Premier contre premier. La logique aura ainsi été respectée puisque les deux équipes ayant emporté leur poule de playoffs se retrouvaient ce dimanche en finale au Stade Ernest-Argelès de Blagnac. Le Blagnac Rugby Féminin s’était hissé jusqu’à cette ultime rencontre en disposant du Stade Toulousain (12-8) grâce à un essai inscrit dans les derniers instants sur la pelouse de Sainte-Germaine au Bouscat (33). Dans le même temps, à Ernest-Wallon, l’ASM Romagnat Rugby Féminin s’était, non sans mal, imposée aux dépens du Montpellier Hérault Rugby (20-16) et sa kyrielle d’internationales. Laquelle de ces deux formations en pleine confiance allait donc soulever le précieux trophée ? (Par Marco Matabiau/ Photos Alain Montségur et Christophe Fabries)
Après le déluge apocalyptique qui s’était abattu sur Ernest-Argelès trente minutes avant le coup d’envoi, la rencontre débutait sous une pluie fine et continue. Les ardeurs des deux équipes n’étaient certes pas douchées mais le cuir, rendu des plus glissants, s’avérait difficile à apprivoiser. Blagnac, à domicile donc, tentait d’ailleurs d’en profiter quand l’ouvreuse Abadie allumait une chandelle à l’orée des 22, chandelle que l’arrière auvergnate Trémoulière peinait à contrôler. S’en suivait un cafouillage. Romagnat parvenait néanmoins à se dégager (5è). Le BRF continuait de pousser mais la défense adverse faisait bonne garde, à l’image de Guermit face à Dupouy (8è). Les « jaunardes » répliquaient par leur paquet d’avants: sur la première mêlée fermée du match, elles emportaient leurs homologues et glanaient une pénalité, puis une deuxième, gagnant au passage plus de 70 mètres grâce au pied de Trémoulière. La touche obtenue était toutefois mal négociée, la deuxième ligne caouec Mugnier s’emparant du ballon (9è).
Passé le quart d’heure de jeu, les Haut-Garonnaises obtenaient une pénalité en bonne position, mais Abadie ratait la cible (16è). Quelques instants plus tard, c’était au tour de Romagnat de mettre le nez à la fenêtre: l’ouvreuse Coudert jouait au pied par-dessus la défense, l’arrière blagnacaise Sarfati ne contrôlait pas le ballon qui échouait dans les pieds de Guermit. Cette dernière poussait rasant et pensait filer vers l’en-but. C’était sans compter sur Abadie en couverture qui, d’un superbe tacle glissé (en cette période d’Euro de football, quoi de plus normal!), écartait le danger tout en concédant la touche (20è). Sur celle-ci, les jaune et bleu s’organisaient en cocotte avant d’échouer à un petit mètre de la ligne. A nouveau, Blagnac se faisait sanctionner et c’était au tour de Trémoulière, des 22 mètres, de manquer les barres (23è).
L’arrière internationale se reprenait dans la foulée en grattant un ballon au sol aux dépens de l’ailière Puech (24è). Si les offensives avaient du mal à prendre de l’ampleur, ce n’était pas seulement dû aux maladresses des attaquantes. Les défenses se montraient intraitables, à l’image de la trois-quart centre blagnacaise Vernier, auteure de deux « carreaux » d’école sur la demi de mêlée Gaucher et la troisième ligne (et capitaine) Gabriagues, le tout en l’espace de deux minutes (27è, 29è). Les débats étaient des plus équilibrés. Romagnat avait pourtant l’occasion de prendre l’avantage juste avant la pause citrons, mais la pénalité de Trémoulière, tentée des 40 mètres, passait juste sous la barre. Bis repetita de son coup de pied en demi-finale face à Montpellier (39è). Madame Groizeleau mettait un terme au premier acte quelques secondes plus tard.
Romagnat prend les devants, Blagnac bute sur un mur
Si les Blagnacaises avaient dominé l’entame de la première période sous la pluie, les Auvergnates réussissaient au mieux celle de la seconde, baignée par un radieux soleil. Une touche obtenue dans les 22 adverses, une prise de Chèze dans l’alignement et un bon maul porté n’étaient qu’un prélude au petit coup de pied de Coudert sur lequel la trois-quart centre Pignot (une ancienne du Lycée Pierre-Caraminot d’Egletons, à l’instar de Benjamin Galissaires) se montrait la plus prompte pour ouvrir le score. Trémoulière rajoutait deux points (7 – 0, 43è). Blagnac mettait un peu de temps à réagir mais revenait dans la partie quand, suite à une faute de Gaucher (qui ne se sortait pas de la zone de plaquage), Abadie inscrivait une pénalité des 15 mètres en face (7- 3, 54è).
