Le derby est ce genre de match que les joueurs de deux équipes rivales d’une même ville ou d’une même région cochent sur leurs calendriers respectifs avant même le début de la saison. Peu importe qu’il vente, qu’il neige, qu’il pleuve ou qu’il fasse soleil, il n’y aura que ce match qui comptera et tout le monde voudra « en être ». La légende des siècles s’est souvent écrite et nourrie de ces rencontres qui divisent la carte d’un lieu en deux camps et font les histoires colorées de nos soirées au coin du feu, entre défaites valeureuses, victoires à l’arrachée, bastons et autres soupes de marrons. Le Lauragais n’a pas échappé la règle ce dimanche, même si l’ancienne province est aujourd’hui divisée en plusieurs départements selon les frontières de la République de 1789, écartelée entre Haute-Garonne, Tarn, Aude et Ariège (fin du clin d’oeil culturel). Or, du haut des clochers de Villefranche comme de Castelnaudary, on ne voit pas les frontières, elles n’existent pas. Du haut de ces clochers, on distingue surtout les perches du stade du voisin rival. Et peu importe que l’un soit classé 5e, regardant vers le haut du classement, et l’autre soit 9e, luttant pour son maintien. Le derby, c’est d’abord une histoire de territoire, de ville, de rivalité, de maillot, d’honneur et d’hommes. Un « truc » que la République et ses frontières en pointillées sur une carte ne peut pas comprendre… (Résumé et photos par Wildon)
Castelnaudary a gagné le derby pendant neuf minutes très exactement, c’est-à-dire entre le moment où Barrière passe sa pénalité (1e, 0-3) et celui où Eridia a égalisé pour Villefranche (10e, 3-3). Le reste du match va progressivement tourner à l’avantage des hommes du duo d’entraîneurs Hallinger – Guiraud, rappelant à tous que c’est bien le FCV qui joue les premiers rôles dans cette poule 5 de Fédérale 2. Sur l’action suivante, les Villefranchois marquent un essai fulgurant, Melliès enclenchant le turbo pour percer toute la défense adverse. Il décale Anderlhalt qui fait parfaitement suivre à Morzelle, lequel va déposer en force, malgré le retour désespéré de la défense chaurienne, le cuir au pied du poteau droit. Essai que Eridia bonifie sans aucune difficulté (13e, 10-3). Pourtant, la domination de Villefranche ne va pas aller au-delà de cet essai jusqu’au terme de la première période. La « faute » à une équipe de Castelnaudary qui joue parfaitement le coup avec une défense bien en ligne, hermétique, jouant très haut sur toutes les tentatives villefranchoises. Et ce d’autant qu’Eridia rate une pénalité (17e) qui aurait pu creuser plus rapidement l’écart au score.
Villefranche fait parler sa vitesse
A la reprise, Eridia rate à nouveau une pénalité alors qu’il a le vent portant (42e). La fébrilité du buteur local est alors largement suppléée par le travail monumental de son pack qui campe littéralement sur la ligne d’essai adverse. Les « gros » rouges fixant toute la défense de Castelnaudary. Le reste se déroule comme à l’exercice : ouverture à gauche au cul du maul, une passe intermédiaire et Jamme de Lagoutine contourne la ligne adverse le long de la ligne de touche pour revenir au centre de l’en-but. Essai ! Eridia passe la transformation sans trembler (48e, 17-3). Castelnaudary réplique promptement par une attaque-éclair en diagonale qui surprend à peu près tout le monde sur et autour de la pelouse et finit par un très bel essai en coin comme les aime Jamme de Lagoutine, le tout avec la bonification d’Eridia (53e, 24-3). En tribune et autour de la main-courante, on se dit que la machine est lancée. Que nenni ! Castelnaudary se rappelle alors que la meilleure défense, c’est l’attaque et non l’inverse. Au terme d’un joli temps fort, les Chauriens parviennent à visiter l’en-but adverse avec un essai signé Romain Raynier que Marti transforme pour la forme (60e, 24-10). On se prend à rêver que Castelnaudary va enfin jouer le coup à fond dans ce derby qui ronronne. Et que l’arbitre, bien décidé à tenir en main, aseptise quelque peu en sifflant toutes les fautes, sans utiliser la règle de l’avantage ou laisser les remises en jeu rapides. Entre la loi et l’esprit de la loi, Mr Lapassade a tranché : ce sera la loi.
