Après cinq mois et demi d’une interruption due à l’épidemie de Covid-19, le rugby reprenait ses droits vendredi dernier au Stade Balussou. Pour ce premier match amical de la saison, le SC Appaméen recevait le Stade Bagnérais. Au delà de l’aspect purement sportif et du plaisir simple de pouvoir retoucher un ballon en situation de match, l’occasion de vérifier l’impact des différents protocoles sanitaires… (par Marco Matabiau).
Des spectateurs dans la tribune, du monde à la buvette, deux équipes prêtes à en découdre sur le rectangle vert. Voilà près de six mois que l’on attendait cela. Julien Sentenac, le demi de mêlée du SCA, confirme: « Heureux d’être là, sur un terrain, avec un arbitre, une équipe en face. Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait pas touché un ballon et évolué avec une telle intensité« . Un avis partagé par Olivier Pujo, talonneur emblématique de Bagnères: « Avant tout, je veux dire que ça fait du bien de rejouer au rugby. On avait certes repris depuis un moment, mais se retrouver en situation de match, c’est autre chose. On espère simplement qu’on pourra continuer ainsi« .
Pour ce qui est du match, il s’agissait surtout pour les deux équipes de réaliser une large revue d’effectif. La première période était largement dominée par les locaux (notamment grâce au gros travail de leur paquet d’avants). Ils menaient 12-7 à la pause, ayant marqué deux essais par les troisièmes lignes Pradaud (au sortir d’une mêlée à cinq) et Gatti (maul porté suite à une touche). Les sept points bigourdans étaient inscrits juste avant la pause, un essai du deuxième ligne Dupont (là aussi consécutif à une cocotte) et la transformation (au passage, un beau combo poteau/ barre transversale) du trois-quart centre Pucheu-Planté. Le début de second acte était plus approximatif (les deux groupes étaient grandement remaniés). Bagnères repassait devant sur un essai (transformé) de filou de son demi de mêlée (14-12, 58è), puis un chassé-croisé s’engageait, l’essai de Ferrasse répondant aux deux pénalités de l’Ariégeois Boscus : 19-18 pour Bagnères (73è). Dans les arrêts de jeu, une ultime pénalité de Boscus donnait la victoire aux Appaméens (21-19).
Au tableau des satisfactions, le pack du SCA a montré de belles aptitudes autour de Tekassala, Panizzo et Gatti, ce dernier auteur d’un essai et de quelques belles échappées. Le talonneur néo-arrivant Kanfous (après cinq saisons à Valence d’Agen) a été très disponible dans le jeu courant et précis dans ses lancers. La charnière Sentenac – Ducousso devrait elle aussi faire parler d’elle pendant le futur exercice. Les jeunes Bagnérais, privés de ballons lors d’une entame délicate, sont restés solidaires en défense et ne se sont jamais désunis. Malgré les sorties rapides du trois-quart centre Grimaud (ischios) et du pilier Reyes (cheville), ils ont peu à peu sorti la tête de l’eau pour revenir dans le match, jusqu’à passer devant à quelques minutes de la fin. Notons que l’entrée de Cabanne au centre a visiblement re-dynamisé la ligne d’attaque. Les deux équipes se retrouveront samedi 22 au Stade Cazenave pour la deuxième manche.
L’essentiel était ailleurs…
Néanmoins, le score importe peu. Ce qui comptait le plus pour les deux équipes, c’était de remettre le pied sur le terrain dans le contexte actuel. Justement, comment ces deux clubs gèrent-ils la période actuelle et les mesures sanitaires mises en place ? Alain Sarraméa, vice-président bagnérais, donne quelques indications: « En ce qui concerne les entraînements, tout se passe en extérieur. Les joueurs se changent dans les tribunes. Chacun amène sa bouteille d’eau. On essaie de garder les distances autant que faire se peut. Les gars s’y sont fait, ils ont respecté tout ce qui avait été demandé. Ils ont été très sérieux. Après, on n’a pas encore joué à la maison. Il faudra s’organiser. On a reçu ce qu’il fallait pour mettre en place le protocole nécessaire. On va tout faire pour que ça se passe bien, que ce soit au niveau des vestiaires, de la tribune et de la buvette« . Eric Mercadier, manager de Pamiers, explique à son tour: « On a suivi le protocole, on a respecté les paliers, pour en arriver jusqu’à ce match-là. On s’est tous fait tester en début de semaine, de l’équipe logistique à ceux qui travaillent en cuisine, en passant bien évidemment par les joueurs, même si on ne nous l’avait pas demandé. Principe de précaution et de sécurité. Tout le monde est négatif. Après, on fait comme tout le monde: on navigue à vue. Certains disent qu’on ne reprendra qu’en novembre, voire décembre ou janvier. Nous, on se prépare pour le 13 septembre« .