Quelques instants plus tard, les Romagnatoises développaient une action côté droit, libérant Perraudin dans le couloir. Alors que l’ailière pensait avoir fait le plus dur, elle était reprise en travers par Abadie. Le choc, bien que régulier, s’avérait plutôt violent. Les deux joueuses, groggy, mettaient un long moment à se relever, mais aucun protocole commotion n’était demandé (58è). Etrange, quand on sait que que les institutions ne cessent de clamer que la sécurité des joueurs et joueuses fait partie de leurs priorités. L’action résultait en une pénalité que Trémoulère tentait des 35 mètres. Le ballon fuyait toutefois les barres et le score restait inchangé (59è).
Dans la foulée, Romagnat remettait la marche avant sur un nouveau maul porté bien organisé et poussait Blagnac à la faute. Domain, entrée une dizaine de minutes auparavant, allait passer dix minutes sur le banc (61è). Après cela, la ligne de défense blagnacaise se mettait à la faute et Trémoulière rajoutait trois points (10 – 3, 63è). Loin de les démoraliser, ce carton semblait redynamiser les Blagnacaises, qui campaient désormais dans les 22 auvergnats. Elles accumulaient les pénal touches, et les « jaunardes » les fautes et les pénalités. Bilan: la capitaine Gabriagues allait à son tour dix minutes au frigo (69è). Toutefois, une mauvaise coordination lanceur-sauteur privait Blagnac d’une nouvelle munition (70è).
Ce n’était que partie remise puisque quelques minutes plus tard, la mêlée caouec dominait son homologue, notamment grâce à l’apport de Sylla, entrée quelques instants auparavant. La pénalité obtenue était vite jouée entre Abadie et Escudero: à un mètre de la ligne, la même Sylla ramassait et marquait en force. Malheureusement pour les rouge et bleu, Abadie manquait la transformation et Blagnac restait derrière au score (10 – 8, 73è). Le BRF maintenait la pression, mais Romagnat résistait et confisquait même un importantissime ballon dans l’alignement grâce à Pellegris (78è). Escudero se mettait ensuite à la faute (grattage considéré illégal) et, des 40 mètres, Trémoulière donnait cinq points d’avance aux siennes (13 – 8, 79è). Blagnac bénéficierait bien d’une dernière mêlée à l’entrée des 22 adverses, d’un dernier ballon d’attaque, songeant certainement à refaire le coup de Sainte-Germaine, mais un ultime en-avant venait contrarier les plans caouecs et exaucer les voeux auvergnats: l’ASM Romagnat s’imposait en finale et remportait le titre de champion de France Elite 1.
Pour cette finale pourtant disputée sur leur pelouse fétiche d’Ernest-Argelès, les filles du BRF n’ont jamais su trouver les clés du coffre-fort romagnatois. Le ballon rendu glissant (certes pour les deux formations) par une pluie incessante, elles n’auront jamais réellement pu mettre leur jeu en place et se seront souvent rabattues sur du jeu autour des zones d’affrontement, à une passe, se fracassant immanquablement sur une défense auvergnate rompue à l’exercice. Même la forte période de domination dans le dernier quart d’heure n’aura pas permis aux protégées des frères Tranier (Nicolas et Laurent) d’inscrire les points nécessaires pour passer devant. La deuxième ligne Forlani aura pourtant une fois encore tenté d’entraîner ses coéquipières dans son sillage, tout comme Mayans, très sollicitée, et Vernier, plus discrète en attaque mais impressionnante en défense. Même si la saison caouec fut belle, elle garde forcément un goût d’inachevé. Un goût que les Blagnacaises souhaiteront certainement effacer dès la saison prochaine en revenant à ce stade de la compétition, en espérant forcément un résultat tout autre.