Les Chauriens refusent de jouer les touches
Et puis, curieusement, les Audois vont se remettre en mode défensif, refusant également de disputer la moindre touche en se tenant systématiquement à deux mètres de l’alignement villefranchois. Ce qui provoque la stupeur et l’incompréhension du public mais aussi du coach de Castelnaudary lui-même (voir son interview) ! A ce jeu-là, on joue avec le feu, surtout quand cela se passe dans vos « vingt-deux ». Cela commence avec la percée stratosphérique de De Pina Araujo qui dépose toute la défense adverse aux trente mètres pour s’en aller cavaler tout seul, jusque sous les poteaux, et marquer un essai que n’aurait pas renié un Fidjien. On ne parle même pas de la transformation tellement ce fut une formalité (65e, 31-10). A nouveau sous pression huit minutes plus tard, Cortal récolte un carton jaune, laisse les siens à quatorze lesquels, pilonnés par les « gros » de Villefranche, prennent dans la foulée un nouvel essai non transformé signé Grafeuille (73e, 36-10).
Au terme de la rencontre, on pourra tous se dire que Villefranche a remporté le derby et était bien le plus fort ce dimanche face à un Castelnaudary finalement à sa place. Mais personne n’est sûr qu’on se souviendra de ce derby-là dans la légende des siècles à venir du Lauragais. Ou alors au match retour, au mois de mars, peut-être. On verra bien…
Les réactions
Nicolas Hallinger, entraîneurs des avants de Villefranche-de-Lauragais
Rugby Amateur : le score est ample mais votre victoire a été longue à se dessiner…
NH : (Il coupe) Ouais mais Castelnaudary a joué avec ses valeurs, avec ses vertus et avec ses moyens. Ils nous ont contrecarré surtout en première mi-temps où ils ne nous ont pas laissés beaucoup de ballons. Même avec le vent favorable, ils les ont gardés pour ne pas nous les rendre et s’exposer. Ils ont fait des choses intéressantes, mais je savais que cela serait dur. Je l’ai dit aux garçons, on a fait beaucoup de petites erreurs, mais on a fait le « taf ».
RA : Quelles sont vos satisfactions alors, hormis la victoire ?
NH : Notre effectif était composé au tiers de jeunes et ils m’ont donné beaucoup de satisfaction cet après-midi. C’est le grand point positif, c’est bien pour nous et pour la suite de la saison car ils nous donnent des solutions pour les matches à venir. J’espère qu’ils vont me bousculer les « vieux » et que les « vieux » vont se remobiliser pour tirer tout le monde vers le haut.
RA : Justement, en parlant « de haut », votre victoire vous permet de regarder un peu plus haut au classement général. Cela aiguise vos ambitions ?
NH : Quand on est des compétiteurs, on regarde toujours vers le haut, c’est sûr. Mais on sait aussi que cette poule est très compliquée, qu’elle est très dure avec des équipes qui ont clairement affiché leurs ambitions de montée comme Pamiers, Mazamet, Cahors ou Castelsarrasin, et Gaillac parle de jouer la qualification. Et puis il y a nous. C’était important qu’on gagne, on prend le bonus en prime, c’est bien qu’on ait pu le faire avec ces jeunes. On a maintenant un « bloc » très dur avec deux déplacements consécutifs à Cahors puis à Malemort. On sent qu’il y a des choses intéressantes qui peuvent nous arriver, mais à côté de ça, il faudra gommer toutes ces bêtises dans notre jeu, ces erreurs de cadets…
Philippe Guicherd, entraîneur de Castelnaudary
Rugby Amateur : Au-delà du score, vous avez très bien tenu le coup en première période, avec une super défense, moins pour ce qui est de l’attaque, et puis d’un seul coup, tout s’est effondré en seconde période. Que s’est-il passé ?
