Ce match entre Toulousains et Millavois avait des allures de choc au sommet de la poule 5, les seconds recevant les quatrièmes, les uns et les autres affichant une santé insolente avec cinq victoires consécutives pour le TOAC-TOEC et trois pour les Aveyronnais. L’affiche promettait d’être belle entre deux formations en forme donc, aux ambitions et aux statistiques identiques. On savait que tout se jouerait à peu de choses près. Et on ne s’est pas trompé… (résumé et photos par Wildon)
Si l’essai vaut cinq points, la pénalité trois et la transformation deux, combien vaut l’âme d’une équipe ? C’est en substance dans cette question philosophique qu’il faut chercher l’explication des faits qui ont fait et défait le cours de cette rencontre. D’entrée de jeu, les Millavois mettent les Toulousains sous pression et déflorent la marque d’une pénalité signée Escalais (4e, 0-3). Réponse du berger à la bergère, sur un long coup de pied à suivre le long de la ligne de touche, Maystre colle le cuir sous son bras et galope d’une traite jusque sous les barres adverses pour un essai superbe et une transformation aisée d’Hernandez (8e, 7-3). Les forces en présence s’équilibrent et loin d’un rugby de tranchée, le jeu reste ouvert à de belles progressions, de regroupements conquérants et de « gros » qui percutent les lignes à qui mieux mieux. Et les deux adversaires de se rendre coup pour coup : Escalais recolle au score sur une pénalité passée sans trembler (13e, 7-6) ; sur un bras cassé en mêlée, Hernandez aggrave score d’une pénalité bien ajustée (15e, 10-3).
Millau répond du tac au tacle et décoche alors sa superbe flèche en la personne de Perraux, lequel transperce la défense toulousaine pour aller planter son choux de cuir dans l’en-but toulousain, Escalais valorisant les cinq points (22e, 10-13). Et voilà Millau qui repasse devant. Oh, pas très longtemps ! Le temps pour Hernandez et Torres de passer deux pénalités supplémentaires (27e et 33e, 16-13). Aux oranges et au vin chaud, le FCTT mène de peu à la marque mais a trouvé les ressources morales pour moins subir le pressing aveyronnais et répondre aux coups de boutoir des avants millavois.
A la reprise, Millau remet Toulouse sous pression pendant très exactement vingt-sept minutes consécutives, bénéficie d’une pénalité d’entrée de jeu (41e, 16-16) et envoie ses « lourds » frotter les côtes de leurs homologues. Tant et si bien que cela coûte sa place au buteur toeciste, Hernandez regagnant péniblement son vestiaire, l’épaule en vrac (57e). Torres reprend le rôle de canonnier en chef et, sur la première incursion des locaux en territoire millavois depuis le début de la seconde mi-temps, il passe une pénalité accordée par l’homme en noir et remet à nouveau les siens devant à la marque (66e, 19-16). Costauds dans leurs têtes et dans leurs corps, ces Toulousains…
Va s’en suivre un nouveau temps fort des Aveyronnais. Les « gros » pilonnent littéralement la défense toulousaine mais cette dernière se montre agressive et défend en avançant. Millau manque même de prendre un essai sur un contre mené depuis l’en-but toulousain ! Mais les joueurs du Coach Jalabert se remettent à camper devant la ligne d’essai adverse. Une fois, deux fois, trois fois, cinq fois, ils lancent leurs attaques petit côté, à partir de regroupements conquérants… Sixième fois…. Encore bloqués, les Aveyronnais sont repoussés de quelques mètres mais reviennent à la charge comme la grippe hivernale. Septième fois… ils se rapprochent de la ligne d’essai pendant que le TOAC-TOEC colmate toutes les brèches possibles, chacun attrapant ce qu’il peut pour stopper du Millavois : pieds, bras, jambes, tailles, short, mains, chaussettes, lacets…
On atteint alors le paroxysme de ce match où désormais la technique, la force ou la vélocité ne suffisent plus. On parle maintenant de la volonté des joueurs, de l’âme d’une équipe. Huitième tentative sur la ligne d’en-but toulousaine. Les « Gros » grignotent centimètre par centimètre, fixent l’adversaire puis soudain la délivrance… Neuvième tentative : au cul du regroupement né de la tentative précédente, lancé et poussé par ses coéquipiers, Frangne plonge et marque enfin l’essai libérateur, bonifié par le pied d’Escalais (73e, 19-23).
Malgré tous leurs efforts dans les dernières minutes restantes, les Toulousains ne reviendront pas au score et abandonneront une victoire longtemps indécise et qui se sera jouée sur ce petit supplément d’âme qui fait la grandeur ou la décadence, les empires ou les chutes, la victoire ou la défaite.
Laurent Jalabert, entraîneur du FCTT
RA : Laurent, c’était un match très serré, longtemps indécis, qu’est-ce qui a manqué au FCTT pour l’emporter ?
LJ : Ce qu’il a manqué à Toulouse ? (Silence, mâchoires crispées, colère perceptible), l’agressivité qu’on a su mettre lors des dernières rencontres (nouveau silence). C’est le mal des équipes qui gagnent et qui se sentent intouchables. Et quand on n’y met pas les ingrédients, au rugby, c’est très difficile de renverser une équipe comme celle de Millau, bien en place, qui tient bien le ballon. Aujourd’hui, il nous a manqué les valeurs qui ont fait que ces derniers temps, on était devant. Voilà, c’est aussi simple que ça.
Henri Ferrero, entraîneur de Millau
RA : Henri, on a coutume de dire que les empires tiennent à peu de chose. A quoi a tenu ce match ?
HF : Je pense qu’on a d’abord su tenir le ballon. On l’a fait dimanche dernier contre Pamiers [Victoire 23-16] et on a réussi à le faire encore ici, ce qui a privé les Toulousains de ballons. Et heureusement d’ailleurs parce qu’ils ont été dangereux sur le moindre ballon qu’ils ont eu.
RA : Cette victoire est-elle plus celle de la patience ou du réalisme, au final ?
HF : Depuis le début de la saison, on a dit aux joueurs qu’on n’était pas assez patients. Aujourd’hui, on l’a été et on voit le résultat. Maintenant, il y a toujours une part de chance mais sur ce match, c’est la patience qui l’a emportée.
Feuille de match
FCTT – Millau 19-23 (Mi-temps : 16-13)
Pour FCTT : 1 essai de Maystre (8e), 4 pénalités d’Hernandez (15, 27e) et Torres (33, 66e) et 1 transformation d’Hernandez (8e)
Pour Millau : 2 essais de Perraux (22e) et Frangne (73e), 3 pénalités (4e, 13e, 41e) et 2 transformations d’Escalais (22e, 73e)
FCTT : Raynaud, Bourmaleau, Bérail, Tabeuguia, Nyatto, Loubière (cap), Rabaj, Pérez, Torres, Hernandez, Maystre, Bary, Lassalle, Alard, Haramabillet – Remplaçants : Flitti, Lassave, Tine, Balangue, Fadel, Pessègue, Mankuka.
Millau : Ugulava, Raffanel, Lauria, Diaconu, Aleyrangues, Nuku, Mathieu, Gallay, Ecochard (cap), Escalais, Zucco , Vergne, Perraux, Castellarin, Baylac – Remplaçants : Monneret, Bosc, Frangne, Mezair, Gien, Solana, Richard,