C’est sur la plaine ouverte aux quatre vents du Stade Michel Millet que va débuter la grande aventure de la course au titre de champion de France de Fédérale 2 pour Agde, d’un côté, et Rumilly de l’autre. Et quand on parle de quatre vents, un seul suffit pour être l’invité d’horreur, le chien dans le jeu de quilles des enquilleurs enquiquinés au possible par les rafales d’un Tarral tour à tour furieux ou capricieux, faisant littéralement danser les perches. Sur la pelouse, les deux équipes qui entrent sur le terrain ont connu une phase régulière ayant quasiment la même saveur, Agde terminant second de sa poule quand Rumilly remportait la sienne. Les forces en présence sont donc presque les mêmes et les classements d’avant n’ont plus qu’une valeur relative, les compteurs étant remis à zéro à ce stade de la compétition. Agde ou Rumilly ? L’Hérault ou la Haute-Savoie ? La mer ou la montagne ? Non, il ne s’agit pas de savoir où choisir de passer vos prochaines vacances mais bien de pronostiquer un vainqueur potentiel à l’acte premier de ce 16èmes de finale. Bien malin qui… (Texte et photos par Wildon)
D’entrée de jeu, il est indéniable que la place occupée par le vent serait au centre de toutes les préoccupations mais aussi de toutes les stratégies. Choix du camp au « toss », jeu au pied, pénalités, transformations, bref tout ce qui fait le charme du rugby au pied. Quoi qu’en y repensant deux secondes, le jeu à la main sera aussi malicieusement perturbé par ce « tarral » de première catégorie, notamment en touche où le ballon, bien lancé, sera invariablement poussé sur le côté par le vent, obligeant l’arbitre à siffler une touche… pas droite ! Dura lex, sed lex (*) comme le disaient alors ces fous de Romains…
Les Savoyards jouant vent dans le dos en première période, ce n’est pas pour autant qu’ils trouvent la mire, malgré la charge additionnelle d’air comprimé, Muñoz ratant sa pénalité (4e). Qu’importe, car ce sont bien les Rumilliens qui mettent les Héraultais sous pression et manquent (encore) d’ouvrir le score sur l’action suivante, avec l’essai pourtant parfait de Carquillat mais finalement refusé pour un en-avant au départ de l’action (7e). Jouant contre le vent, les Agathois n’arrivent pas à prendre le jeu à leur compte, ni au pied ni à la main. Et dans la logique des choses, Rumilly ouvre finalement le score d’une pénalité parfaitement cadrée par Muñoz (12e, 0-3). Puis, enfonce le premier clou trois minutes plus tard par un essai coquin de Husquin, lequel prend l’intervalle plein centre, met un vent à la défense agathoise et s’ouvre une autoroute vers l’en-but. Muñoz transforme le tout face aux perches (15e, 0-10).
S’en suit alors un gros temps fort d’Agde jusqu’à la fin de la période, condamné à jouer à la main. On croit bienvenue l’heure de la récompense arrivée trois minutes après l’essai savoyard, quand Malaterre pique un sprint au cœur de la défense de Rumilly et file droit devant lui pour un essai promis… quand il se fait reprendre par la patrouille à quelques mètres seulement de la ligne (18e). L’occasion est passée et dieu sait que le match aurait été sans doute différent avec cet essai. Pire : à la suite de cette action, Rumilly récupère le cuir par la grâce d’une pénalité et le solide coup de pied de Muñoz, bien aidé par Éole, se transforme en artillerie à longue portée : le cuir vole sur toute la longueur du terrain et finit en touche sur la ligne des cinq mètres agathois !
Quoi qu’il en soit, Agde continue son pressing, que ce soit un jeu à gauche, à droite ou au centre, fait de pick and go ou ballons portés, mais rien n’y fait. La défense de Rumilly verrouille tout et oblige à un jeu souvent téléphoné par le peu d’options qu’ils laissent aux Héraultais. Sans oublier un vent têtu à décorner les cocus, soufflant si fort que tu montes une chandelle à Agde et tu récupères le ballon au large, à Brescou !
Avec l’inversion des camps, en seconde période, beaucoup de monde en tribunes et autour de la main courante, parie que la chanson va être différente pour les Agathois qui ne joueront plus vent debout. Agde reprend en effte, et à nouveau, le jeu à son compte, par la main surtout, Rumilly ne mettant jamais les Héraultais en position de tirer au pied vers leurs perches. Pire : Tardy écope d’un jaune et laisse les siens à quatorze. Et comme si cela ne suffisait pas, Rumilly démontre que, même avec un vent contraire, la force est avec eux. Récupérant un ballon tapé au pied dans ses « vingt-deux », Pignier remonte tout le terrain, zigue, zague, chaloupe, évite, slalome et enrhume toute l’équipe d’Agde pour aller marquer un essai d’anthologie malgré le retour d’Abela et Barthès ! Muñoz rajoute deux points à une action qui largue Agde au score, et aurait pu démolir le moral des Languedociens (60e, 0-17).