PG : C’est compliqué de jouer au rugby sans conquête. Aujourd’hui, j’ai vu des choses intéressantes défensivement mais on a été catastrophique en touche, pas du fait de Villefranche, mais parce qu’on s’est mis les pieds dans le tapis tous seuls. Ils ont su exploiter les turn-overs. On ne peut pas prétendre à battre qui que ce soit avec une conquête en touche aussi faible comme ce dimanche. On en est à une sur douze. C’est impossible.
RA : Justement, pourquoi vos joueurs ont refusé de jouer les touches alors qu’ils sont menés au score ou auraient pu exploiter l’essai que vous marquez à l’heure de jeu ?
PG : Parce qu’ils sont tellement sûrs qu’ils vont perdre la touche qu’ils ne la disputent même pas ! C’est un problème de confiance en soi et quand on perd onze touches sur douze, on préfère jouer à la main plutôt que de chercher la conquête du terrain par la touche. Ce n’est pas cohérent, je le sais bien. Et je ne comprends pas, moi non plus.
RA : D’autant qu’en refusant la touche, vos joueurs ont laissé les quelques mètres nécessaires à Villefranche pour monter leurs attaques et quand on voit le « 20 » (De Pina Araujo) qu’ils ont, avec un coup de rein terrible, ça va au bout à chaque fois…
PG (il coupe) c’est la différence entre les gens lucides en fin de match, qu’on a perdu avec l’engagement physique mis tout au long de la rencontre. On n’y est plus du tout et voilà. C’est aussi un manque de rigueur, on paie le laxisme des mecs, on n’a pas mis les ingrédients pour faire quelque chose ici. On n’a pas montré une belle image de nous…
RA : Votre constat est finalement froid et accablant pour vos joueurs. Vous êtes un entraîneur en colère ?
PG : Oui, je suis en colère. Je le suis après mes joueurs mais je le suis aussi après moi. Je m’accable aussi du « non-match » de mes joueurs parce que je suis responsable de la composition de cette équipe. On va travailler encore plus, on va demander plus d’implications aux entraînements pour pouvoir exister autrement. Sinon, contre Pamiers, on va prendre cinquante points !
LA FEUILLE DE MATCH
A Villefranche-de-Lauragais (Parc Municipal des Sports) – FC Villefranche-de-Lauragais – R.O. Castelnaudary 36-10 (Mi-temps : 10-3) – Arbitre : Mr Lapassade
Pour Villefranche : 5 essais de Morzelle (13), Jamme (48, 53), De Pina Araujo (65), Grafeuille (74), 4 transformations (13, 48, 53 et 65) et une pénalité (10) de Eridia.
Pour Castelnaudary : un essai de Raynier (60), une pénalité (2e) et une transformation (60) de Marti.
Cartons jaunes : Anderhalt (34) pour Villefranche ; Raynier (21), Cortal (73) et Bastide (80) pour Castelnaudary
Villefranche-de-Lauragais : Pradalie, Sanchez, Grafeuille, Nunez (cap), Rayssac, Nérocan, Lafon, Morzelle, Mercier, Eridia, Jamme de Lagoutine, Anderhalt, Courthieu, Mellies, Alasset – Remplaçants : Goulignac, Bergada, Bortolozzo, Rumeau, De Pina Araujo, Antony, Barrau.
Castelnaudary : Rondeau, Puapua, Balonas, Magnier, Soum, Cortal, M. Marti, Batchali, Sibra, Barrière, Gr. Barthez, Gui. Barthez, Raynier (cap), Grout, Valadier – Remplaçants : Hamoudi, Binet, Tresca, Bastide, R. Marti, Ferriol, Labatut.
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