Le Stade Toulousain (24-17), le Montpellier Hérault Rugby (20-16), le Blagnac Rugby Féminin (13-8): en trois semaines, les joueuses de l’ASM Romagnat Rugby Féminin seront venues à bout des trois équipes phares du championnat de France Elite 1. De là à dire qu’elles méritent largement leur victoire finale (et de rebaptiser l’équipe « Roma-Gnaque »), il n’y a qu’un pas que nous n’hésiterons pas à franchir. Malgré la charge émotionnelle que doit représenter une victoire en demi-finale contre les championnes de France en titre (et favorites à leur propre succession), les filles de Fabrice Ribeyrolles et Vincent Fargeas ont su se remobiliser et se préparer à ce nouvel affrontement XXL. Encore une fois, elles ont fait bloc (en début de match, puis dans les ultimes instants) et ont été efficaces dans leurs temps forts. Sous la houlette de l’ouvreuse Coudert, elles ont collectivement fait le nécessaire pour s’imposer et emporter le titre, validant ainsi le travail réalisé par tout le club depuis la remontée parmi l’élite féminine il y cinq ans de cela. Nul doute que quelques éruptions en tous genres sont à prévoir ces prochains jours dans le Massif Central…
Réactions
Fabrice Ribeyrolles (Entraîneur, ASM Romagnat): « Comme la semaine dernière. Au courage. On a marqué sur un gros temps fort. On a loupé quelques points en première période. Après, on s’est bien battues, on a résisté. La même fin de match que contre Montpellier. Les filles ont fait preuve d’une grande solidarité, je ne sais pas où elles sont allées chercher tout ça. Elles ont été extraordinaires. Venir à Blagnac, gagner ici après avoir battu Montpellier. On ne l’a pas volé celui-là. Je n’en reviens toujours pas ».
Laurent Tranier (Entraîneur, Blagnac): « Très déçu au vu de la saison qu’on a réalisée, de tous les soucis qu’on a pu connaitre. On a travaillé dur pour en arriver là, mais on n’est pas payés ce soir. On rate pas mal de choses pendant le match. Tout le monde est frustré et dégoûté par le résultat (…) Dominer n’est pas gagner. On a été beaucoup pénalisés en première mi-temps. On a fait beaucoup trop de fautes. Quand on joue un match de phase finale, il vaut mieux éviter. Habituellement, on est devant au score et on gérait notre match. Aujourd’hui, on a tout le temps été derrière, il a fallu courir après le score. Les filles ont tout donné, c’est triste pour elles ».
Leila Guermit (Ailier, ASM Romagnat): « Beaucoup d’émotion. C’est incroyable. Je pense qu’on va mettre un moment à réaliser. Beaucoup de travail. Le résultat d’une saison, de sueur, de larmes. Maintenant, c’est de la joie. On va en profiter. Cette saison nous a permis de construire un groupe soudé. J’espère que ce n’est que le début d’une longue histoire ».
Audrey Forlani (Deuxème ligne, Blagnac): « Forcément déçue. On a manqué de réalisme. Dans le combat, elles ont été plus fortes que nous. On est déçues pour nous-mêmes, pour le public et les dirigeants qui ont tant travaillé pour qu’on en arrive là. On va travailler et revenir plus fortes l’année prochaine (…) Il nous a manqué le petit détail. On passe plus de dix minutes sur leurs 5 mètres, on ne marque pas. Cela nous avait réussi la semaine passée, pas cette fois, d’où notre déception ».
Feuille de match
A Blagnac (Stade Ernest-Argelès): ASM Romagnat Rugby Féminin bat Blagnac Rugby Féminin 13 à 8 (mi-temps: 0 – 0).
Arbitrage: Mme Aurélie Groizeleau assistée de Mmes Doriane Domenjo et Nathalie Millet.
Cartons jaunes: à Blagnac, Domain (61è); à Romagnat, Gabriagues (69è).
Pour l’ASM Romagnat: 1 essai Pignot (43è), 2 pénalités (63è, 79è) et 1 transformation Trémoulière.
Pour Blagnac: 1 essai Sylla (73), 1 pénalité Abadie (54è).
Composition ASM Romagnat: Trémoulière; Perraudin, Pignot, Gincourt, Guermit; Coudert (o), Gaucher (m); Gabriagues (cap), Sgorbini, Chèze; Shelford, Tounesi; Ferrari, Lazarko, Prat.
Sur le banc: Thomas, Roux, Pellegris, Vidal, Touré, Menanteau, Ribeyrolles, Guerrith.
Entraîneurs: Fabrice Ribeyrolles et Vincent Fargeas.
Composition Blagnac: Sarfati; Aguado, Dupouy, Vernier, Puech; Abadie (o), Martin (m, cap); Khaiza, Mayans, Berthoumieu; Mugnier, Forlani; Joyeux, Necer, Lindelauf.
Sur le banc: Domain, Polak, Sylla, Escudero, Cassaigne, Queyroi, Llorens, André.
Entraîneurs: Laurent et Nicolas Tranier.