA : Ce devait être théoriquement votre dernier match avec le SCN. [retraite sportive à la fin de la saison pour le joueur]. Vous voici « obligé » d’en rejouer deux autres maintenant. Et plus si affinités ?
TDR : (rires) Oui… peut être pas les deux mais je jouerai tous les matchs qu’il faudra jouer, jusqu’à la finale s’il le faut. J’aime ce club et cette ville…
Damien Borderies, co-président du SC Nègrepelisse
Rugby Amateur : Avez-vous toujours cru en cette qualification ou est-ce plutôt une divine surprise ?
DB : Je ne vais pas répondre « cru » mais on avait totalement confiance en nos joueurs. Ils en avaient envie et ils l’ont montré tout au long des quatre-vingt minutes du match. Pourtant on n’avait jamais prédit qu’on monterait en Fédérale 2. Ils ont accompli un exploit. Ils ont écrit une nouvelle page de rugby du SCN parce que ce n’est jamais arrivé par le passé, c’est la première fois que Nègrepelisse accède en Fédérale 2. Je tiens enfin à remercier les présidents de Beaumont pour leur accueil, leur sportivité, et pour l’organisation qui a été montée autour de ce match pour en faire une fête du rugby. Car au final, le rugby en est sorti vainqueur.
Alain Sancey, co-président de Beaumont-de-Lomagne
Rugby Amateur : La semaine dernière, vous nous disiez être un président heureux par le résultat [ndlr : victoire 3-10 à l’aller] mais anxieux pour le match retour à disputer face à une équipe de Nègrepelisse vaillante et restant dangereuse. Paroles finalement prophétiques, non ?
AS : Je suis heureux quand même quand je vois le monde que nous avons fait venir cet après-midi, l’ambiance qu’il y a eu autour du stade, la saison que nous avons réalisé, on ne va pas tout effacer sur un match. Malheureux, oui, pour tout le monde. On aurait aimé gagner, bien sûr, mais on ne va pas tout jeter parce que nous possédons un super groupe, un public énorme et nous avions des amis en face de nous. Ils ont gagné, ils méritent largement leur victoire. On a vu des tribunes pleines, on a vu un match d’hommes, le rugby en sort vainqueur. Nous, On manque encore la montée pour la seconde année d’affilée. J’espère que dans un an nous y reviendrons.
Sébastien Taupiac, entraîneur de Beaumont-de-Lomagne
Rugby Amateur : Coach, qui eut cru pareil dénouement ? Vous aviez sept points d’avance et vous jouiez devant votre public, on vous a senti « gestionnaire » de votre avance en première période en tenant Nègrepelisse à distance au score et pourtant, tout doucement, on a aussi senti que le match fléchissait en faveur du SCN…
ST : (les yeux en larmes, il répond au bout d’un très long silence) Je sais pas… Je sais pas… on a eu quelques temps forts au début où on n’a pas su « scorer ». En plus on manque de réussite face aux buts et ils nous mettent une banderille au moment où il le fallait pour eux, à un quart d’heure de la fin. Je suis désolé, j’ai du mal à réaliser… (un sanglot dans la voix, Sébastien Taupiac préfère arrêter l’interview)
LA FEUILLE DE MATCH
A Beaumont (Stade Gaston Vivas) – Beaumont – Nègrepelisse 6-19 (Mi-temps : 6-6)
Pour Beaumont : deux pénalités de Pays (13, 24)
Pour Nègrepelisse : un essai (71), une transformation (71) et quatre pénalités de Bounaudet (3, 37, 44, 51)
Arbitres : M. Boisson (Languedoc) assisté de MM. Dumont et Diaz
Beaumont de Lomagne : Bedouch, Baron, R. Manet, Lafont, Dabat-Payou, Allal, Landry (cap), Alunni-Bravi, Bégué, Loukili, Blat, Barbe, Pous, Nicobia, Thau – Remplaçants : C. Manet, Rachail, Ducasse, Forlani, Guirbal, Roussel, Magne.
Nègrepelisse : De Raed, Lopes, Beaudonnet, Santerre, Dellamaria, Este (cap), Ricco, Jasinski, Bounaudet, Rous, Burghoffer, Mariner, Luans, Diarra, Folghera – Remplaçants : Spychala, Allaire-Snela, Ferrero, Prunes, Verdier, Davant, Azemar.
IMAGES DE MATCH