En cette première journée de championnat de la poule 3 de Fédérale 1, du côté de Blagnac, toutes les conditions étaient réunies pour passer un bel après-midi de rugby : un grand soleil, un ciel de Côte d’Azur, une douceur de l’air que n’aurait pas renié Marcel Proust, les senteurs alléchantes de quelques grillades en provenance de la brasserie des Caouecs, une tribune qui se remplit allègrement, un public enthousiaste, et une affiche de rugby fleurant bon la ville et la campagne. Restait alors à savoir si le dernier demi finaliste de Fédérale 1 allait assumer son rôle de favori face à Fleurance, venu chercher des réponses à de nombreuses questions… (Résumé et photos Wildon)
Blagnac frappe en premier
Et le match tient rapidement ses promesses. Blagnac frappe en premier d’un essai qui ne souffre aucune contestation. Sur une erreur de réception gersoise, Vernetti ramasse le cuir et file dans l’en-but en père peinard, Augustin transformant le tout (1e, 7-0). Que croyez-vous qu’il advint ensuite ? Et bien, Fleurance réagit par une superbe percée de Cantaloup depuis la ligne médiane, décale Van Kampen, qui s’ouvre un boulevard jusqu’aux poteaux blagnacais. Gabriel transforme sans effort (7e, 7-7). Deux essais en six minutes, le match est bien parti. Augustin permet à Blagnac de repasser en tête au score sur pénalité (11e, 10-7). Les deux équipes attaquent à tout va et ne se passent rien côté défense. Encore que…
Deux essais en deux minutes, Blagnac semble intouchable…
Après un long temps d’équilibre entre les deux formations, les Blagnacais vont s’offrir deux essais en deux minutes. Le premier part d’une mêlée en faveur des Haut-Garonnais, ouverture à droite, plein champ, puis une succession de passes qui trouve sur la ligne de touche opposée Vernetti. L’arrière enclenche le turbo et file tout droit vers l’en-but. Les Gersois ne le reverront plus. Augustin, décidément en veine, expédie le cuir entre les barres pour deux points de mieux (27e, 17-7). L’autre essai est donc inscrit cent vingt et quelques secondes en partant quasiment de l’en-but blagnacais. En huit passes, l’attaque fulgurante ramène les riverains de la Garonne sur la ligne d’essai fleurantine, Tardieu parachevant ce beau travail, qui a mis en l’air toute la défense gersoise. Augustin bottant parfaitement entre les perches pour la bonification du tout (29e, 24-7).
Le public local exulte à la vue de cette demi-heure pendant que les supporteurs adverses ont le blues. Il flotte dans l’air une odeur de valise que les faits vont accentuer. C’est tout d’abord le carton jaune reçu par le talonneur gersois Maxime Dupuy, auteur d’un mauvais geste, et renvoyé sur son banc pendant dix minutes.
Temps mis à profit par Blagnac pour inscrire un nouvel essai : Tardieu, servi au cul de la mêlée par son ouvreur, s’en allant aplatir dans l’en-but fleurantin dans un trou de souris (40e, 29-7). Si Augustin rate la transformation, Blagnac retourne tout sourire aux vestiaires pour les citrons pendant que Fleurance semble plutôt aux fraises.
La « remontada » de Fleurance
De retour sur le pré, Fleurance va sans doute inscrire ce qui devrait être l’essai le plus rapide de la saison : 35 secondes seulement après le coup d’envoi, Van Kampen plonge entre les poteaux de Blagnac, Gabriel bonifiant l’essai sans encombre (41e, 29-14).
Réponse du berger à la bergère, les pensionnaires du stade Ernest-Argelès répliquent par une offensive irrésistible qui envoie Tolofua, tout seul, dans l’en-but gersois (42e, essai transformé 36-19). On finit à peine une lampée de bière ou d’eau fraîche, que Fleurance remet le couvert. Sur une mêlée rapidement jouée, Lanave ouvre à droite et, tout au bout de la ligne d’attaque, on trouve encore Van Kampen à la conclusion d’une action rondement menée (44e, 36-19). On assiste alors à une véritable « attaque-défonce » où les joueurs à vocation offensive se taillent la part du lion pendant que les défenses sont aux abois quand la caravane passe.
A peine leurs derrière reposés sur leur siège que les supporteurs gersois se relèvent à nouveau grâce à Gabriel, le buteur se faisant « essayeur » en passant dans un trou de souris de la défense haute-garonnaise pour aplatir en terre promise, ajoutant de lui-même deux points de mieux à sa réalisation (50e, 36-26).
Blagnac est dans le dur, noyé dans le doute de septembre, sa défense en lambeaux, à l’image de celle de Fleurance en première période. Si le public en profite, les entraîneurs de deux bancs, eux, rigolent moins devant cette journée « portes ouvertes ». Les Blagnacais balbutient leur rugby et leur fébrilité est si palpable qu’ils expédient une pénaltouche directement en ballon mort au lieu de trouver la ligne des cinq mètres adverse (56e).