Le co-entraîneur bagnérais (avec Christophe Cazaux) David Fourtané poursuit: « Pour l’instant, on n’a pas été testés. A part moi, ce matin, et je suis négatif. Les joueurs s’entraînent puis rentrent chez eux se doucher. On a attendu jusqu’à hier (jeudi 13) pour savoir si on allait pouvoir venir jouer. On gère au jour le jour, et du mieux possible. Le protocole est entré dans les mœurs, les joueurs acceptent plus facilement les contraintes, notamment celle de rentrer sales chez eux. Aujourd’hui, on a fait deux heures et demi de route: tous les joueurs portaient le masque dans le bus. Il y a deux mois, ça aurait été plus compliqué« . Du côté des joueurs justement, le point de vue de Pujo est identique: « Il a fallu s’adapter. Pour l’instant, on n’a pas de vestiaire. J’espère qu’on les aura en hiver (rires). On s’est adapté aux consignes de la fédération. Il est évident que c’est contraignant de mettre le masque, mais on ne peut pas faire autrement. En espérant que tout rentrera dans l’ordre d’ici peu« .
Le mot de la fin pour Sentenac: « Il faut qu’on vive avec, qu’on fasse attention au jour le jour. Si on peut jouer au rugby, ça veut dire qu’on est encore des privilégiés. On doit poursuivre nos efforts pour continuer à vivre notre passion. On prend du plaisir. Si chacun n’y met pas du sien, ça ne pourra pas durer. Ce soir, il y a du monde, c’est agréable. On voit qu’environ 70% des gens sont masqués. Il faut que les 30% restant prennent conscience de la situation et comprennent que s’ils veulent continuer à venir voir des matchs, ils devront se mettre au diapason« .
Réactions
Alain Sarraméa (Vice-Président, Stade Bagnérais): « Une entame très difficile. On n’a pas vu le ballon et on a été dominés par une équipe de Pamiers très solide devant, avec de la vitesse derrière. Malgré tout, on tourne à 12-7 à la pause. Une bonne revue d’ensemble. Il faut que la mayonnaise prenne. Beaucoup de recrues, de jeunes joueurs aussi. On peut être satisfaits de ce match, même si les garçons manquent encore de condition physique« .
Eric Mercadier (Manager, SC Appaméen): « On s’aperçoit qu’on a du travail. Le point de satisfaction, c’est la première mi-temps. On a archi-dominé, ils n’ont quasiment jamais cassé nos lignes. L’essentiel était de gagner le match, serait-ce seulement de deux points. On travaille mieux dans la victoire, même acquise dans la douleur« .
David Fourtané (Entraîneur, Stade Bagnérais): « Avant tout, heureux de reprendre. Au départ, on voulait s’assurer de l’état d’esprit du groupe et avoir une solide base défensive. Si on n’avait pas été solidaires, on aurait pris 40 points en première mi-temps car on n’a pas vu le ballon. On est donc satisfaits sur ces deux points. Ensuite, on a beaucoup de travail au niveau stratégique et individuel, mais chaque chose en son temps« .
Julien Sentenac: (Demi de mêlée, SC Appaméen): « On a fait tomber énormément de ballons, on a encore des lacunes. On a un groupe qui essaie de se forger un commun. Une première période assez convaincante même si on n’a pas réussi à concrétiser nos temps forts. En seconde mi-temps, on était un peu moins bien sur les fondamentaux, on n’a pas pu mettre notre jeu en place. Un premier match au terme duquel la victoire n’est pas si anecdotique: on travaille depuis début juin. Cela valide le travail effectué jusque-là« .
Olivier Pujo (Talonneur, Stade Bagnérais): « On a été privés de ballons une bonne demi-heure. On a subi. On ne savait pas trop où on en était. On s’était dit qu’il fallait être présents en défense, rester solidaires. Je pense que ça n’a pas été trop mal de ce coté-là. Ce socle de solidarité est une bonne base de travail« .