Le Stade Rodez Aveyron, endetté, avait un pied dans le vide il y a deux ans seulement. Sont arrivés au chevet du malade deux glorieux anciens, deux Fabre. Jean tout d’abord. L’ancien capitaine du Stade Toulousain et du XV de France, qui a placé la formation au coeur du projet ruthénois comme il l’avait fait avec brio pour Toulouse pendant les années 80. Et puis Norbert, devenu président « par hasard ». Dynamique, ancien joueur de la grande époque, et bon gestionnaire, il a remis le SRA sur les bons rails. Il nous parle avec sa franchise habituelle de sa vision du club à court et moyen terme, avant un premier déplacement périlleux à Saint-Jean-de-Luz ce dimanche. (par Jonah Lomu)
Président, la trajectoire et les résultats ont bien changé depuis votre arrivée ?
Le club était en faillite il y a deux ans seulement. Il a fallu repartir avec un projet nouveau et une nouvelle équipe qui est arrivée pour sauver le club. Nous avons oeuvré prioritairement pour maintenir le club lors de notre première saison. Les comptes remis à zéro, nous avons eu ensuite comme objectif de nous qualifier sur le terrain, ce que nous avons fait. Nous avons perdu honorablement contre Nevers en 8ème, un des plus gros budgets de notre niveau. Et cette année, la qualification est le minimum syndical, car nous visons la première ou la deuxième place…
Au moins, on ne pourra pas dire que vous vous cachez
Pourquoi se cacher ? Nous avons un public fidèle, qui, historiquement, est rugby, pas foot. Nous avons la 4ème affluence de France, avec 4 000 spectateurs pour chaque match. L’an passé, on nous prédisait une saison compliquée, dans la poule de Montauban. Nous finissons 3ème. Nous avons un groupe de qualité, qui a été sérieusement renforcé.
Est-ce à dire que vous visez la Pro D2 dans ce cas ?
A court terme oui. Vous savez, il n’y a pas de Mourad Boudjelall ici, ni un grand mécène. Alors on professionnalise la vie du club, à tous les niveaux, en interne. Il y a des clubs qui ont de gros budgets comme Lille ou Nevers, mais qui ne sont pas des terres anciennes de rugby, ce qui explique leurs difficultés à franchir la dernière marche. Nous, on s’y attelle, sans se mettre la pression. Rodez a une histoire, des racines profondes, une identité.
Vous êtes particulièrement attaché à cette notion d’identité
On peut avoir des ambitions sportives élevées, sans se renier. Il est évident que le fils d’un joueur ruthénois est plus important qu’un joueur sud-africain qui viendrait faire une pige d’un an chez nous. Avant de recruter 8 Samoans, 5 Néo-zélandais et 6 Sud-africains, on regarde d’abord autour de nous. Mais il y a une réalité économique. Un pilier sud-africain sera 30% moins cher qu’un français de même niveau. Un coach d’Aurillac avait dit il y a quelques années que l’Afrique du Sud avait trois provinces : le Transval, le Natal et le…Cantal (rires). Pour autant, Notre équipe Une est composée pour un tiers de joueurs du cru, un autre du reste de la France, et un dernier tiers de l’étranger. Pour les partenaires, les supporters et pour nous, il est important que tout le monde puisse se reconnaître dans son équipe quand il la soutient.
D’où la création du FAR (Formation Aveyron Rugby) il y a deux ans ?
C’était une volonté forte oui, qui répond au cahier des charges de la FFR, certes, mais qui permet surtout à tout le département d’en profiter. Ce pôle est piloté par Jean Fabre qui en connaît bien les rouages par son expérience particulièrement réussie au Stade Toulousain dans les années 80. Ce qui est sécurisant, et rapidement un gage de réussite. Pour les jeunes, et tous les autres. Les adultes doivent voir un projet professionnel en parallèle du sportif. Par exemple, un joueur étranger qui ne parle pas français passe par un centre de langages pour apprendre. Il n’y a pas que le sportif qui compte.
Vous parliez de département, Rodez n’est donc pas le seul club à profiter de ce pôle ?
Il y a 14 clubs dans l’Aveyron, j’ai la faiblesse de croire que Rodez était LE lieu capable de fédérer toutes les forces vives. Je parlais de réalité économique, mais par notre histoire, et nos résultats, le fait d’avoir ce centre ici est logique. Pour répondre à votre question directement, si un joueur n’a pas le niveau de la fédérale 1, et plus pourquoi pas, il pourra jouer dans d’autres clubs bien sûr, et il y en a de très bons à Decazeville, Espalion, Lévezou Ségala et ailleurs. Le FAR a une vocation départementale, l’objectif est que chaque club le finance au prorata de son niveau et du nombre de joueurs bien sûr.
Votre avis sur le niveau de la fédérale 1, ses évolutions ?
C’est un niveau intermédiaire entre le pro et l’amateur, donc forcément compliqué à appréhender. Quand j’évoquais notre professionnalisation, il faut réussir à faire cohabiter des bénévoles, incontournables dans tous les clubs, et des salariés. Il faut inculquer une culture pro, en ayant un budget qui ne le permet pas, ou pas encore. le nôtre est de 1,4 millions, mais l’idéal serait d’en avoir 2. Et pour exister en Pro D2, il en faut au moins 3 ou 4. C’est pour cela que des équipes comme Massy ou Bourg-en-Bresse ont fait l’ascenseur.
Entre 1.4 millions et 4 millions, cela fait une grosse différence…
Mais si le club monte, il y a des partenaires nationaux qui s’intéressent à vous, avec des budgets plus importants, il y a les droits télé, c’est presque plus facile. Mais vous ne pouvez pas demander d’augmentation avant de monter.
Si Rodez monte en Pro D2, vous ne craindriez pas de devenir le Luzenac du Rugby ?
Non car nous avons des bases solides. Même s’il faut avoir conscience que cela demandera du travail. En fait, il faudrait commencer par repenser tous les niveaux.
C’est à dire ?
Jean (Fabre) et moi avons une réflexion globale sur le rugby. Il faudrait un Top 12, et pas 14. ce qui favoriserait l’équipe nationale. Le porte drapeau de notre sport, c’est l’équipe de France, notre vitrine. Puis 15 à 20 clubs en Pro D2, et une division « sas » en dessous avec deux poules de 15, comme les groupe A et B de l’époque. Cela permettrait aux clubs de ce niveau de jouer 14 matchs à domicile et pas 9. Nous avons besoin de matchs pour recevoir du monde, les partenaires, augmenter les recettes, …
Mouvements de l’inter saison
Départs :
BADIU Lionel (Carcassonne), CHELLAT Sofiane (Stade Français), CRIOTIER Damien (La Seyne), FALIERES Adrien (arrêt), LACASSAGNE Anthony (RC Montauban), MONTER Cyril (RC Montauban) POUJOL Anthony (Aix)
Arrivées :
AIUTA Lotu (Arrière, Bourg en Bresse), BERTRAND Gaëtan (centre, espoirs Perpignan), CROMI Michael (Ulster, pilier), Duvergé Robin (talonneur, espoirs de Castres), Garcia Pierre (ailier, Dax), Jean-Etienne Dimitri (LOU), Larrieu Thomas (talonneur Dax), Martinet Luc (pilier Bagnères), Marty Jean-Baptiste (demi de mêlée, espoirs de Castres), Matheur Liam (La Voulte, deuxième ligne), ROCA Mathieu (8, Aurillac), Timu Star (Nouvelle-Zélande), Vorster Petrus (Afrique du sud)