Mais c’est à l’heure du coaching que Fleurance va clairement baisser pavillon. Les changements effectués vont profiter à Blagnac qui retrouve d’un seul coup l’allant qui était le sien en première période. C’est d’abord la passe à l’anglaise d’Augustin qui échappe à Vernetti d’un cheveu (58e). Dans la foulée, la mêlée de Blagnac pousse Fleurance à commettre plusieurs fautes dans le pack, ce qui pousse finalement l’arbitre à accorder un essai de pénalité aux Blagnacais (59e, 43-26). Dix minutes plus tard, sur une attaque menée en diagonale, Charrueau délivre un bijou de chistera à Vernetti qui prend un magnifique intervalle. L’arrière dépose une grande partie de la défense gersoise pour mieux fixer son dernier adversaire et décaler Augustin qui file aplatir entre les poteaux gersois ! Et le buteur de bonifier son propre essai sans coup férir (65e, 50-26). L’addition aurait pu être plus corsée encore si l’essai de Jacques n’avait pas été entaché d’un en-avant dans la dernière passe vers le joueur (71e).
Si l’on ne peut enlever la volonté farouchement offensive des deux équipes et d’un brillant jeu d’attaque, tout en rapidité, les soixante-seize points inscrits ne peuvent cependant masquer les lacunes des deux défenses. Mais il ne s’agit que de la première journée d’un long championnat à venir, et les coaches auront à cœur d’ajuster ce qui doit l’être. Favori logique de la rencontre, Blagnac a justifié son statut, mais Fleurance n’est pas passé bien loin d’une « remontada » qui n’aurait rien eu d’immérité. Si l’avertissement pour les Blagnacais est sans conséquence pour ce coup-ci, les Fleurantins, malgré l’ampleur du score, ont quelques raisons d’espérer des jours et des matches meilleurs.
Les réactions
Mickael Carré, entraîneur de Fleurance : « Ce qu’on venait chercher ici, c’est un état d’esprit. Je crois qu’on a trouvé quelque chose. »
«Je suis fier de ce que les joueurs ont fait. On a été compacts défensivement, on a montré une belle agressivité même si on a été un petit peu naïfs par moments sur les premiers lancements de Blagnac. Une petite bascule de match se fait quand on fait quasiment le même lancement de jeu qu’eux, on a nous aussi une occasion, mais on fait tomber le ballon. ET eux, ils marquent derrière. Là, ça « breake » un petit peu. Nos joueurs ont été courageux, on a proposé du rugby, du jeu. On marque 4 essais de trois-quarts. On a défendu. L’ensemble est intéressant. On a certes des choses à perfectionner. On a perdu, on n’a rien gagné, on a toujours zéro point à la fin de la rencontre. Ce qu’on venait chercher ici, c’est un état d’esprit. Je crois qu’on a trouvé quelque chose. A nous de profiter de cela et de travailler un peu plus le rugby. Le groupe est en reconstruction. On sent qu’il y a eu quelque chose sur ce match-là. C’est ce qui est intéressant.»
Nicolas Gabriel, demi d’ouverture de Fleurance : « Malgré la défaite, il y a beaucoup de positif pour nous. »
«Satisfait de l’état d’esprit même si on doit régler quelques détails techniques. On a eu beaucoup de mal en conquête aujourd’hui. On va travailler cela. On fait des choses bien. Je pense qu’on arrive à les faire douter sur les 20 premières minutes. On est 10 à 7. Après, des faits de match font que le score est lourd. Malgré cela, beaucoup de positif pour nous (…) Blagnac est plus costaud que nous, beaucoup plus structuré. Leur effectif est resté assez stable, ils se connaissent bien et jouent souvent le haut de tableau. Ils ont fait une grosse saison l’an passé. Nous, on est nouveaux, ce n’est que la deuxième année que Fleurance est en Fédérale 1. Je le répète : malgré la défaite, il y a beaucoup de positif pour nous aujourd’hui.»
Eric Escribano, entraîneur de Blagnac : « On marque des points, c’est bien, mais prendre autant d’essais cela ne pardonnera pas une prochaine fois. […] Cette année, si on ne remet pas la défense en place, on n’ira pas bien loin. »
RA : Est-ce que le score reflète la physionomie de cette rencontre ?
EE : Oui tout à fait. Dans ce sport, quand on n’a pas d’humilité et que l’on oublie les fondamentaux de ce sport, le combat et la défense, voilà ce qui arrive. L’équipe de Fleurance est venue ici avec des intentions, de relancer, de jouer le jeu et nous, on oublie de défendre. On marque des points, c’est bien, mais prendre autant d’essais cela ne pardonnera pas une prochaine fois. La semaine prochaine, à Lannemezan, on n’en marquera pas autant. Cette année, si on ne remet pas la défense en place, on n’ira pas bien loin.