« Aurait pu », disions-nous, car c’est alors que les joueurs de Gabriel Bocca rallument la lumière à tous les étages. Jusque-là méconnaissables, empruntés et sans idées, y compris avec le vent favorable, Agde trouve enfin la route de l’en-but savoyard en passant « par la plage » avec un essai signé Mendez et transformé par Barthès (69e, 7-17). Et voilà que le stade Millet s’enflamme quand les Agathois mettent « flamberge au vent » (**) et Rumilly sur le reculoir. Les Savoyards sont réduits à quatorze après le carton jaune encaissé par Dumont (72e). Ils subissent le joug agathois à coup de ballons portés progressant irrésistiblement vers la ligne d’essai savoyarde. Or, accusés d’écrouler volontairement ces ballons portés, les Rumilliens sont alors sanctionnés d’un essai de pénalité par l’homme en noir (74e, 14-17).
Le stade s’emballe, ça transpire dans les tribunes, ça « pue » la remontada, d’autant qu’il reste encore du temps au chrono et que Rumilly est vraiment à la peine, même si la défense savoyarde reste toujours aussi vaillante. Agde pilonne le mur rouge, joue son va-tout à la main pour renverser le score en leur faveur et partir en Savoie… en Haute-Savoie, pardon, avec un petit matelas de points d’avance. Mais rien n’y fera, car ni à la main ni au pied (pour chercher le match nul), les Agathois ne pourront pas faire la différence face à un bloc défensif hermétique jusqu’à la fin. Ils partiront à l’assaut de la montagne rumillienne dans une semaine avec trois points de retard. Mais est-ce bien terminé ? Tout est-il déjà joué ? Autant en emporte le vent (***)…
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(*) La loi est dure mais c’est la loi
(**) Expression du XVIIe siècle signifiant « mettre son épée au vent » ou attaquer un combat.
(***) Expression signifiant la fugacité des choses qu’on croit acquises.
Les réactions
Si Rumilly a fait un exploit, ici, à Agde, ce n’est pas impossible
qu’on puisse le faire aussi là-bas.
Gabriel Bocca, entraîneur d’Agde
Rugby Amateur : On a senti votre équipe bloquée par le vent en première mi-temps mais aussi par le bloc défensif de Rumilly en seconde période. Vous n’aviez aucune solution ?
GB : La vérité, c’est que c’est une partie d’échec dans laquelle ils ont été plus intelligents que nous. Je ne peux pas reprocher un manque d’investissement de la part de mes joueurs, ils se sont « envoyés » (sic) à 100%. Maintenant si Rumilly a fait un exploit à Agde, ce n’est pas impossible qu’on puisse le faire aussi là-bas. On les connait maintenant, on sait comment ils jouent. On va aller là-bas pour faire quelque chose de très important.
RA : Que faudra-t-il pour renverser cette défense de Rumilly ?
GB : De la vaillance et de l’agressivité, et on en a. Il faudra savoir prendre les intervalles, savoir mieux gérer le match dans certains moments. Il faudra être plus intelligents aussi.
A 17-14, rien n’est fait, ni pour eux, ni pour nous. […] Il n’y a rien d’acquis.
Julien Veniat, co-entraîneur de Rumilly, en charge des avants
Rugby Amateur : Vous avez dominé pendant les trois-quarts de la rencontre mais avez-vous eu peur d’une « remontada » d’Agde en fin de match ?
JV : Non, pas vraiment, même si on a eu des conditions compliquées en seconde période avec ce vent, c’était carrément injouable. On avait ce vent dans le dos en première mi-temps, donc on a occupé le terrain, on les a mis à la faute mais ensuite ça été très compliqué au pied, c’était aussi très limité en touche. Et puis on savait très bien qu’en deuxième mi-temps, ils allaient tout donner. C’est une très belle équipe d’Agde, très bien structurée. On savait que ce ne serait pas un cavalier seul. On peut regretter cet essai de pénalité alors qu’il devait y avoir un carton rouge juste avant contre Agde. On prend un carton jaune et un essai de pénalité à la place. Ce sont des faits de jeu, comme je l’ai expliqué aux joueurs après coup. On est très, très, très (il insiste) content du contenu des joueurs. Maintenant, à 17-14, rien n’est fait, ni pour eux, ni pour nous. On repart à 0-0 dans l’esprit pour le match de la semaine prochaine, il n’y a rien d’acquis. Il n’y a rien de fait.
LA FEUILLE DE MATCH
A Agde (Stade Michel Millet) – Agde – Rumilly 14-17 (Mi-temps : 0-10)
Pour Agde : 2 essais de Mendez (69), de pénalité (74) et 1 transformation de Barthès (69)
Pour Rumilly : 2 essais de Husquin (15) et Pignier (60), 1 pénalité (12) et 2 transformations de Muñoz (15, 60)
Arbitres : Mr Andréani assisté de Mrs Vergeladi et Nagral
Agde : Delhoume, Ferret, Cossia, Avarguez, Aris, Tardy, Daurès, Chaubaud (cap), Causse, Abéla, Barthès, Fourquier, Malaterre, Clément, Amakrane – Remplaçants : Delmas, Adsuar, Alfatoli, Mendes, Alumnia, Labrouf, Tognaccini
Carton jaune : Tardy (46)
Rumilly : Decoux, Rameaux, Marcotte, Horn, Benmedjahed, Petrod, Truche, Loursac, Munoz, Gandy, Jacquet, Husquin, Carquillat (cap), Dalla Pria, Pignier – Remplaçants : Dumont, Barbe, Saglio, Arnaud, Smiler, Lambert, Fleck.
Carton jaune : Dumont (72)