RA : Au vu de la rencontre, il reste pas mal de boulot donc ?
EE : Oui, on s’aperçoit qu’après trois mois de travail, les joueurs ont oublié beaucoup de choses : mauvaises touches, la mêlée avec ses nouvelles règles qu’il faut qu’on bosse encore plus, on oublie la conquête… et voilà, ça donne un match bancal.
RA : Les joueurs sont apparus « en dedans » alors que c’est un groupe qui a connu peu de modifications…
EE : Disons que nous sommes aussi attendus un peu partout maintenant. L’an dernier, on a fait une très belle saison et peut être que nous avons joué au-dessus de notre niveau. Je suis persuadé que les joueurs peuvent le refaire. A nous de nous remettre au travail, tranquillement, de nous remettre en question. Et les choses repartiront naturellement.
RA : Est-ce que ce sera une poule compliquée ?
EE : Oui, elle le sera avec des équipes comme Lannemezan, Oloron, Mauléon, Saint-Sulpice, Graulhet, Albi… ça va être l’enfer. Ce sont des équipes qui ont du cœur et des valeurs. A nous d’être efficace et bien en place, notamment quand on jouera chez nous.
RA : L’objectif de la saison est-il une qualification en play-offs ?
EE : Oui, tout à fait, on ne va pas se cacher. Même si on sait qu’on ne peut pas monter, on aimerait quand même revivre une saison comme l’année dernière. On sait que c’est difficile de motiver les joueurs dans ces cas-là, d’autant que c’est officiel. Mais quand on a de l’ambition, il faut essayer d’aller le plus loin possible.
RA : Était-il raisonnable de dire aux joueurs, dès le début de la saison, que Blagnac ne pourrait pas monter à l’étage supérieur, quoi qu’il arrive ?
Tout à fait, on l’a dit de manière claire et précise aux joueurs dès la fin de la saison dernière. Les joueurs étaient au courant depuis le début. Mais je crois que c’est un beau challenge. Le plus dur, en sport, c’est toujours de confirmer. Aux joueurs de montrer qu’ils sont capables de participer à l’aventure qui arrivera l’année d’après.
Damien Camacho (3ème ligne Fleurance) : « On était venus pour trouver des repères et des réponses… »
On est venus chez un demi finaliste de fédérale 1 pour se jauger, en sachant que ça allait être très dur, mais avec la volonté de trouver un état d’esprit après notre match de préparation raté à Castanet le weekend dernier. On a voulu faire douter Blagnac, et ça ne s’est pas joué à grand chose. On a la possibilité de prendre le score en première période, mais on loupe le coche et on prend trois essais coup sur coup. Je pense que le score était un peu lourd à la pause. On revient à dix points en seconde mi-temps, mais ils ont fini plus fort. On était venus pour trouver des repères et des réponses, pour construire ce groupe qui est de qualité, mais très jeune. Je pense qu’on peut être satisfait de ce point de vue là. Maintenant, on enchaîne par un deuxième match à l’extérieur, à Mauléon, un promu chez qui il ne sera pas facile d’aller prendre des points, mais ce sera notre objectif malgré tout. L’objectif de la saison lui, sera de se maintenir comme on l’a fait l’an dernier, mais si on peut le faire plus tôt, on ne se gênera pas.
LA FEUILLE DE MATCH
A Blagnac (Stade Ernest Argelès) – Blagnac – Fleurance 50-26
Mi-temps : 29-7
Pour Blagnac : 7 essais de Vernetti (1, 27), Tardieu (29, 40), Tolofua (42), de pénalité (59), Augustin (65), 5 transformations (1, 27, 29, 42, 65) et 1 pénalité d’Augustin (11).
Pour Fleurance : 4 essais de Van Kampen (7, 41, 44), de Gabriel (50), 4 transformations de Gabriel (7, 41, 50)
Arbitres : Mr Simon, assisté de Mrs Caballero et Bellehigue
Blagnac : Martin, Béziat, Pointud, Mutel, Van Blerk, Medvès, Verdy, Vachon (cap), Ferrary, Augustin, Charrueau, Tolofua, Saint-Martin, Tardieu, Vernetti – Remplaçants : Bisconi, Jacques, Ponsole, Manas, Bertolussi, Bouyxou, Alvarez, Lebrequier.
Fleurance : Pagoaga, Dupuy, Menabdishvili, Chiari, Du Preez, Vidal, Puydupin, Clermont, Lanave (cap), Gabriel, Bini, Cervantes, Loison, Cantaloup, Van Kampen – Remplaçants : Abadie, Lopez, Krieger, Camacho, Parat, Vogel, Bouisset, Vepkhvadze.